La cour d’appel d’Aix-en-Provence a tranché : par une décision rendue jeudi 24 avril 2025 et révélée samedi par Nice-Matin, la Fédération de Russie devient propriétaire de l’église Saint-Nicolas-et-Sainte-Alexandra, dite « vieille église » orthodoxe, et du cimetière Caucade de Nice. L’Association cultuelle orthodoxe russe (Acor), qui gérait ces lieux depuis près d’un siècle, a été condamnée à quitter les lieux.
Ce jugement marque un nouveau tournant dans le contentieux entre Moscou et la communauté russe exilée à Nice. En 2013, la Russie avait déjà récupéré, dans des conditions tendues, la cathédrale orthodoxe Saint-Nicolas, en changeant les serrures du jour au lendemain.
À la fin du XIXᵉ siècle, la famille impériale russe avait acquis plusieurs terrains à Nice pour y construire des édifices religieux destinés à accueillir la colonie russe en villégiature sur la Côte d’Azur. Après la révolution de 1917, ces lieux sont devenus des refuges pour les émigrés russes fuyant le régime soviétique. Avec le désintérêt du pouvoir soviétique pour ces propriétés, leur gestion avait été confiée dans les années 1920 à l’Acor, association fondée pour maintenir le culte orthodoxe russe dans la tradition de l’Église impériale. Cependant, l’Acor n’a jamais rallié le patriarcat de Moscou, préférant se placer sous l’autorité du patriarcat de Constantinople, puis, à partir de 2019, sous celle du patriarcat de Roumanie.
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À la suite de la chute de l’URSS, la Fédération de Russie a entamé des démarches pour récupérer les biens acquis avant 1917. Moscou a soutenu que les propriétés de l’Église orthodoxe de Russie étaient juridiquement des biens de l’État russe, en l’absence de séparation entre Église et État lors des acquisitions. Dès lors, selon cet argument, la propriété publique ne saurait être remise en cause par la prescription acquisitive. L’Acor, de son côté, invoquait ce principe de prescription, affirmant avoir payé les impôts et entretenu les lieux pendant plus de trente ans.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a suivi l’argumentation russe, estimant que, même financés par des dons privés, les terrains et édifices relevaient du patrimoine de l’État russe. L’autorité qui avait confié la gestion à l’Acor dans les années 1920 n’avait transmis qu’une mission d’organisation du culte, sans transfert de propriété.
« Nous sommes atterrés », a déclaré Alexis Obolensky, président de l’Acor, cité par Nice-Matin. « Ce sont des centaines de fidèles qui sont concernés et qui sont jetés à la rue. » La situation rappelle l’épisode de 2013, lorsque la Russie avait rapidement pris possession de la cathédrale Saint-Nicolas, changeant toutes les serrures en une nuit. Le cimetière Caucade, situé dans l’ouest de Nice sur une légère hauteur, abrite les sépultures de plusieurs centaines d’émigrés russes, témoins d’un pan entier de l’histoire de l’exil postrévolutionnaire. Quant à la « vieille église », elle était devenue un symbole vivant de la foi et de la mémoire des Russes blancs sur la Côte d’Azur.
Cette décision, qui intervient dans un contexte international tendu, touche un point sensible pour la communauté orthodoxe non ralliée au patriarcat de Moscou. Pour l’instant, aucune précision n’a été donnée sur les modalités concrètes de la reprise en main des sites ni sur le sort réservé aux fidèles de l’Acor.
Source Nice Matin