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Le scandale qui a fait tomber le successeur du cardinal Schönborn

Cardinal  Schönborn - DR
Cardinal Schönborn - DR
Une enquête interne menée par son abbé confirma que Dom Quartier avait franchi des « limites morales, psychologiques, émotionnelles et sexuelles ».

Un nouvel épisode qui interroge sur les dérives et le silence autour de certains scandales dans l’Église.L’affaire devait être conclue : Dom Bernhard Eckerstorfer, bénédictin autrichien et recteur du Pontificio Ateneo Sant’Anselmo à Rome, était pressenti pour succéder au cardinal Christoph Schönborn à l’archevêché de Vienne.

L’annonce de sa nomination semblait imminente, confirmée par plusieurs médias catholiques. Pourtant, contre toute attente, le 22 janvier dernier, le Vatican a désigné non pas un nouvel archevêque, mais un administrateur apostolique en la personne du vicaire épiscopal Josef Grünwidl. Trois jours plus tard, l’abbaye de Kremsmünster annonçait l’élection de son nouvel abbé : dom Eckerstorfer lui-même.

Pourquoi ce brusque revirement ?

Selon plusieurs sources, le moine aurait été rattrapé par son implication indirecte dans un scandale d’abus impliquant un autre bénédictin, Dom Thomas Quartier, accusé d’avoir agressé sexuellement un novice. Une affaire qui révèle une gestion plus que discutable des cas de mœurs au sein de certains monastères.

Un moine compromis dans un scandale d’abus

L’histoire remonte à 2020. À cette époque, Dom Bernhard Eckerstorfer venait d’être nommé recteur de Sant’Anselmo, institution académique bénédictine de renom à Rome. Dans le cadre d’un partenariat universitaire avec l’université Radboud de Nimègue (Pays-Bas) et l’abbaye de Mont-César à Louvain (Belgique), il choisit de collaborer avec le père Laurentius Eschlböck et dom Thomas Quartier, un moine bénédictin hollandais.

Mais Dom Quartier traînait déjà une lourde accusation. En 2018, alors qu’il était moine de l’abbaye Saint-Willibrord à Doetinchem, il aurait commis des abus sur un novice. Une enquête interne menée par son abbé confirma que Dom Quartier avait franchi des « limites morales, psychologiques, émotionnelles et sexuelles ». Toutefois, dans une déclaration pour le moins alambiquée, son supérieur affirma qu’il ne s’agissait pas « d’actes sexuels à proprement parler ».

Une gestion douteuse et des silences compromettants

Au lieu d’être écarté, Dom Quartier a simplement été transféré en 2020 à l’abbaye de Mont-César à Louvain, où il a poursuivi son engagement académique et religieux. Pire encore, malgré ces accusations, il a été ordonné diacre, bien que son ordination sacerdotale ait finalement été bloquée en 2023 par le cardinal Jozef De Kesel, alors archevêque de Malines-Bruxelles, soucieux d’éviter un scandale alors que l’affaire commençait à fuiter.

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C’est à cette même période que dom Eckerstorfer, alors recteur à Sant’Anselmo, renforçait sa collaboration avec dom Quartier et l’abbaye de Mont-César, intégrant le bénédictin hollandais à des projets de recherche et de formation. Cette proximité a-t-elle pesé sur son avenir ecclésiastique ? Tout porte à le croire.

En novembre 2024, l’abbaye de Mont-César a été fermée par la Congrégation sublacense-cassinaise, et les rares moines restants ont dû être transférés ailleurs. Cette décision faisait suite à l’ouverture d’une enquête par la justice belge, après la plainte d’un homme affirmant avoir été agressé sexuellement par un moine alors qu’il discernait sa vocation dans ce monastère.

Il devient alors évident que la gestion de cette affaire par les supérieurs concernés, y compris dom Eckerstorfer, posait problème. Face au scandale, le Vatican a préféré écarter le bénédictin de la course à l’archevêché de Vienne, sans toutefois provoquer un séisme médiatique : en le ramenant à son abbaye d’origine, il est ainsi placé hors des projecteurs.

Cette affaire illustre une nouvelle fois la difficulté de l’Église à gérer les cas d’abus de manière transparente et ferme. Alors que des efforts sont faits pour prévenir ces situations, des décisions douteuses, des promotions maintenues malgré des antécédents problématiques, et des relocalisations d’accusés continuent d’être observées.

Le cas de dom Eckerstorfer rappelle que la question des abus ne se limite pas à leurs auteurs : elle concerne aussi ceux qui, par leur silence ou leur tolérance, permettent que ces situations perdurent. Et alors que l’Église se doit de restaurer la confiance des fidèles, ces méthodes de gestion des scandales restent un obstacle majeur à cette mission de vérité et de justice.

Avec NBussola

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