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Monseigneur Warda accusé de complicité mafieuse : une plainte qui ébranle l’Église chaldéenne

Monseigneur Bashar Warda - DR
Monseigneur Bashar Warda - DR
L’archevêque chaldéen d’Erbil, figure respectée de la défense des chrétiens d’Irak, est visé par une plainte déposée aux États-Unis

Archevêque chaldéen catholique d’Erbil et défenseur reconnu des chrétiens d’Irak depuis la guerre contre l’État islamique, Monseigneur Bashar Warda est désormais au centre d’un scandale d’envergure. Une plainte fédérale déposée en Virginie l’accuse de liens personnels, politiques et économiques avec un réseau qualifié de « mafia irakienne », et de complicité dans l’enlèvement et la torture d’une femme d’affaires irako-américaine.

Né à Bagdad en 1969, Monseigneur Bashar Warda est prêtre rédemptoriste depuis 1993 et diplômé de l’Université catholique de Louvain. Archevêque chaldéen d’Erbil depuis 2010, il s’est distingué par son engagement en faveur des chrétiens d’Irak persécutés après 2014.

Sara Saleem, promotrice immobilière installée en Virginie, affirme que Monseigneur Warda aurait œuvré pour protéger les frères Nizar, Nameer et Ramez Hanna, figures bien connues du grand banditisme en Irak, condamnées pour fraude puis libérés. Ces derniers sont impliqués dans une affaire de détournement de fonds liés à un prêt de 100 millions de dollars consenti pour un projet immobilier à Bassora en 2014. À la suite de litiges commerciaux, Saleem affirme avoir été kidnappée, battue et séquestrée pendant trois mois. Selon elle, cette opération aurait été soutenue par un système corrompu impliquant des miliciens, des hommes politiques… et un archevêque.

Dans sa plainte de 56 pages déposée le 13 février 2025 devant le tribunal fédéral du district Est de Virginie, Saleem accuse seize personnes, dont Monseigneur Warda, d’« actes brutaux d’extorsion, d’enlèvement, de torture et de tentative de meurtre ». Elle affirme que l’archevêque aurait soudoyé le Premier ministre irakien de l’époque pour intervenir en faveur des frères Hanna, et qu’il aurait exercé une pression directe sur elle afin de la contraindre à abandonner sa plainte. Des messages WhatsApp de mars 2023, transmis au média Crux, témoigneraient selon elle de cette tentative d’intimidation.

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Un porte-parole de l’archevêché a immédiatement réagi : « Mgr Warda nie catégoriquement et rejette ces accusations diffamatoires et entend les contester vigoureusement devant les juridictions compétentes. » Une source proche de l’archevêché d’Erbil parle de « pures inventions absurdes ».

Cette affaire survient dans un contexte déjà tendu au sein de l’Église chaldéenne. Le patriarche de Babylone des Chaldéens, le cardinal Louis Raphaël Sako, a publiquement exprimé son inquiétude concernant les liens présumés entre Monseigneur Warda et Rayan al-Kildani, chef des milices des Brigades Babylone, notoirement soutenues par l’Iran et sous sanctions américaines pour violations des droits humains. Le cardinal Sako va jusqu’à accuser Mgr Warda d’avoir collaboré avec al-Kildani pour obtenir sa propre destitution. Il aurait même renoncé à sa retraite pour éviter que l’archevêque d’Erbil ne lui succède.

Cette plainte fédérale ne se contente donc pas d’atteindre un homme : elle ébranle toute une Église. Celle qui s’est tant battue pour survivre face à l’État islamique se voit aujourd’hui minée de l’intérieur par des luttes d’influence, des accusations de compromission et des fractures de plus en plus visibles. Une Église où, comme le disait saint Grégoire le Grand, « l’autorité sans vérité n’est qu’un masque de puissance ».

Reste à la justice américaine de faire la lumière sur les faits. Mais pour les fidèles, une autre question demeure : l’Église chaldéenne retrouvera-t-elle le chemin de la transparence, de l’unité et de la fidélité à sa mission évangélique ?

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