Alors que les évêques de France sont réunis à Lourdes pour élire leur nouveau président et réfléchir à la lutte contre les violences sexuelles dans l’Église, le sanctuaire marial a commencé à recouvrir les mosaïques du père Marko Rupnik. Une décision symbolique, mais partielle, qui suscite interrogations et malaise. Ce lundi 31 mars, à la basilique Notre-Dame-du-Rosaire de Lourdes, les portes latérales ornées des mosaïques du père Marko Rupnik ont été recouvertes de panneaux. « Les deux grandes portes centrales le seront d’ici quelques jours, avant le début de la saison des pèlerinages », a précisé dans un communiqué Mgr Jean-Marc Micas, évêque de Tarbes-Lourdes, cité par l’AFP.
Mais une question demeure : pourquoi ne pas avoir retiré ces mosaïques ? Pourquoi cette demi-mesure, cette censure douce, réversible, silencieuse ?
Accusé de violences sexuelles et psychologiques sur une vingtaine de femmes pendant près de trente ans, le père Marko Rupnik, artiste et théologien jésuite, a été exclu de la Compagnie de Jésus en juin 2023. Pourtant, pendant longtemps, il a été protégé au plus haut niveau de l’Eglise , et ses œuvres sacrées continuent d’orner de nombreux sanctuaires dans le monde : à Fatima, à Damas, à Washington, au Vatican… et à Lourdes.
En2023 Monseigneur Micas confiait : « Cela occupe mon esprit, ma prière et mon cœur tous les jours, surtout lorsque je rencontre des victimes d’abus. ».En mars 2023 l’évéque a créée une commission consultative, composée d’experts en art sacré et de conseillers venus de toute la France, afin de statuer sur le sort des mosaïques. C’est donc des mosaïques cachées plutôt que purement et simplement retirées.
Entre-temps, l’évêque dit avoir reçu « un tas de lettres », du monde entier : certains exigent le retrait immédiat des œuvres de Rupnik, d’autres, au contraire, dénoncent une forme de cancel culture appliquée à l’art sacré.
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L’évéque de Lourdes affirme avoir pris sa décision après avoir reçu un témoignage : celui d’une femme anglaise, bénévole de longue date à Lourdes, qui aide les malades. Elle lui dit : « J’ai rencontré de nombreuses femmes qui viennent à Lourdes pour demander une guérison après avoir été abusées. Et elles viennent à l’Immaculée Conception pour être réconfortées. » Puis, parlant de la basilique et de ses rampes ornées : « Pour moi, pour elles, les bras ne sont plus ceux de la Vierge. Ce sont les bras du P. Rupnik. ».Cette parole a été décisive pour Monseigneur Micas, mais aujourd’hui, ce que beaucoup interrogent, c’est l’ambiguïté de la réponse actuelle : recouvrir, sans retirer. Pourquoi masquer l’œuvre sans trancher quand parallèlement l’Eglise affiche haut et fort sa repentance.
Masquer les œuvres est-il un acte de réparation temporaire ou une façon de temporiser sur le véritable devenir de ces mosaïques ? Car esthétiquement, ces pansements posés sur les façades du sanctuaire sont en rupture totale avec l’harmonie du reste des édifices, et à l’image de rustines provisoires, ils appellent une solution qui, elle, devra être définitive — pour les victimes comme pour l’auteur de ces crimes.
Le péché appelle le pardon et la justice, mais aussi la clarté. À Lourdes, où l’on vient chercher lumière, paix et guérison, cette hésitation dérange.