Lors des funérailles du pape François, la Garde suisse pontificale joue un rôle central, incarnant la solennité et la continuité des traditions de l’Église. Leur présence lors de cet événement historique rappelle l’importance de cette institution dans l’accompagnement des cérémonies sacrées, comme cela se fait depuis des siècles au Vatican. Tout comme à Rome, en France, un garde suisse perpétue cette tradition avec dévouement et respect, veillant à la dignité des offices religieux.
Dans l’église Saint-Pierre et Saint-Paul de Laning, un petit village de Moselle, la tradition des gardes suisses, qui a longtemps orné les offices religieux en France, perdure grâce à l’engagement d’un homme : Benoît Meyer. Depuis quinze ans, il perpétue cette coutume ancestrale, dans l’ombre d’un rôle discret mais significatif, celui de « garde suisse » bénévole.
Loin de l’iconique Garde suisse pontificale du Vatican, la fonction de garde suisse dans les églises françaises trouve son origine en 1771. À l’époque, le roi Louis XV place ces hommes dans les églises pour veiller au bon déroulement des cérémonies et à la sécurité des lieux de culte, tout en leur garantissant un revenu. Jusqu’au milieu du XXe siècle, de nombreux villages accueillaient ces gardes, souvent vêtus de leurs habits écarlates traditionnels, canne à la main, épée à la ceinture. Mais aujourd’hui, ils ne sont plus que quelques-uns à occuper ce rôle, et encore plus rares sont ceux qui le font régulièrement.
Benoît Meyer fait partie de ces rares hommes qui continuent de revêtir l’habit rouge traditionnel, coiffé de son bicorne et portant fièrement l’épée et la hallebarde. Ce dimanche de Pâques, alors que l’église de Laning est presque pleine, il se place en tête de la procession, frappant le sol de sa canne pour signaler aux paroissiens de se lever. « Il tape quand on doit se lever », explique Corentin, un paroissien qui, pour l’occasion, a amené sa fille pour son baptême. « Cela apporte un petit truc en plus », souligne-t-il, se rappelant de son enfance où il avait toujours vu un garde suisse dans l’église. Aujourd’hui, « il n’y en a plus beaucoup » en France, regrette-t-il.
Pour Benoît Meyer, qui a grandi à Laning, l’attrait pour ce rôle est né d’une rencontre avec Marcel Bintz, qui a été garde suisse pendant près de 50 ans dans cette même église. « J’ai toujours trouvé cela fascinant », confie-t-il. Après le décès de son prédécesseur, le jeune Benoît n’a pas hésité à reprendre le flambeau, bien qu’il n’y ait pas eu de formation officielle. « J’ai appris sur le tard, en observant les gestes de Marcel », raconte-t-il. À 23 ans, il endosse la fonction et, depuis, il ne la quitte plus. Pour lui, il s’agit d’un véritable « sacerdoce » : « C’est un honneur et un devoir de perpétuer cette tradition et de la transmettre aux jeunes générations. »
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La fonction de garde suisse, si elle est désormais moins fréquente, reste profondément enracinée à Laning. L’église de 575 places, édifiée au XVIIIe siècle, a toujours accueilli un garde suisse. « Ce rôle a toujours existé ici », confirme Benoît Meyer. Et s’il ne porte pas l’habit traditionnel à chaque messe, il n’hésite pas à revêtir sa tenue lors des grandes occasions : mariages, baptêmes, et bien sûr, les fêtes liturgiques majeures.
L’archiprêtre de Saint-Avold, Grégoire Corneloup, qui connaît bien Benoît, loue son comportement discret et respectueux. « Benoît est au service, il ne se met pas en avant, mais il sait exactement quoi faire au moment précis pour que la liturgie soit belle et solennelle », dit-il. Il apprécie particulièrement la capacité de Benoît à « faire taire les enfants un peu bavards » pendant les premières communions, soulignant que sa présence « rehausse les célébrations » en impliquant davantage les paroissiens.
Cet engagement, qui relève autant de la tradition que de la dévotion, trouve son origine dans un temps où les gardes suisses étaient des soldats au service des rois de France. En 1771, un décret royal leur accorde une pension de retraite, et la plupart des gardes sont alors réaffectés aux églises, où ils continuent de remplir un rôle de surveillance et d’organisation des cérémonies. Pour Benoît Meyer, cet héritage est une fierté, et il le vit comme un devoir : « Quand je mets ma tenue, je sais que je porte quelque chose de très ancien, de très respecté. »
La Garde suisse pontificale, qui a été créée en 1506, assure la sécurité du Pape et du Vatican. Les gardes suisses sont choisis parmi les jeunes hommes suisses, catholiques, célibataires, mesurant au moins 174 cm et ayant complété leur service militaire dans l’armée suisse. Avant de rejoindre le Vatican, ces hommes suivent un entraînement intensif, qui les prépare aux exigences strictes du protocole, de l’autodéfense et du cérémonial pontifical. Leur service, qui dure au minimum deux ans, peut être prolongé par ceux qui choisissent de continuer à servir. Lors des funérailles papales, la Garde suisse prend un rôle de premier plan en encadrant la cérémonie, en assurant la sécurité et en contribuant au respect du caractère sacré de l’événement.
Lors de la mort d’un pape, leur présence devient d’autant plus symbolique. Leurs costumes écarlates, les hallebardes levées et les gestes soigneusement exécutés illustrent non seulement la rigueur du protocole vatican, mais aussi la continuité et la constance de l’Église dans son respect des traditions ancestrales. « C’est un honneur de servir dans la Garde suisse pontificale, une tradition qui remonte à plus de 500 ans », déclare souvent un membre de la Garde. Leur rôle lors des funérailles d’un pape n’est pas seulement fonctionnel, mais aussi profondément spirituel, un hommage rendu à la continuité de l’Église dans le respect de ses traditions les plus sacrées.
Si le nombre de gardes suisses a drastiquement diminué en France, Benoît Meyer reste l’un des derniers à maintenir vivante cette tradition. À Laning, il n’est pas seulement un garde suisse, il est devenu un symbole du respect et de la pérennité de la liturgie catholique. « C’est magnifique de voir que cette tradition survit dans un monde qui, trop souvent, oublie les racines profondes de notre foi », conclut-il.
Source AFP