C’est une décision d’une gravité sans précédent que le gouverneur de l’État de Washington, Robert Ferguson, a promulgué le 2 mai ; une loi obligeant les prêtres à signaler aux autorités tout abus sur mineur évoqué… même en confession. Cette mesure, qui entre en vigueur en juillet, abolit l’exemption sacrée qui protégeait jusqu’alors le sceau du sacrement de réconciliation, un principe inviolable dans la doctrine catholique.
Face à cette législation, les évêques de l’État ont réagi avec une clarté salutaire : les prêtres ne pourront pas obéir.
« Le clergé catholique ne peut pas violer le sceau de la confession — ou il sera excommunié de l’Église », a déclaré avec fermeté l’archevêque Paul Etienne de Seattle, dans un communiqué publié le 4 mai. « Tous les catholiques doivent savoir et être assurés que leurs confessions restent sacrées, sécurisées, confidentielles et protégées par la loi de l’Église. »
Le Code de droit canonique ne laisse aucune ambiguïté : « Le sceau sacramentel est inviolable ; il est donc absolument interdit au confesseur de trahir le pénitent de quelque manière que ce soit. […] Celui qui viole directement le secret de la confession encourt l’excommunication automatique (latae sententiae), réservée au Saint-Siège. » Autrement dit, le prêtre qui trahit le sacrement est excommunié ipso facto.
Pour l’archevêque Etienne, cette loi est bien plus qu’une maladresse juridique : c’est une attaque contre la foi catholique elle-même. « Cette loi cible explicitement la religion et constitue à la fois un abus de pouvoir de l’État et une rupture manifeste de la séparation entre l’Église et l’État. Cette ligne a été franchie, il faut revenir en arrière. »Malgré leur demande de rencontre, les évêques n’ont reçu aucune réponse du gouverneur Ferguson, qui se dit pourtant catholique pratiquant, ayant un oncle jésuite et affirmant être allé lui-même à confesse. Mais ces considérations personnelles ne masquent pas la gravité du geste politique : la législation, adoptée par 64 voix contre 31 à la Chambre et 28 contre 20 au Sénat, ne prévoit aucune exception pour les confessions.
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L’évêque de Spokane, Mgr Thomas Daly, a lui aussi pris la parole avec courage, affirmant que le clergé catholique ne cédera pas. « Le sacrement de la pénitence est sacré, et il le restera », a-t-il déclaré. « Les évêques et les prêtres catholiques sont prêts à aller en prison plutôt que de violer le secret sacramentel. »
Mgr Daly rappelle que son diocèse possède un bureau de protection de la jeunesse dirigé par des professionnels, et applique une politique de tolérance zéro. Mais cela ne change rien : la confession n’est pas un lieu de dénonciation, mais de conversion.L’archevêque Etienne alerte sur le précédent que cette loi établit : « Que pourra exiger l’État demain ? Le droit de percer le secret médical ? Le secret conjugal ? »
Dans l’histoire américaine, la liberté religieuse a toujours protégé le sacrement de confession. En 2016, la Cour suprême de Louisiane avait d’ailleurs jugé inconstitutionnelle une loi similaire.Ce que révèle cette législation, c’est une dérive de fond : la tentation de l’État moderne d’entrer dans le sanctuaire, de contraindre la conscience, de subordonner le divin à l’administratif.
La protection des enfants est une obligation morale grave, que l’Église catholique assume de mieux en mieux. Mais elle ne peut se faire au prix de la destruction du sacrement de pénitence.