À peine élu, Léon XIV a souhaité ancrer son ministère dans la prière et la collégialité.Ce Samedi 10 mai, devant les cardinaux réunis à Rome, son premier discours n’a laissé place à aucune ambiguïté : le nouveau pape entend conjuguer continuité et décision, héritage et responsabilité.
Après avoir prié en latin avec les cardinaux, il a d’abord exprimé sa reconnaissance pour le chemin parcouru ensemble depuis la mort du pape François. Insistant sur la douleur de la perte mais aussi sur l’expérience de la grâce, Léon XIV a décrit cette étape comme « un événement pascal », marquant la fidélité de Dieu au milieu de son peuple.Avec une grande humilité, Léon XIV a reconnu que la charge pétrinienne dépasse les forces humaines, mais il a affirmé sa confiance dans l’aide du Seigneur et dans le soutien de ses frères cardinaux. Cette perspective spirituelle, profondément ancrée dans l’Évangile de Jean (14, 25-27), donne immédiatement le ton : ce pontificat sera placé sous le signe de la foi confiante, et non de la gestion purement humaine.
Le nouveau pape a rendu un hommage appuyé au collège cardinalice, soulignant l’importance de la communion autour du successeur de Pierre, en citant notamment le rôle clé du cardinal Re et du cardinal Farrell durant la vacance du Siège apostolique.
L’un des axes majeurs du discours a été la volonté ferme de s’inscrire dans la dynamique du Concile Vatican II. Léon XIV n’a pas esquivé : il a explicitement renouvelé son adhésion au chemin conciliaire, en rappelant que l’Église doit avancer en prenant appui sur Evangelii gaudium, le grand texte programmatique du pape François.Il a mis en lumière plusieurs axes fondamentaux : la primauté de l’annonce du Christ sur toute autre considération (n° 11), l’appel à une conversion missionnaire de l’ensemble du peuple de Dieu (n° 9), le renforcement de la collégialité et de la synodalité (n° 33), le respect et l’attention au sensus fidei, notamment dans la piété populaire (n° 119-123), la priorité aux pauvres et aux laissés-pour-compte (n° 53), et le dialogue ouvert et courageux avec le monde contemporain (n° 84 ; Gaudium et spes 1-2).
Par cette insistance précise, Léon XIV pose les bases d’un pontificat qui ne sera ni un abandon de la tradition, ni une simple répétition du passé, mais un enracinement dans la grande réforme de Vatican II, relue à la lumière des exigences missionnaires actuelles.Dans un passage particulièrement significatif, Léon XIV a expliqué son choix de nom : faire mémoire de Léon XIII, l’auteur de Rerum novarum, considéré comme le père de la doctrine sociale moderne. De manière subtile mais ferme, Léon XIV annonce ainsi qu’il entend affronter les défis de la nouvelle révolution industrielle, marquée par les mutations numériques et l’intelligence artificielle.
Il a ainsi ouvert un chantier décisif : celui de la défense de la dignité humaine, de la justice et du travail dans un monde bouleversé par des technologies nouvelles, sans se contenter de réponses anciennes.Léon XIV a enfin rappelé que, face aux secousses du monde, l’Église doit apprendre à écouter non pas « le fracas du tonnerre », mais « la voix subtile du silence » (1 Rois 19, 12). Une allusion forte à la nécessité d’une Église intérieurement renouvelée, capable de discerner la volonté de Dieu dans la discrétion de l’Esprit Saint.
En concluant par une citation vibrante de saint Paul VI,l’appel à une « grande flamme de foi et d’amour » sur le monde ,Léon XIV s’inscrit dans la lignée des papes missionnaires du XXᵉ siècle. Son discours, dense et précis, dessine une vision cohérente : fidélité au Christ, accueil de l’héritage conciliaire, et engagement résolu face aux défis du temps présent.
Le premier acte du pontificat de Léon XIV laisse entrevoir un chemin de confiance, d’exigence spirituelle et de courage pour l’Église du XXIᵉ siècle.
Intégralité du DISCOURS DU PAPE LÉON XIV AU COLLÈGE CARDINALICE
« Merci beaucoup, Éminence. Avant de prendre place, commençons par une prière, en demandant au Seigneur de continuer à accompagner ce Collège et surtout toute l’Église dans cet esprit, avec enthousiasme, mais aussi avec une foi profonde. Prions ensemble en latin.
Pater noster… Ave Maria…
Dans la première partie de cette rencontre, il y aura un petit discours avec quelques réflexions que j’aimerais partager avec vous. Mais ensuite, il y aura une deuxième partie, un peu comme l’expérience que beaucoup d’entre vous ont demandée, une sorte de partage avec le Collège cardinalice afin de pouvoir entendre quels conseils, suggestions, propositions, des choses très concrètes, dont on a déjà un peu parlé dans les jours qui ont précédé le Conclave.
Frères Cardinaux !
Je vous salue et vous remercie tous pour cette rencontre et pour les jours qui l’ont précédée, douloureux pour la perte du Saint-Père François, exigeants en raison des responsabilités que nous avons affrontées ensemble et en même temps, selon la promesse que Jésus lui-même nous a faite, riches en grâces et en consolations dans l’Esprit (cf. Jn 14, 25-27).
Vous êtes, chers Cardinaux, les plus proches collaborateurs du Pape, et c’est pour moi un grand réconfort dans l’acceptation d’un fardeau qui est manifestement bien au-delà de mes forces, comme de celles de n’importe qui d’autre. Votre présence me rappelle que le Seigneur, qui m’a confié cette mission, ne me laisse pas seul pour en porter la responsabilité. Je sais avant tout que je peux toujours, toujours, compter sur son aide, l’aide du Seigneur, et, par sa Grâce et sa Providence, sur votre proximité et celle de nombre de frères et sœurs qui, dans le monde entier, croient en Dieu, aiment l’Église et soutiennent le Vicaire du Christ par la prière et les bonnes œuvres.
Je remercie le Doyen du Collège des Cardinaux, le Cardinal Giovanni Battista Re – il mérite un applaudissement, un au moins sinon plus – dont la sagesse, fruit d’une longue vie et de nombreuses années de service fidèle au Siège Apostolique, nous a beaucoup aidés en cette période. Je remercie le Camerlingue de la Sainte Église romaine, le Cardinal Kevin Joseph Farrell – je crois qu’il est ici présent – pour le rôle précieux et exigeant qu’il a joué pendant la vacance du Siège et la convocation du Conclave. J’adresse également mes pensées à mes frères cardinaux qui, pour des raisons de santé, n’ont pu être présents et je m’associe à eux en communion d’affection et de prière.
En ce moment, à la fois triste et heureux, providentiellement enveloppé de la lumière de Pâques, je voudrais que nous regardions ensemble le départ du regretté Pape François et le Conclave comme un événement pascal, l’étape d’un long exode à travers lequel le Seigneur continue de nous guider vers la plénitude de la vie ; et dans cette perspective, nous confions au « Père miséricordieux et Dieu de toute consolation » (2 Co 1, 3) l’âme du défunt Pontife et aussi l’avenir de l’Église.
Le Pape, depuis saint Pierre jusqu’à moi, son indigne successeur, est un humble serviteur de Dieu et de ses frères, et rien d’autre. Les exemples de tant de mes prédécesseurs l’ont bien montré, et plus récemment celui du Pape François lui-même, avec son style de dévouement total dans le service et de sobre manière d’être dans la vie, d’abandon à Dieu pendant le temps de la mission et de confiance sereine au moment du retour à la maison du Père. Recueillons ce précieux héritage et remettons-nous en route, animés par la même espérance qui naît de la foi.
C’est le Ressuscité, présent parmi nous, qui protège et guide l’Église et qui continue à la faire revivre dans l’espérance, par l’amour « répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5). Il nous appartient de nous faire les auditeurs dociles de sa voix et les ministres fidèles de ses desseins de salut, en nous rappelant que Dieu aime se communiquer, plus que dans le fracas du tonnerre et des tremblements de terre, dans le « murmure d’une brise légère » (1 R 19, 12) ou, comme certains le traduisent, dans une « voix subtile de silence ». Telle est la rencontre importante, à ne pas manquer, à laquelle il faut éduquer et accompagner tout le saint peuple de Dieu qui nous est confié.
Ces derniers jours, nous avons pu voir la beauté et sentir la force de cette immense communauté qui a salué et pleuré son pasteur avec beaucoup d’affection et de dévotion, l’accompagnant avec foi et prière au moment de sa rencontre définitive avec le Seigneur. Nous avons vu quelle est la véritable grandeur de l’Église, qui vit dans la diversité de ses membres unis à l’unique Tête, le Christ, « pasteur et gardien » (1 P 2, 25) de nos âmes. Elle est le sein dans lequel nous sommes engendrés et, en même temps, le troupeau (cf. Jn 21, 15-17), le champ (cf. Mc 4, 1-20) qui nous est donné pour que nous le soignions et le cultivions, que nous le nourrissions des sacrements du salut et que nous le fécondions avec la semence de la Parole, de sorte que, ferme dans la concorde et enthousiaste dans la mission, il puisse marcher, comme autrefois les Israélites dans le désert, à l’ombre de la nuée et à la lumière du feu de Dieu (cf. Ex 13, 21).
Et à cet égard, je voudrais que nous renouvelions ensemble, aujourd’hui, notre pleine adhésion au chemin que l’Église universelle suit depuis des décennies dans le sillage du Concile Vatican II. Le Pape François en a magistralement rappelé et actualisé le contenu dans l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium, dont je voudrais souligner quelques aspects fondamentaux : le retour à la primauté du Christ dans l’annonce (cf. n° 11) ; la conversion missionnaire de toute la communauté chrétienne (cf. n° 9) ; la croissance dans la collégialité et la synodalité (cf. n° 33) ; l’attention au sensus fidei (cf. nos 119-120), en particulier dans ses formes les plus authentiques et les plus inclusives, comme la piété populaire (cf. n° 123) ; l’attention affectueuse aux plus petits et aux laissés-pour-compte (cf. n° 53) ; le dialogue courageux et confiant avec le monde contemporain dans ses diverses composantes et réalités (cf. n° 84 ; Concile Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et spes, 1-2).
Il s’agit de principes évangéliques qui ont toujours animé et inspiré la vie et l’œuvre de la Famille de Dieu, de valeurs à travers lesquelles le visage miséricordieux du Père s’est révélé et continue de se révéler dans le Fils fait homme, espérance ultime de quiconque recherche sincèrement la vérité, la justice, la paix et la fraternité (cf. Benoît XVI, Lett. enc. Spe salvi, 2 ; François, Bulle Spes non confundit, n. 3).
C’est précisément parce que je me sens appelé à poursuivre dans ce sillage que j’ai pensé à prendre le nom de Léon XIV. Il y a plusieurs raisons, mais principalement parce que le Pape Léon XIII, avec l’encyclique historique Rerum novarum, a abordé la question sociale dans le contexte de la première grande révolution industrielle ; et aujourd’hui l’Église offre à tous son héritage de doctrine sociale pour répondre à une autre révolution industrielle et aux développements de l’intelligence artificielle, qui posent de nouveaux défis pour la défense de la dignité humaine, de la justice et du travail.
Chers frères, je voudrais conclure cette première partie de notre rencontre en faisant mien – et en vous proposant également – le souhait que saint Paul VI, en 1963, plaçait au début de son ministère pétrinien : « Qu’elle passe sur le monde entier comme une grande flamme de foi et d’amour qui enflamme tous les hommes de bonne volonté, éclaire leurs chemins de collaboration mutuelle et attire sur l’humanité, encore et toujours, l’abondance de la divine complaisance, la puissance même de Dieu, sans l’aide duquel rien n’est valable, rien n’est saint » (Message à toute la famille humaine Qui fausto die, 22 juin 1963).
Que ces sentiments soient aussi les nôtres, à traduire en prière et en engagement, avec l’aide du Seigneur. Merci ! » – Source Vatican
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