Découvrez L’ INTEGRALITE DU DISCOURS DU PAPE traduit en FRANCAIS
Ce samedi 17 mai, le pape Léon XIV recevait en audience les membres de la Fondation Centesimus Annus Pro Pontifice, créée par Jean-Paul II pour promouvoir la doctrine sociale de l’Église dans les milieux économiques, politiques et sociaux. Dans un contexte marqué par une instabilité globale, le pape a reconnu une attente nouvelle, notamment chez les jeunes et les plus marginalisés, à laquelle la tradition catholique peut et doit apporter des réponses.
Reprenant le concept de « polycrise », cher à son prédécesseur François, Léon XIV a dressé un tableau sombre mais réaliste des déséquilibres contemporains : guerres, crise écologique, déracinement anthropologique, pauvreté croissante, précarité du travail, mutations technologiques non maîtrisées. Des défis réels, qui exigent plus qu’un accompagnement pastoral : une vision structurée, fondée sur la vérité.
C’est sur ce terrain que le pape a tenté de redonner sens à une expression souvent mal comprise ou déformée : la doctrine. « Pour la sensibilité de beaucoup de nos contemporains, les mots « dialogue » et « doctrine » semblent opposés et incompatibles », a-t-il noté. Il a cherché à réhabiliter ce mot, trop souvent caricaturé comme rigide ou fermé. Selon lui, une doctrine authentique est « le fruit d’une recherche », un savoir « systématique » et « fiable », orienté vers la vérité. D’où cette affirmation : « Une doctrine ne correspond pas à une opinion, mais à un chemin commun, choral et même multidisciplinaire vers la vérité. »
On peut saluer, dans cette approche, le souci d’articuler foi et raison, tradition et actualité. Mais cette volonté de nuance reste fragile si elle ne s’accompagne pas d’une réaffirmation claire du caractère révélé de cette doctrine. Or, c’est précisément ce qui a manqué sous le pontificat précédent : en valorisant à l’excès le dialogue et l’écoute, l’Église a parfois semblé hésiter à proclamer ce qui lui a été transmis une fois pour toutes. À force d’ouvrir des espaces de parole, on a parfois évité de rappeler la Parole.
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La doctrine sociale de l’Église, comme l’a rappelé Léon XIV, repose pourtant sur des fondements non négociables : la dignité de la personne humaine, la justice, la destination universelle des biens, la subsidiarité, la solidarité, la centralité de la famille et du travail. Ces principes ne relèvent pas d’un débat, mais d’un enseignement éclairé par la Révélation et enraciné dans la loi naturelle.Le pape reconnaît d’ailleurs une soif nouvelle : « Il existe aujourd’hui un besoin répandu de justice, une demande de paternité et de maternité, un profond désir de spiritualité », en particulier chez « les jeunes et les marginalisés, qui ne trouvent pas toujours des canaux efficaces pour s’exprimer ». C’est un constat juste, mais la réponse qu’y apporte l’Église ne peut être de l’ordre du simple accompagnement psychologique ou culturel : elle doit être missionnaire, doctrinale, enracinée dans la vérité du Christ.
Lorsque Léon XIV affirme qu’il faut « développer la doctrine sociale de l’Église avec le peuple de Dieu, en cette période historique de grands bouleversements sociaux, en écoutant et en dialoguant avec tous », il souligne à juste titre l’importance de ne pas imposer une parole déconnectée. Mais il importe de ne pas faire de l’écoute une fin en soi. Le dialogue, dans l’Église, doit être ordonné à la vérité, non à l’équilibre sociologique. À trop vouloir « faire corps » avec les attentes du monde, l’Église risque de perdre son identité.
Le pape a conclu en citant Gaudium et Spes, rappelant que l’Église doit « examiner les signes des temps et les interpréter à la lumière de l’Évangile ». Encore faut-il que cette lumière ne soit pas affadie par la recherche de consensus absolu . Le rôle de l’Église n’est pas d’absorber les discours du monde, mais de les juger à la lumière du Christ.
INTEGRALITE DU DISCOURS DE SA SAINTETÉ LE PAPE LÉON XIV EN FRANCAIS
AUX MEMBRES DE LA FONDATION « CENTESIMUS ANNUS PRO PONTIFICE »
« Bonjour à tous !
Chers frères et sœurs, soyez les bienvenus !
Je remercie le président et les membres de la Fondation Centesimus Annus Pro Pontifice, et je salue chacun d’entre vous qui participez à cette conférence internationale annuelle et à l’Assemblée générale.
Le thème de la conférence de cette année – « Dépasser les polarisations et reconstruire la gouvernance mondiale : les fondements éthiques » – nous parle de la finalité la plus profonde de la doctrine sociale de l’Église, en tant que contribution à la paix et au dialogue, au service de la construction de ponts de fraternité universelle. En ce temps pascal, nous prenons davantage conscience que le Seigneur ressuscité nous précède toujours, même lorsque l’injustice et la mort semblent l’emporter. Aidons-nous les uns les autres, comme je l’ai dit le soir de mon élection, « à construire des ponts par le dialogue et la rencontre, en nous unissant pour ne former qu’un seul peuple, toujours en paix ». Cela ne se fait pas par hasard, mais constitue un entrelacement actif et constant de la grâce et de la liberté, que notre rencontre d’aujourd’hui cherche à honorer et à soutenir.
Le pape Léon XIII, qui a vécu à une époque de profonds et bouleversants changements, a cherché à promouvoir la paix en favorisant le dialogue social entre le capital et le travail, entre la technologie et l’intelligence humaine, entre les différentes cultures politiques et entre les nations. Le pape François a parlé de « polycrise » pour décrire la nature dramatique de notre époque, marquée par les guerres, le changement climatique, les inégalités croissantes, les migrations forcées et contestées, la pauvreté stigmatisée, les innovations technologiques déstabilisantes, la précarité de l’emploi et des droits sociaux (Message aux participants à l’Assemblée générale de l’Académie pontificale pour la vie, 3 mars 2025). Sur des questions aussi importantes, la doctrine sociale de l’Église est appelée à fournir des éléments de réflexion qui favorisent le dialogue entre la science et la conscience, contribuant ainsi de manière essentielle à une meilleure compréhension, à l’espérance et à la paix.
Cette doctrine nous aide à comprendre que, plus importants encore que nos problèmes ou les solutions éventuelles, sont la manière dont nous les abordons, guidés par des critères de discernement, des principes éthiques solides et l’ouverture à la grâce de Dieu.
Vous avez l’opportunité de montrer que la doctrine sociale de l’Église, avec son approche anthropologique spécifique, vise à encourager un engagement authentique face aux problèmes sociaux. Elle ne prétend pas détenir le monopole de la vérité, que ce soit dans l’analyse des problèmes ou dans la proposition de solutions concrètes. Dans les questions sociales, il est plus important de savoir comment les aborder que de répondre immédiatement aux raisons pour lesquelles elles existent ou à la manière de les résoudre. L’objectif est d’apprendre à affronter les problèmes, car ils sont toujours nouveaux, chaque génération apportant ses propres défis, rêves et interrogations.
Il s’agit là d’un aspect fondamental de notre tentative de construire une « culture de la rencontre » à travers le dialogue et l’amitié sociale. Pour beaucoup de nos contemporains, les mots « dialogue » et « doctrine » semblent inconciliables. Peut-être, en entendant le mot « doctrine », pensons-nous à un ensemble d’idées propres à une religion. Ce mot, à lui seul, peut nous rendre moins enclins à réfléchir, à remettre en question ou à rechercher de nouvelles alternatives.
Dans le cas de la doctrine sociale de l’Église, il faut clarifier que le mot « doctrine » a un autre sens, plus positif, sans lequel le dialogue lui-même devient vide. « Doctrine » peut être synonyme de « science », de « discipline », ou de « savoir ». Compris de cette manière, la doctrine apparaît comme le fruit d’une recherche, donc d’hypothèses, de discussions, d’avancées et de reculs, visant à transmettre un savoir fiable, ordonné et systématique sur une question donnée. Ainsi, une doctrine n’est pas une opinion, mais un chemin commun, collectif, voire interdisciplinaire vers la vérité.
L’endoctrinement est immoral. Il étouffe le jugement critique et porte atteinte à la liberté sacrée du respect de la conscience, même erronée. Il résiste aux idées nouvelles, rejette le mouvement, le changement ou l’évolution des idées face à des problèmes inédits. La doctrine, en revanche, comme discours sérieux, serein et rigoureux, vise d’abord à nous enseigner comment aborder les problèmes et, plus encore, comment aborder les personnes. Elle nous aide aussi à porter des jugements prudents face aux défis. Ce sont sérieux, rigueur et sérénité que nous devons apprendre de toute doctrine, y compris celle de l’Église.
Dans le contexte actuel de révolution numérique, nous devons redécouvrir, souligner et cultiver notre devoir de former à l’esprit critique, en résistant aux tentations contraires, y compris au sein des milieux ecclésiaux. Le dialogue est rare autour de nous ; il est souvent remplacé par les cris, parfois sous la forme de fausses nouvelles ou d’arguments irrationnels portés par quelques voix dominantes. Une réflexion plus approfondie et une étude rigoureuse sont nécessaires, de même qu’un engagement en faveur de la rencontre et de l’écoute des pauvres, qui sont un trésor pour l’Église et pour l’humanité. Leur regard, souvent négligé, est essentiel pour apprendre à voir le monde avec les yeux de Dieu. Ceux qui sont nés et ont grandi loin des centres de pouvoir ne doivent pas simplement recevoir la doctrine sociale de l’Église ; ils doivent aussi être reconnus comme ceux qui la portent et la mettent en œuvre. Les personnes engagées dans l’amélioration de la société, les mouvements populaires et les différents groupes de travailleurs catholiques expriment ces périphéries existentielles où l’espérance résiste et renaît. Je vous exhorte à faire entendre la voix des pauvres.
Chers amis, comme l’affirme le concile Vatican II, « en tout temps, l’Église porte la responsabilité de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’Évangile, pour pouvoir répondre, d’une manière adaptée à chaque génération, aux questions permanentes que les hommes se posent sur le sens de la vie présente et future, et sur leurs relations mutuelles » (Gaudium et Spes, 4).
Je vous invite donc à participer activement et de manière créative à ce processus de discernement, et à contribuer, avec tout le peuple de Dieu, au développement de la doctrine sociale de l’Église en cette époque de grands bouleversements sociaux, en écoutant tous et en dialoguant avec tous. De nos jours, on perçoit une soif largement répandue de justice, un désir de paternité et de maternité authentiques, une aspiration profonde à la spiritualité, en particulier chez les jeunes et les marginalisés, qui ne trouvent pas toujours les moyens efficaces d’exprimer leurs besoins. Il y a une demande croissante de doctrine sociale de l’Église, à laquelle nous devons répondre.
Je vous remercie tous pour votre engagement et pour vos prières pour mon ministère. Je vous bénis cordialement, vous et vos familles, ainsi que tout ce que vous entreprenez. Merci ! »
Source Vatican – traduction TC