Le mardi 20 mai 2025, dans l’émission La Bande originale sur France Inter, la chroniqueuse Rebecca Balestra a livré une prestation dite « humoristique » dont le fil conducteur semble avoir été : comment tordre tout ce que le christianisme a de plus sacré pour en faire une farce grivoise, sans retenue ni souci du respect d’autrui. Une performance réalisée devant des animateurs hilares, Nagui et Leïla Kaddour, plus séduits par le trait gras que gênés par la portée profondément offensante du propos.
Dès l’ouverture, le ton est caustique et maniéré, faussement naïf, jouant sur une autodérision appuyée qui sert en réalité de cheval de Troie à une attaque continue contre la foi chrétienne. « Je vois des mains se joindre entre elles, c’est pour prier ou pour se protéger des coups » : prier devient ici une pose risible, vidée de son sens spirituel.Le registre se fait ensuite franchement scatologique :« Et oui, nous filons ici une abjecte métaphore scatophile, ma foi, cela plaira au pédéraste. Et je parle de vos auditeurs, pas du clergé. Eux écoutent Radio Courtoisie ». Le procédé est habile : on insinue, on déplace l’accusation sur les auditeurs, puis on épargne faussement le clergé tout en ricanant sur ceux qui l’écoutent. La moquerie vise ici Radio Courtoisie, station associée à un catholicisme traditionnel, traitée comme un repaire poussiéreux de bigots coincés.
La suggestion est claire : ceux qui prennent leur foi au sérieux sont tournés en ridicule, et ceux qui l’écoutent sont coupables d’un certain conservatisme rétrograde
Mais au-delà du style graveleux et des sous-entendus sexuels, ce qui frappe dans cette chronique, c’est la volonté manifeste de blesser là où les catholiques ont été récemment atteints.
Rebecca Balestra évoque nommément l’abbé Pierre, récemment et douloureusement évoqué pour ses dérives, mais qui demeure aux yeux de la grande majorité des fidèles une figure de la charité chrétienne, un homme dévoué aux plus pauvres. L’évoquer pour l’entraîner dans une farce scatologique, c’est précisément choisir de salir ce qui reste encore, dans l’inconscient collectif français, un exemple de dévouement en acte.
Elle mentionne également « l’institution de notre bonne dame de Bétarame », marqué par les révélations récentes sur des abus commis dans les décennies passées. Il s’agit là, encore une fois, d’un point douloureux pour l’Église, où des blessures réelles ont été reconnues et où des victimes attendent réparation. Rebecca Balestra choisit au contraire d’en faire matière à jeu de mots, à caricature, comme si les souffrances vécues pouvaient servir de ressort comique et bien appuyer sur certaines zones d’ombres mais surtout pas sur la beauté de l’enseignement catholique diffusée par des milliers d’instituts privés de haut rang.
La chronique ne se contente pas de moquer la religion : elle s’en prend aussi au patrimoine culturel et familial des catholiques français. Ainsi, dans un passage qui semble tout droit sorti d’une satire de café-théâtre, Balestra s’amuse à évoquer un certain « Guillaume Clovis Charles-Marie », et plus loin un « Baudouin Mailleux Ernest-Marie, qui avait été éducateur infantile au sein de l’institution de notre bonne dame de Bétarame ». L’intention est limpide : ridiculiser les prénoms doubles ou triples, souvent portés dans les familles françaises attachées à leurs racines catholiques et aristocratiques, pour les assimiler à une caricature surannée, réactionnaire, voire risible par nature. Derrière le ricanement, c’est une manière subtile de tourner en dérision tout un pan de l’identité catholique française.C’est de l’humour des années 70 …
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La mécanique du sketch repose sur une accumulation d’images religieuses tirées vers le sexe ou la scatologie. Quand elle dit : « Oh, Sainte vièrge ! Oh, mais c’est l’arroseuse arrosé ! », avant de sortir une « poire à lavement très pratique pour se désabler le coquillage », c’est bien un enchaînement volontaire entre l’invocation de la Vierge Marie et un objet médical détourné, pour créer un effet de choc. L’effet comique recherché n’est pas l’intelligence du trait, mais la collision entre ce qui est sacré et ce qui est trivial, voire obscène.
Elle poursuit avec des sous-entendus toujours plus explicites : « mettez-moi la main au panier, pas de zizi, allez-y avec les doigts », « Mangez mes fruits, mes enfants, ils ne sont pas défendus ! Allez-y jusqu’au noyau, tapez-vous la glotte ! » et enfin « J’ai la nectarine juteuse, Daniel, elle va vous exploser en bouche ! ». Ces phrases, qui provoqueraient un tollé dans tout autre contexte religieux ou culturel, sont ici livrées comme de simples plaisanteries à consommer avec le café du matin sur les ondes du service public.
Et c’est sur l’élection du pape Léon XIV que la chronique se clôt, toujours dans la même veine : « Rien ne me réjouit plus qu’une fumée blanche qui sort d’un conduit », avant de lâcher : « mais ma foi, les voies du Seigneur sont impénétrables, contrairement aux enfants de chœur. » Là encore, c’est une phrase construite pour choquer .une citation biblique instrumentalisée pour faire un effet sordide, en associant le sacré au scandale, la prière à la perversion, la liturgie à la transgression.
Il ne s’agit pas ici d’un simple exercice d’humour irrévérencieux. Cette chronique s’inscrit dans une posture assumée : celle qui considère que le christianisme est une cible légitime, parce qu’il est jugé inoffensif, voire ringard. Qui oserait tenir de tels propos sur des pratiques religieuses musulmanes, juives ou bouddhistes ? Qui ironiserait de la sorte , sur une antenne publique, sur le Coran ou le Talmud, ou sur une figure spirituelle contemporaine d’une autre religion, sans déclencher une vague de réactions indignées voire de violences ?
Ce deux poids deux mesures, de plus en plus perceptible dans l’espace médiatique public, montre à quel point le catholicisme est devenu un bouc émissaire commode. On peut rire de tout, nous dit-on. Soit. Mais encore faut-il que ce « tout » inclue aussi ce que l’on épargne systématiquement dans les médias.
En vérité, cette chronique n’est pas un simple sketch. C’est un symptôme. Celui d’un mépris culturel désormais autorisé, voire valorisé, à condition qu’il s’applique à l’héritage chrétien. L’humour peut être une arme salutaire quand il dénonce l’hypocrisie ou l’abus. Mais ici, il ne s’agit ni de critique ni de satire bien pensée : seulement d’un jeu appuyé sur les mots et les corps, où le sacré est jeté dans la boue pour quelques rires faciles. Et dans ce cas précis, c’est bien la foi chrétienne qui a été prise pour cible avec la bénédiction implicite du service public.
Vidéo de la chronique : https://www.instagram.com/reel/DJ4Z2OiiSOJ/?utm_source=ig_web_copy_link&igsh=MzRlODBiNWFlZA==