« La communion se construit avant tout à genoux, dans la prière et dans un engagement constant de conversion. » Par ces mots, prononcés le dimanche 25 mai 2025 à la basilique Saint-Jean-de-Latran, le pape Léon XIV a placé la vie spirituelle au centre de son homélie pour sa prise de possession de la cathèdre de l’évêque de Rome. S’adressant au clergé et aux fidèles de son diocèse, il a rappelé que l’unité de l’Église ne pouvait se fonder uniquement sur des structures ou des échanges humains, mais qu’elle devait naître d’une disposition intérieure d’humilité, d’écoute et de foi.
En commentant l’épisode des Actes des Apôtres relatif au Concile de Jérusalem, le pape a souligné combien le processus de discernement avait été exigeant : « Cela n’a pas été un processus facile : cela a demandé beaucoup de patience et d’écoute mutuelle. » Ce dialogue, engagé à Antioche puis poursuivi à Jérusalem, s’est appuyé sur une recherche sincère de la communion. « Ils n’ont pas décidé de leur propre chef : ils ont cherché la communion avec l’Église mère et s’y sont rendus avec humilité », a-t-il souligné.Ce chemin, a-t-il expliqué, a été fécond parce qu’il s’est enraciné dans la prière. C’est dans ce contexte qu’il a prononcé l’une des formules marquantes de son homélie : « La communion se construit avant tout à genoux. » Pour Léon XIV, l’écoute véritable — celle qui permet d’unir sans écraser, de discerner sans diviser — est avant tout celle de la voix de Dieu. Il a rappelé que c’est ainsi que les Apôtres ont pu dire : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé… »
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Reprenant l’Évangile du jour, il a affirmé que l’Esprit Saint continue d’agir dans l’Église, en rappelant les paroles du Christ et en les imprimant dans les cœurs : « Nous sommes d’autant plus capables d’annoncer l’Évangile que nous nous laissons conquérir et transformer, en permettant à la puissance de l’Esprit de nous purifier au plus profond de nous-mêmes, de rendre nos paroles simples, nos désirs honnêtes et limpides, nos actions généreuses. »Dans un passage plus pastoral, le pape Léon XIV a évoqué le chemin parcouru par le diocèse de Rome ces dernières années, soulignant la richesse et la complexité des initiatives entreprises, notamment en vue du Jubilé. Il a salué les efforts d’accueil et d’accompagnement des pèlerins, qui font de la ville « une grande maison ouverte et accueillante, et surtout un foyer de foi ».
S’adressant directement aux fidèles, il a exprimé son engagement personnel : « Je vous exprime toute mon affection, avec le désir de partager avec vous, sur notre chemin commun, les joies et les peines, les difficultés et les espoirs. » Reprenant les mots du bienheureux Jean-Paul Ier, il a conclu : « Je vous offre moi aussi “le peu que j’ai et que je suis”, et je le confie à l’intercession des saints Pierre et Paul. »
Par cette homélie, le pape Léon XIV a posé les bases d’un ministère romain centré sur l’écoute de l’Esprit, la fidélité aux Apôtres et la prière. Un appel clair à redécouvrir que la communion de l’Église ne se décrète pas : elle se reçoit à genoux.
INTEGRALITE DU TEXTE DE LA CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE ET PRISE DE POSSESSION DE LA CHAIRE DE L’ÉVÊQUE DE ROME
CHAPELLE PAPALE
HOMÉLIE DU PAPE LÉON XIV
Basilique Saint-Jean-de-Latran
VIe dimanche de Pâques, 25 mai 2025
« Je salue cordialement les Cardinaux présents, en particulier le Cardinal Vicaire, les évêques auxiliaires et tous les évêques, les très chers prêtres – curés, vicaires et tous ceux qui, à divers titres, collaborent à la pastorale dans nos communautés – ; ainsi que les diacres, les religieux, les religieuses, les Autorités et vous tous, très chers fidèles.
L’Église de Rome est l’héritière d’une grande histoire, enracinée dans le témoignage de Pierre, de Paul et d’innombrables martyrs, et elle a une mission unique, bien indiquée par ce qui est écrit sur la façade de cette Cathédrale : être Mater omnium Ecclesiarum, Mère de toutes les Églises.
Le Pape François nous a souvent invités à réfléchir sur la dimension maternelle de l’Église (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, nn. 46-49.139-141 ; Catéchèse, 13 janvier 2016) et sur ses caractéristiques propres : la tendresse, la disponibilité au sacrifice et cette capacité d’écoute qui permet non seulement de venir en aide, mais souvent aussi d’anticiper les besoins et les attentes, avant même qu’ils ne soient exprimés. Ce sont là des traits que nous souhaitons voir grandir partout dans le peuple de Dieu, ici aussi, dans notre grande famille diocésaine : chez les fidèles, chez les pasteurs, chez moi le premier. Les lectures que nous avons écoutées peuvent nous aider à y réfléchir.
Dans les Actes des Apôtres (cf. 15, 1-2.22-29), en particulier, il est raconté comment la communauté des origines a affronté le défi de l’ouverture au monde païen dans l’annonce de l’Évangile. Cela n’a pas été un processus facile : cela a demandé beaucoup de patience et d’écoute mutuelle ; cela s’est produit tout d’abord au sein de la communauté d’Antioche, où les frères, en dialoguant – même en discutant – sont parvenus à définir ensemble la question. Mais ensuite, Paul et Barnabé sont montés à Jérusalem. Ils n’ont pas décidé de leur propre chef : ils ont cherché la communion avec l’Église mère et s’y sont rendus avec humilité.
Pierre et les Apôtres les ont écoutés. Ainsi s’est engagé le dialogue qui a finalement conduit à la bonne décision : reconnaissant et considérant la difficulté des néophytes, il a été convenu de ne pas leur imposer de charges excessives, mais de se limiter à leur demander l’essentiel (cf. Ac 15, 28-29). Ainsi, ce qui pouvait sembler un problème est devenu pour tous une occasion de réfléchir et de grandir.
Le texte biblique, cependant, nous en dit davantage, allant au-delà de la riche et intéressante dynamique humaine de l’événement.
C’est ce que révèlent les paroles que les frères de Jérusalem adressent par lettre à ceux d’Antioche, leur communiquant les décisions prises. Ils écrivent : « L’Esprit Saint et nous-mêmes » (Ac 15, 28). Ils soulignent, en effet, que dans toute cette histoire, l’écoute la plus importante, celle qui a rendu tout le reste possible, a été celle de la voix de Dieu. Ils nous rappellent ainsi que la communion se construit avant tout “à genoux”, dans la prière et dans un engagement continu de conversion. Ce n’est que dans cette tension, en effet, que chacun peut entendre en lui la voix de l’Esprit qui crie : « Abba ! Père ! » (Ga 4, 6) et, par conséquent, écouter et comprendre les autres comme des frères.
L’Évangile nous réaffirme également ce message (cf. Jn 14, 23-29), en nous disant que nous ne sommes pas seuls dans les choix de vie. L’Esprit nous soutient et nous montre le chemin à suivre, en nous “enseignant” et en nous “rappelant” tout ce que Jésus nous a dit (cf. Jn 14, 26).
Tout d’abord, l’Esprit nous enseigne les paroles du Seigneur en les imprimant profondément en nous, selon l’image biblique de la loi écrite non plus sur des tables de pierre, mais dans nos cœurs (cf. Jr 31, 33) ; un don qui nous aide à grandir jusqu’à devenir “lettre du Christ” (cf. 2 Co 3, 3) les uns pour les autres. Et il en est ainsi : nous sommes d’autant plus capables d’annoncer l’Évangile que nous nous laissons conquérir et transformer, en permettant à la puissance de l’Esprit de nous purifier au plus profond de nous-mêmes, de rendre nos paroles simples, nos désirs honnêtes et limpides, nos actions généreuses.
Et c’est là qu’intervient l’autre verbe : “rappeler”, c’est-à-dire ramener l’attention du cœur vers ce que nous avons vécu et appris, afin d’en pénétrer plus profondément le sens et d’en savourer la beauté.
Je pense à cet égard au chemin exigeant que le diocèse de Rome parcourt depuis quelques années, articulé à différents niveaux d’écoute : vers le monde environnant, pour en accueillir les défis, et au sein des communautés, pour en comprendre les besoins et promouvoir des sages et prophétiques initiatives d’évangélisation et de charité. C’est un chemin difficile, encore en cours, qui cherche à embrasser une réalité très riche, mais aussi très complexe. Il est toutefois digne de l’histoire de cette Église qui a si souvent démontré sa capacité à voir “grand”, en s’investissant sans réserve dans des projets courageux et s’impliquant même face à des scénarios nouveaux et exigeants.
En témoigne le travail considérable accompli ces jours-ci par l’ensemble du diocèse en vue du Jubilé, dans l’accueil et l’accompagnement des pèlerins et à travers d’innombrables autres initiatives. Grâce à ces nombreux efforts, la ville apparaît à ceux qui y arrivent, parfois de très loin, comme une grande maison ouverte et accueillante, et surtout comme un foyer de foi.
Pour ma part, j’exprime le désir et l’engagement d’entrer dans ce chantier si vaste en me mettant, autant que possible, à l’écoute de tous, pour apprendre, comprendre et décider ensemble : “chrétien avec vous et pour vous évêque ”, comme le disait saint Augustin (cf. Discours 340, 1). Je vous demande de m’aider à le faire dans un effort commun de prière et de charité, en rappelant les paroles de saint Léon le Grand : « Tout le bien que nous accomplissons dans l’exercice de notre ministère est l’œuvre du Christ ; et non pas la nôtre, car nous ne pouvons rien sans lui, mais nous nous glorifions en lui, de qui vient toute l’efficacité de notre action » (Serm. 5, de natali ipsius, 4).
À ces paroles je voudrais joindre, en concluant, celles du Bienheureux Jean-Paul Ier, qui le 23 septembre 1978, avec le visage radieux et serein qui lui avait déjà valu l’appellation de “Pape du sourire”, saluait ainsi sa nouvelle famille diocésaine : « Devenant Patriarche à Venise, Saint Pie X s’était exclamé à St-Marc : “Qu’en serait-il de moi, Vénitiens, si je ne vous aimais pas ?”. Aux Romains, je dirai quelque chose de semblable ; je puis vous assurer que je vous aime, que je désire seulement entrer à votre service et mettre à votre disposition, toutes mes pauvres forces, le peu que j’ai et le peu que je suis » (Homélie à l’occasion de la Prise de Possession de la Cathedra Romana, 23 septembre 1978).
Je vous exprime également toute mon affection, avec le désir de partager avec vous, sur notre chemin commun, les joies et les peines, les difficultés et les espoirs. Je vous offre moi aussi “le peu que j’ai et que je suis”, et je le confie à l’intercession des saints Pierre et Paul et de tant d’autres frères et sœurs dont la sainteté a illuminé l’histoire de cette Église et les rues de cette ville. Que la Vierge Marie nous accompagne et intercède pour nous. »