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« Celui-là, je m’en méfie beaucoup », confie un évêque de France le premier jour de la présidence de Monseigneur Aveline

Monseigneur Jean-Marc Aveline  - DR
Monseigneur Jean-Marc Aveline - DR
Le cardinal Jean-Marc Aveline prend officiellement ses fonctions ce 1er juillet 2025 comme président de la Conférence des évêques de France. Derrière une élection largement consensuelle, des confidences d’évêques révèlent une opinion plus contrastée

Par Philippe Marie

La Conférence des évêques de France (CEF), fondée en mai 1964, réunit l’ensemble des évêques pour coordonner les actions de l’Église catholique, élaborer des prises de position communes et soutenir les grands chantiers pastoraux. Si elle n’exerce pas d’autorité directe sur les diocèses, elle joue un rôle central dans la cohésion de l’Église en France.C’est donc aujourd’hui que Monseigneur Jean-Marc Aveline prend ses fonctions de nouveau président, dans un climat en surface largement favorable, mais en coulisse beaucoup plus contrasté.Élu pour un mandat de trois ans, renouvelable une fois, il prend officiellement ses fonctions ce 1er juillet, succédant à Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims, qui occupait la présidence depuis 2019. À 66 ans, l’archevêque de Marseille a été élu dès le premier scrutin, réunissant plus des deux tiers des voix.Notons que dans l’un de ses derniers gestes à la tête de la CEF , Monseigneur Moulins-Beaufort s’est rendu à Paray-le-Monial pour consacrer la France au Cœur sacré de Jésus : elle va vraiment en avoir besoin ..


Rappelons que Mgr Aveline est né le 26 décembre 1958 à Sidi Bel Abbès en Algérie, il a été ordonné prêtre pour le diocèse de Marseille en 1984, après des études de théologie et de philosophie à Paris. Professeur, fondateur de l’Institut catholique de la Méditerranée, il a exercé de nombreuses responsabilités diocésaines. Évêque auxiliaire en 2013, archevêque de Marseille en 2019, il a été créé cardinal par le pape François en 2022.

Mais derrière ce parcours impressionnant et cette ascension rapide, certains évêques expriment en privé des réserves plus profondes.Les confidences recueillies auprès de plusieurs évêques en disent long sur ce contraste. L’un d’eux ne cache pas sa perplexité : « Celui-là, je m’en méfie beaucoup. » Un autre confie : « Il avance masqué, mais ses idées sont dangereuses. » Et un troisième, plus direct encore : « C’est le pire de tous. » Des propos tenus à voix basse, comme toujours, mais révélateurs du malaise de certains prélats autour d’une figure que beaucoup perçoivent comme le produit d’un système, celui des réseaux progressistes, plutôt que comme un vrai pasteur enraciné dans la Tradition de l’Eglise.

Car les défis sont immenses, inscription de l’avortement dans la Constitution, retour annoncé du projet de loi sur l’euthanasie à l’automne, recul de la foi, crise des vocations, persécution juridique de l’enseignement catholique, respect des fidèles traditionalistes … Et au milieu de tout cela, l’arrivée à la tête de la CEF d’un prélat dont le projet pour l’Église inquiète jusque dans son propre camp.

Quel est ce projet ?

Une “refondation théologique” qui passe par un changement de paradigme. Monseigneur Aveline l’a écrit, répété, théorisé, il ne s’agit plus d’annoncer le salut en Jésus-Christ comme unique voie, mais de bâtir une théologie des religions, valorisant le pluralisme, les semences du Verbe présentes dans toutes les traditions, et une interprétation personnelle de la foi. Le dogme Extra Ecclesiam Nulla Salus devient sous sa plume un simple adage patristique, dépassé, à revoir selon les sensibilités modernes. Le salut ? Un horizon flou, accessible par des chemins divers. L’évangélisation ? Supplantée par le sacrement de l’amitié entre croyants de toutes confessions. Le péché ? Peu évoqué. La conversion ? Évacuée. Le Christ ? Présent, mais relativisé.

Cette idéologie, décrite comme « bergoglienne », vise à redessiner les fondements de l’Église. Monseigneur Aveline n’en fait pas mystère. Il souhaite passer d’une théologie de la vérité à une théologie du dialogue. Le problème, c’est qu’on finit par ne plus savoir ce qu’on dialogue, avec qui, et pourquoi.

Le 22 septembre 2023, au Palais du Pharo, le cardinal Jean-Marc Aveline a prononcé un discours fleuve au ton lyrique, tissé de références culturelles, philosophiques et littéraires de Nietzsche à Péguy, en passant par Dante mais où l’on cherche en vain une proclamation claire et directe du cœur de l’espérance chrétienne : la victoire du Christ sur la mort. En valorisant une espérance commune aux peuples de la Méditerranée, au-delà des convictions religieuses, l’archevêque de Marseille semble reléguer au second plan le rôle unique du Christ Sauveur. À force de parler de fraternité, de mémoire, de navigation spirituelle et de souffle commun, il en vient à diluer l’identité chrétienne dans un humanisme consensuel.

Que l’évangélisation, la mission ou la conversion soient absentes d’un tel discours donné par un cardinal est pour le moins préoccupant. L’espérance chrétienne n’est pas une énergie collective ou un idéal culturel, mais une vertu théologale qui trouve sa source dans la résurrection du Christ : là est le véritable message que le successeur des apôtres aurait dû rappeler avec force. Et surtout, à aucun moment dans cette longue intervention le cardinal ne mentionne la finalité ultime de toute espérance chrétienne : le salut des âmes.Et pourtant, ce prélat devient aujourd’hui l’homme fort de l’épiscopat français. Favori du pape François, adoubé par les cercles progressistes, Monseigneur Aveline se positionne habilement comme “papabile”, certains le voyaient déjà élu. Prendre leurs rêves pour la réalité, voilà l’erreur. Mais lui, en tout cas, y croyait ..et il y croit encore….

Ses propres fidèles à Marseille s’en plaignent, absent, éloigné de ses prêtres, distant dans les crises. Monseigneur Aveline a géré la fermeture de l’église Saint-Maurice comme un dossier administratif, au mépris de la souffrance des paroissiens. Pas de messe, pas de cérémonie, une simple désacralisation par décret. « Le Ponce Pilate Aveline », écrivent-ils dans une lettre ouverte. Tout est dit.

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Étrange ascension que celle de cet homme discret, et redoutablement efficace, qui fut envoyé à Toulon pour enterrer les espoirs nés du dynamisme du diocèse. Monseigneur Rey, son ancien collègue, n’a pas résisté au rouleau compresseur. Et aujourd’hui, Monseigneur Aveline siège au cœur de la curie romaine, solidement installé entre progressisme stratégique et prudence feutrée.

Mais ce n’est pas en jouant au funambule doctrinal que l’on redonnera vie à l’Église de France. Et ce n’est pas par des incantations à la petite espérance de Péguy, aussi belles soient-elles, qu’on affrontera les lois de mort qui menacent notre pays. Le verbe haut ne remplace ni le courage de la vérité, ni la fidélité au Christ.Entre ambitions papales et nouvelle rhétorique doctrinale, Monseigneur Aveline avance dans les hautes sphères de l’Église. Son seul point commun avec saint Augustin ? Être né en Afrique du Nord. Pour le reste, on pourrait dire de lui, en paraphrasant avec une pointe d’ironie le Docteur de l’Église : « J’ai été hors de toi, tu es toujours loin de moi… »

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