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Pourquoi Monseigneur Mariano Fazio est-il accusé en Argentine de traite de mineures ?

Monseigneur Mariano Fazio ( au premier plan) aux côtés de Monseigneur Fernando Ocáriz, reçus par le pape Léon XIV en mai 2025
Monseigneur Mariano Fazio ( au premier plan) aux côtés de Monseigneur Fernando Ocáriz, reçus par le pape Léon XIV en mai 2025
Est-ce une nouvelle cabale contre l’Opus Dei ? L’inculpation soulève des interrogations multiples sur la véracité des faits reprochés, la nature des témoignages, et le traitement judiciaire réservé à cette affaire

L’Argentine est le théâtre d’une affaire judiciaire d’envergure impliquant l’Opus Dei, et plus précisément l’un de ses plus hauts responsables, Monseigneur Mariano Fazio. Âgé de 65 ans, cet ecclésiastique argentin occupe aujourd’hui le poste de vicaire auxiliaire de la Prélature de la Sainte-Croix et de l’Opus Dei, autrement dit le bras droit du prélat espagnol Fernando Ocáriz, et son successeur potentiel.

Le 11 juin 2025, trois procureurs argentins ont officiellement demandé que Monseigneur Fazio soit entendu dans le cadre d’une enquête portant sur la » réduction en servitude » de 43 jeunes filles. Les faits, qui s’étendraient sur une quarantaine d’années, concernent le recrutement présumé de mineures issues de milieux modestes, entre 12 et 16 ans, sous promesse de logement et d’éducation, pour les faire travailler dans des maisons de l’Opus Dei comme domestiques, sans rémunération. Les accusations évoquent aussi un cadre de vie strict, une dépendance affective et psychologique, et un isolement du monde extérieur.La demande d’inculpation repose notamment sur le témoignage d’une femme bolivienne, identifiée par ses initiales M.I.E., qui affirme avoir servi dans des résidences de l’Opus Dei durant 31 ans, notamment à Buenos Aires et à Rome. Elle dit avoir été affectée au ménage personnel de Monseigneur Fazio entre 2009 et 2014, alors que celui-ci était vicaire régional pour l’Argentine, le Paraguay et la Bolivie. Son témoignage évoque une fatigue extrême, des pensées suicidaires et un traitement psychiatrique administré sous l’autorité de médecins liés à l’Œuvre.

L’organisation conteste vigoureusement ces accusations, les qualifiant de totalement infondées. Elle évoque un contentieux social qui aurait été requalifié en affaire pénale, et insiste sur le fait que les personnes concernées étaient engagées volontairement dans un cadre religieux connu, avec un statut clair, des soins, de la formation et la possibilité de quitter librement l’institution.

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Monseigneur Fazio, docteur en philosophie et ancien recteur de l’Université pontificale de la Sainte-Croix, a été nommé vicaire général en 2014, peu après l’élection du pape François, qu’il connaissait personnellement à Buenos Aires. Selon certaines sources, son arrivée à Rome aurait été motivée par la volonté de maintenir un lien stable avec le nouveau pontificat. En mai 2025, il a été reçu, aux côtés de Fernando Ocáriz, par le pape Léon XIV, pour évoquer la réforme des statuts de la prélature, conformément aux demandes du pape François.

La justice argentine a par ailleurs déjà mis en cause plusieurs anciens responsables de l’Opus Dei dans le pays : Carlos Nannei, Patricio Olmos, Víctor Urrestarazu et Gabriel Dondo. La majorité des cas évoqués remonte à une période antérieure à 2008, date d’entrée en vigueur de la loi argentine contre la traite, ce qui pose la question de la prescription pour certains d’entre eux.Les procureurs ont insisté auprès du juge Daniel Rafecas pour que les auditions soient organisées sans délai. Ils rappellent que l’État argentin est tenu par le droit international de garantir aux victimes l’accès à la justice. Des voix, y compris au sein d’anciens membres de l’Opus Dei, s’interrogent désormais : une figure hiérarchique peut-elle rester en fonction alors qu’elle fait l’objet d’une mise en cause aussi grave ?

En l’absence de procès et face à des témoignages complexes, parfois anciens et difficilement vérifiables, cette affaire pose autant de questions sur les faits que sur leur interprétation. S’agit-il d’un système réellement abusif, ou d’une relecture contemporaine, à l’aune de sensibilités nouvelles, d’une forme de vie religieuse exigeante mais choisie ? La justice argentine devra désormais établir les faits avec rigueur.

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