La Congrégation pour les Églises orientales a annoncé le lundi 7 juillet que le pape Léon XIV mettait fin au mandat de Monseigneur Cyril Vasil’, jésuite de rite byzantin, en tant que délégué pontifical pour les affaires liturgiques de l’archiéparchie syro-malabare d’Ernakulam-Angamaly, en Inde. Cette décision, qui marque la fin d’une mission délicate entamée en 2023, vise à entériner un accord interne et à apaiser un conflit qui menaçait l’unité de cette Église orientale catholique.Dans un communiqué, le pape a exprimé sa « profonde gratitude » envers Mgr Vasil’ pour son travail, tout en signifiant que le Saint-Siège considère désormais le litige clos.
La crise, parfois violente, durait depuis quatre ans et portait sur la manière de célébrer la divine liturgie : avec le prêtre tourné vers le peuple (versus populum) ou vers l’autel (ad orientem).Le différend concernait l’application d’une réforme liturgique votée par le Synode de l’Église syro-malabare en 2021. Celle-ci prévoyait une forme unifiée du rite : le prêtre devait se tourner vers le peuple au début de la messe, puis se tourner vers l’autel pendant la liturgie eucharistique. Une réforme que refusaient massivement les prêtres de l’archiéparchie d’Ernakulam-Angamaly, qui avaient l’habitude de célébrer entièrement versus populum.Face à l’opposition presque unanime du clergé local, le pape François avait tenté une résolution en nommant une série d’administrateurs apostoliques, puis Mgr Vasil’ comme délégué pontifical. Mais les tensions ont continué, allant jusqu’à des manifestations, des agressions d’évêques, et des vidéos virales dénonçant les réformes.
Le compromis désormais entériné autorise les prêtres à célébrer une messe dominicale versus populum, à condition qu’une autre messe dominicale soit célébrée ad orientem. Les prêtres récemment ordonnés, auparavant tenus de signer un engagement à ne jamais célébrer face au peuple, ne seront plus contraints de le faire. Certains responsables de l’archiéparchie seront également remplacés dans les mois à venir.
le site catholicculture.org précise que ce consensus, conclu notamment grâce à l’action du vicaire métropolitain Mgr Joseph Pamplany et à une réunion décisive avec l’archevêque majeur Mgr Raphael Thattil, est considéré par les observateurs comme un succès de la méthode synodale : dialogue, écoute et compromis.
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Martin Bräuer, chercheur à l’Institut œcuménique de Bensheim, souligne que cette crise a mis à l’épreuve l’équilibre entre l’autorité papale et l’autonomie des Églises orientales. Il rappelle que saint Jean-Paul II avait, dès 1998, confié aux évêques syro-malabars la responsabilité de régler leurs litiges liturgiques.« Le pape François n’a pas réussi à résoudre le conflit par l’autorité. Une solution synodale s’est révélée plus efficace », analyse Bräuer. Il précise toutefois que la mise en œuvre de l’accord dans les mois à venir sera cruciale pour en mesurer la solidité.Des mesures d’apaisement sont prévues pour les prêtres faisant l’objet de procédures disciplinaires, et les litiges civils seront traités par les tribunaux indiens. Les opposants à la réforme ne représentent qu’environ 10 % des fidèles ,soit 450 000 personnes sur les cinq millions que compte l’Église syro-malabare , mais leur mobilisation a été particulièrement virulente.Notons que le tribunal spécial mis en place pour traiter ces différends liturgiques n’est pas encore dissous.
Interrogé sur les leçons à tirer de cette crise, Bräuer rappelle que « la liturgie est le dogme prié », une expression vivante de la foi, qui peut prendre des formes diverses selon les cultures. Il cite à titre d’exemple les rites mozarabe, congolais ou mexicain.« La diversité liturgique enrichit l’Église », conclut-il
On peut espérer qu’à la lumière de cet accord conclu dans l’Église syro-malabare, la France connaîtra à son tour un apaisement liturgique. Dans plusieurs diocèses, la situation demeure tendue, et il serait temps d’en tirer les leçons. Un assouplissement, même minimal, des restrictions actuelles constituerait un premier pas. Mais nombreux sont ceux qui espèrent un nouveau Motu proprio venant mettre un terme à ce que beaucoup considèrent comme une « persécution liturgique » envers les fidèles attachés au rite tridentin depuis les décisions unilatérales prises sous le pontificat précédent.