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« Le regard fait la différence » : l’appel du pape Léon XIV à devenir bons samaritains

Le Pape Léon  XIV lors de son homélie dans la paroisse San Tommaso da Villanova de Castel Gandolfo ( Capture écran )
Le Pape Léon XIV lors de son homélie dans la paroisse San Tommaso da Villanova de Castel Gandolfo ( Capture écran )
En méditant la parabole du bon Samaritain, le pape Léon XIV a livré une homélie puissante sur la compassion véritable, cette « révolution de l’amour » capable de renverser l’indifférence et de relever le monde blessé

Ce dimanche 13 juillet, en la paroisse San Tommaso da Villanova de Castel Gandolfo, le pape Léon XIV a présidé la messe dominicale et prononcé une homélie centrée sur la parabole du bon Samaritain. Ce texte de l’Évangile selon saint Luc, bien connu des fidèles, demeure selon lui d’une actualité brûlante. Il continue, a-t-il affirmé, « à nous défier, à remettre en question notre vie et à secouer la tranquillité de nos consciences endormies ou distraites ».Le pape a souligné que la clé de la parabole réside dans le regard porté sur le blessé : le prêtre et le lévite, en le voyant, « passent de l’autre côté », tandis que le Samaritain, lui aussi témoin de la scène, « fut saisi de compassion ». Léon XIV y voit un appel à sortir d’un regard extérieur, pressé et indifférent, pour adopter une vision plus profonde, capable de toucher le cœur et d’impliquer la responsabilité personnelle.

Il a ensuite rappelé que ce regard de compassion est celui que Dieu a posé sur l’humanité. « Dieu nous a regardés avec compassion, il a voulu emprunter lui-même notre route, il est descendu parmi nous et, en Jésus, bon Samaritain, il est venu guérir nos blessures », a-t-il déclaré. Le Christ, selon le pape, est l’image parfaite du Samaritain. Il n’a pas regardé de loin mais s’est approché de ceux qui souffrent, versant « l’huile de son amour et de sa miséricorde ».

Léon XIV a également cité saint Augustin, qui affirme que Jésus a voulu s’appeler lui-même « notre prochain », et Benoît XVI, pour qui le Samaritain « se fait lui-même prochain » sans se demander qui mérite d’être aidé. Le pape a expliqué que la foi ne peut se réduire à l’accomplissement de devoirs ou à une obéissance extérieure, mais qu’elle exige une transformation intérieure, un cœur capable de compatir, un regard qui ne passe pas outre, deux mains qui soulagent et des épaules prêtes à porter les fardeaux des autres.

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Le Saint Pére a également évoqué le contexte mondial en établissant un parallèle entre la route descendante de Jérusalem à Jéricho et les réalités de la souffrance contemporaine. Cette route, selon lui, est empruntée aujourd’hui par « tous ceux qui sombrent dans le mal, la souffrance et la pauvreté », victimes de la guerre, de l’économie injuste ou de systèmes oppressifs. « Et nous, que faisons-nous ? Est-ce que nous regardons et passons outre, ou bien nous laissons-nous transpercer le cœur comme le Samaritain ? », a-t-il interrogé.Le pape a mis en garde contre une conception limitée de la fraternité, dans laquelle le prochain ne serait que celui qui partage notre langue, notre foi ou notre nationalité. Au contraire, Jésus propose une autre logique, dans laquelle l’étranger, considéré à l’époque comme hérétique, devient modèle de charité. L’appel final de l’Évangile, a-t-il rappelé, est clair : « Va, et toi aussi, fais de même ».

À la fin de la célébration, Léon XIV a offert au curé de la paroisse une patène et un calice en souvenir de cette messe, les qualifiant d’« instruments de communion » et d’invitation à vivre réellement la fraternité dans le Christ.

Texte intégral de l’homélie prononcée par le pape Léon XIV

« Frères et sœurs,


je partage avec vous la joie de célébrer cette Eucharistie et je voudrais saluer toutes les personnes présentes, la communauté paroissiale, les prêtres, l’évêque du diocèse, Son Excellence, les autorités civiles et militaires.

L’Évangile de ce dimanche, que nous venons d’entendre, est l’une des paraboles les plus belles et les plus suggestives racontées par Jésus. Nous connaissons tous la parabole du bon Samaritain (Lc 10, 25-37).

Ce récit continue aujourd’hui encore à nous défier, il remet en question notre vie, il secoue la tranquillité de nos consciences endormies ou distraites, et il nous met en garde contre le risque d’une foi accommodante, installée dans l’observance extérieure de la loi mais incapable de ressentir et d’agir avec les mêmes entrailles compatissantes de Dieu.

La compassion, en effet, est au cœur de la parabole. Et s’il est vrai que dans le récit évangélique, elle est décrite par les actions du Samaritain, la première chose que la péricope souligne, c’est le regard. En effet, devant un homme blessé qui se trouve au bord de la route après être tombé sur des bandits, on dit du prêtre et du lévite : « il le vit et passa de l’autre côté » (v. 32) ; du Samaritain, en revanche, l’Évangile dit : « il le vit et fut saisi de compassion » (v. 33).

Chers frères et sœurs, le regard fait la différence, car il exprime ce que nous avons dans le cœur : on peut voir et passer outre ou voir et ressentir de la compassion. Il y a une vision extérieure, distraite et hâtive, une vision qui fait semblant de ne pas voir, c’est-à-dire sans se laisser toucher ni interpeller par la situation ; et il y a cependant une vision, celle du cœur, avec un regard plus profond, empreint d’empathie, qui nous fait entrer dans la situation de l’autre, nous fait participer intérieurement, nous touche, nous bouleverse, interroge notre vie et notre responsabilité.

Le premier regard dont la parabole veut nous parler est celui que Dieu a posé sur nous, afin que nous apprenions nous aussi à avoir ses mêmes yeux, remplis d’amour et de compassion les uns pour les autres. Le bon Samaritain, en effet, est avant tout l’image de Jésus, le Fils éternel que le Père a envoyé dans l’histoire précisément parce qu’il a regardé l’humanité sans passer outre, avec des yeux, avec un cœur avec des entrailles remplis d’émotion et de compassion. Comme celui de l’Évangile qui descendait de Jérusalem à Jéricho, l’humanité descendait dans les abîmes de la mort et, aujourd’hui encore, elle doit souvent faire face à l’obscurité du mal, à la souffrance, à la pauvreté, à l’absurdité de la mort. Mais Dieu nous a regardés avec compassion, il a voulu emprunter lui-même notre route, il est descendu parmi nous et, en Jésus, le bon Samaritain, il est venu guérir nos blessures, en versant sur nous l’huile de son amour et de sa miséricorde.

Le pape François nous a souvent rappelé que Dieu est miséricorde et compassion, et il a affirmé que Jésus « est la compassion du Père envers nous » (Angélus du 14 juillet 2019). Il est le bon Samaritain qui est venu à notre rencontre. Lui, dit saint Augustin, « a daigné s’appeler notre prochain. Car Jésus-Christ s’est peint sous les traits du Samaritain secourant ce malheureux, abandonné sur le chemin par les voleurs, couvert de blessures et à demi-mort » (La Doctrine chrétienne, I, 30.33).

Nous comprenons alors pourquoi la parabole met au défi chacun de nous. Puisque le Christ est la manifestation d’un Dieu compatissant, croire en Lui et le suivre comme ses disciples signifie se laisser transformer afin que nous puissions avoir nous aussi les mêmes sentiments que Lui. Un cœur qui s’émeut, un regard qui voit et ne passe pas outre, deux mains qui secourent et apaisent les blessures, des épaules solides qui prennent le fardeau de ceux qui sont dans le besoin.

La première lecture d’aujourd’hui, en nous faisant écouter les paroles de Moïse, nous dit qu’obéir aux commandements du Seigneur et se convertir à Lui ne signifie pas multiplier les actes extérieurs, mais qu’il s’agit plutôt de revenir en notre cœur pour découvrir que c’est précisément là que Dieu a écrit la loi de l’amour. Si, dans l’intimité de notre vie, nous découvrons que le Christ, comme le bon Samaritain, nous aime et prend soin de nous, nous sommes alors portés nous aussi à aimer de la même manière et nous deviendrons compatissants comme Lui. Guéris et aimés par le Christ, nous devenons nous aussi des signes de son amour et de sa compassion dans le monde.

Frères et sœurs, nous avons aujourd’hui besoin de cette révolution de l’amour. Aujourd’hui, cette route qui descend de Jérusalem vers Jéricho, une ville située au-dessous du niveau de la mer, est la route empruntée par tous ceux qui sombrent dans le mal, dans la souffrance et dans la pauvreté. C’est la route de nombreuses personnes accablées par les difficultés ou blessées par les circonstances de la vie. C’est la route de tous ceux qui descendent plus bas jusqu’à se perdre et toucher le fond. Et c’est la route de nombreux peuples dépouillés, volés et pillés, victimes de systèmes politiques oppressifs, d’une économie qui les contraint à la pauvreté, de la guerre qui tue leurs rêves et leurs vies.

Et nous, que faisons-nous ? Est-ce que nous regardons et passons outre, ou bien nous laissons-nous transpercer le cœur comme le Samaritain ? Parfois, nous nous contentons de faire notre devoir ou nous considérons notre prochain seulement celui qui fait partie de notre cercle, celui qui pense comme nous, celui qui a la même nationalité ou la même religion. Mais Jésus renverse la perspective en nous présentant un Samaritain, un étranger et un hérétique qui se fait proche de cet homme blessé. Et il nous demande de faire de même.

Le Samaritain, écrivait Benoît XVI, ne demande pas jusqu’où s’étendent ses devoirs de solidarité, ni quels mérites lui assureront la vie éternelle. Les choses se passent autrement. Il a le cœur déchiré. Si la question avait été : « Le Samaritain est-il lui aussi mon prochain ? », la réponse aurait été, dans la situation donnée, un non sans équivoque. Mais Jésus renverse les choses. Le Samaritain, l’étranger, se fait lui-même mon prochain et me montre que je dois apprendre par moi-même, de l’intérieur, à être le prochain de tous, et que la réponse se trouve déjà en moi. Il me faut devenir quelqu’un qui aime, une personne dont le cœur se laisse bouleverser par la détresse de l’autre (Jésus de Nazareth, 221-222).

Voir sans passer outre, arrêter nos courses effrénées, laisser que la vie de l’autre, quel qu’il soit, avec ses besoins et ses souffrances, me brise le cœur. C’est cela qui nous rend proches les uns des autres, qui engendre une véritable fraternité, qui fait tomber les murs et les barrières. Et finalement l’amour se fraye un chemin, en devenant plus fort que le mal et que la mort.

Bien aimés, regardons le Christ, le bon Samaritain, et écoutons aujourd’hui encore sa voix qui dit à chacun de nous : « Va, et toi aussi, fais de même » (v. 37).

Paroles du pape à la fin de la messe

Je voudrais maintenant remettre un petit cadeau au curé de cette paroisse pontificale, en souvenir de notre célébration d’aujourd’hui. La patène et le calice avec lesquels nous célébrons l’Eucharistie sont des instruments de communion, et peuvent être une invitation pour nous tous à vivre en communion, à promouvoir véritablement cette fraternité, cette communion que nous vivons en Jésus-Christ. »

Source Vatican

Intégralité de la messe du Pape Léon XIV célébrée le dimanche 13 juillet

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