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Et si le 14 juillet invitait aussi à se souvenir des martyrs oubliés ?

« La Révolution française a fait plus de morts en un mois au nom de l’athéisme que l’Inquisition au nom de Dieu pendant tout le Moyen Âge et dans toute l’Europe »

Chaque été, le 14 juillet rassemble les foules autour de défilés, de bals et de feux d’artifice. Cette fête républicaine incarne l’attachement des Français à la liberté conquise en 1789. Mais dans cette célébration nationale, un pan entier de l’histoire semble laissé dans l’ombre : celui des milliers de catholiques – prêtres, religieuses et laïcs – persécutés ou exécutés pour avoir refusé de renier leur foi.

Avant la Révolution, l’Église catholique occupait une place centrale dans la société française. Elle était religion d’État. Cette situation, souvent perçue comme injuste par le tiers état, fut remise en cause dès la nuit du 4 août 1789. Mais le processus révolutionnaire alla bien au-delà de la réforme.En 1791, la Constitution civile du clergé exigea que les prêtres prêtent serment à la Nation. Ce texte créait une Église nationale soumise au pouvoir politique, en rupture avec l’autorité du pape. En conscience, près de la moitié des prêtres refusèrent de prêter serment. On les appela les « réfractaires ». Contraints de célébrer clandestinement, ils furent pourchassés, emprisonnés ou exécutés. La Terreur, entre 1793 et 1794, marqua un basculement radical : interdiction du culte, fermeture des églises, profanations massives, destruction des objets liturgiques, réquisition des édifices religieux.

À Compiègne, seize carmélites furent guillotinées en 1794 pour avoir refusé de renier leur vocation. Elles montèrent à l’échafaud en chantant le Veni Creator. Leur béatification par saint Pie X en 1906 en fit un symbole de fidélité chrétienne. À Angers, 99 martyrs furent exécutés et béatifiés en 1984 par Jean-Paul II. À Rochefort, plus de 800 prêtres furent enfermés sur deux navires pourrissants, sans messe ni soins. Une soixantaine d’entre eux ont été reconnus bienheureux. Tous ces témoins de la foi sont français. Leur mémoire, pourtant, reste discrète dans l’histoire officielle.

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L’historien Pierre Chaunu, de l’Académie des sciences morales et politiques, rappelait en 1984 : « La Révolution française a fait plus de morts en un mois au nom de l’athéisme que l’Inquisition au nom de Dieu pendant tout le Moyen Âge et dans toute l’Europe » (Pour l’Histoire, Perrin). Son jugement est sévère, mais il invite à reconsidérer certaines certitudes.La religion catholique fut interdite en 1793. Il fallut attendre le Concordat de 1801, signé entre Napoléon Bonaparte et Pie VII, pour que le culte retrouve une existence légale. Ce compromis permit une forme de coexistence, mais entérinait aussi la subordination de l’Église à l’État. Ce système dura jusqu’à la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État, qui suscita à son tour un profond trouble dans les milieux catholiques. Le philosophe catholique Jacques Maritain parlera d’un « choc spirituel dont la France ne s’est jamais vraiment relevée ».

Aujourd’hui encore, la République célèbre le 14 juillet sans jamais évoquer ceux qui, en conscience, refusèrent de se soumettre à une logique d’État qui excluait Dieu. Leur fidélité n’était pas un rejet de la France, mais l’expression d’une loyauté spirituelle plus haute. Dans un pays qui cherche à conjuguer mémoire, unité et vérité, n’est-il pas temps d’élargir le récit national à ces pages oubliées ? La liberté religieuse fait aujourd’hui partie des droits fondamentaux. Mais elle fut conquise au prix du sang de ceux qui n’ont pas renié leur foi. Le 14 juillet pourrait aussi devenir un jour de prière pour eux, et un appel à préserver ce que la Révolution elle-même a parfois tenté de détruire : le droit de croire librement.

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