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Sainte-Anne-d’Auray : quatre siècles de foi vivante en Bretagne

Arrivée du cardinal Sarah à Sainte-Anne-d’Auray pour la dernière procession de la Troménie - DR
Arrivée du cardinal Sarah à Sainte-Anne-d’Auray pour la dernière procession de la Troménie - DR
Le sanctuaire breton célèbre les 400 ans des apparitions de sainte Anne à Yves Nicolazic. Une histoire de renaissance et de conversion, au cœur même de l’effondrement

Sainte-Anne-d’Auray, petit village du Morbihan, célèbre cette année le 4e centenaire des apparitions de sainte Anne survenues entre 1623 et 1625. À cette occasion, le cardinal Robert Sarah, envoyé spécial du pape Léon XIV, a présidé les célébrations officielles du jubilé. Dans une lettre adressée au prélat, le Saint-Père a rappelé que « Le Tres Haut s’est plu à révéler les mystères du Royaume d’abord aux humbles », soulignant la vocation spirituelle de ce lieu pour tout le peuple breton.

Tout commence à l’été 1623. Yves Nicolazic, cultivateur aisé et profondément croyant, résidant dans le hameau de Keranna, est témoin de phénomènes mystérieux : une lumière éclatante, puis l’apparition d’une femme vêtue de blanc portant une torche. Ce n’est que dans la nuit du 25 au 26 juillet 1624 qu’elle lui révèle son identité : « Me zo Anna, Mam Mari » « Je suis Anne, la mère de Marie ». Elle lui demande de faire reconstruire une chapelle détruite depuis 924 ans et 6 mois, dans un champ appelé le Bocenno, lieu d’un ancien sanctuaire qui lui était dédié.

En mars 1625, à la suite d’une nouvelle apparition, Nicolazic conduit plusieurs habitants sur le lieu désigné. Ils y découvrent enfouie une statue de sainte Anne, preuve tangible de l’ancien lieu de culte. La première messe y est célébrée le 26 juillet 1625. Le pèlerinage de Sainte-Anne-d’Auray venait de naître.Le couple Nicolazic, resté longtemps sans enfants, verra ensuite la naissance de quatre enfants. Deux mourront en bas âge, mais Jeanne et Sylvestre, leur fils devenu prêtre, vivront. Yves se retira peu à peu de la vie publique et mourut le 13 mai 1645. Ses derniers mots furent : « Je vois la Sainte Vierge et Madame sainte Anne, ma bonne Patronne ! »

Douze ans après les apparitions, un autre épisode marquant se produit à l’ombre du sanctuaire : la conversion inattendue de Pierre Le Gouvello, surnommé jadis le « diable de Bretagne ». Seigneur de Keriolet, il menait une vie désordonnée, méprisant ouvertement les fidèles de Sainte-Anne. Pourtant, il gardait deux habitudes singulières : l’aumône ,qu’il faisait sans jamais accepter les prières des pauvres ,et la récitation quotidienne d’un Ave Maria.Une vision de l’enfer ne suffit d’abord pas à le détourner du mal. Mais lors d’un exorcisme auquel il assiste, une possédée révèle publiquement l’état de son âme. Seule sa prière quotidienne à la Vierge l’aurait empêché de tomber dans la damnation. Cette révélation provoque en lui un retournement complet. Il devient pénitent, accueille pauvres et religieux dans son château, mène une vie quasi monastique, puis reçoit le sacerdoce. Devenu prêtre et même exorciste, il multiplie les pèlerinages à Sainte-Anne-d’Auray où il se rendait chaque mercredi et samedi, distribuant des aumônes et célébrant la messe. Il y mourut le 8 octobre 1658.

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Cette histoire, qui unit apparition, conversion, renouveau familial et édification d’un sanctuaire, illustre ce que l’évêque de Vannes, Mgr Raymond Centène, affirme dans sa lettre pastorale pour le jubilé : « Le dessein de Dieu ne peut échouer. Après 924 ans et six mois, la chapelle a été reconstruite. Comme le temple de Jérusalem après l’exil, la chapelle de Keranna fut rebâtie, et elle le fut de nouveau après la Révolution », époque durant laquelle la statue originelle fut brûlée lors du saccage de l’église.

Mgr Centène rappelle que « le dessein de Dieu se déploie dans l’histoire des hommes, à travers les secousses de cette histoire elle-même, mais sans que sa puissance ne fasse jamais défaut ». À Sainte-Anne-d’Auray, cette puissance se manifeste encore aujourd’hui dans la fidélité des pèlerins et la permanence d’un lieu qui, malgré les siècles et les destructions, témoigne d’une foi toujours vivante.

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