Hier après-midi, les pèlerins espagnols présents à Rome pour le Jubilé des jeunes ont assisté à une scène pour le moins troublante : un spectacle de danse accompagné de lectures bibliques a été présenté devant l’autel extérieur installé pour les célébrations liturgiques. La chorégraphie, proposée comme animation spirituelle avant la messe présidée par Mgr Luis Argüello, s’est déroulée à quelques mètres du siège de Pierre, sur le sol sacré de la Ville éternelle.
Officiellement, rien de profanatoire. Ni provocation ouverte, ni contenu explicitement contraire à la foi. Et pourtant, un malaise profond a saisi de nombreux fidèles : que venaient faire ces figures féminines chorégraphiées, semblables à des vestales, devant l’autel du Seigneur ? Peut-on sérieusement mêler le sacré et le spectaculaire sans brouiller les repères fondamentaux de notre foi ?
La chorégraphie, bien qu’élégante, relevait davantage d’une performance esthétique que d’une prière authentique. L’intention, selon les organisateurs, était d’illustrer certains textes bibliques. Mais depuis quand l’illustration artistique remplace-t-elle le silence, la prière intérieure, la Parole proclamée dans la liturgie ? Ce mélange des genres, sous couvert de créativité, introduit une confusion grave entre le théâtre et le culte, entre le symbole chrétien et la gestuelle scénique.
Ce que l’on a vu hier rappelle dangereusement les rites païens, où des femmes dansaient pour les dieux muets. Ces « vestales » modernes, vêtues avec soin, ondulant autour de l’autel, évoquaient davantage un rituel symbolique abstrait qu’un chemin vers le Christ. On invoque ici l’esthétique, la participation, l’ouverture… mais à quel prix ? Celui de vider l’espace sacré de sa force propre, celle du mystère révélé, du sacrifice eucharistique, de la Présence réelle.
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Ce n’était pas un simple détail, ni un débat de liturgistes pointilleux. L’autel est le lieu du sacrifice, non une scène d’expression corporelle. Il n’est pas un décor, mais un seuil. Là où se renouvelle le mystère du salut, là où le pain devient Corps, là où le Christ se donne. C’est pourquoi l’Église a toujours entouré l’autel d’une réserve, d’un respect, d’un silence sacré.Permettre à des mises en scène dansées d’occuper ce lieu avant une messe, c’est affaiblir la conscience liturgique des jeunes, c’est brouiller la frontière entre l’animation et la célébration, entre la louange et le spectacle. Ce que nous avons vu ne relevait pas du blasphème, mais d’une dérive douce, celle qui dilue le sacré dans le sensible, qui glisse du culte vers la culture, sans que personne ne sache où s’arrête l’un et où commence l’autre.
Nous le redisons ici, avec gravité mais clarté : les jeunes n’ont pas besoin de spectacles, ils ont soif de vérité, de silence, de beauté enracinée dans la foi, non dans le divertissement. Ce Jubilé, qui par ailleurs connaît de très belles réussites pastorales notamment avec l’accueil massif au sacrement de réconciliation , mérite mieux que ces tentatives d’adaptation douteuse.
Le monde est saturé d’images et de distractions. L’Église ne doit pas s’y engouffrer, mais en sortir. Elle n’a pas à séduire, elle doit sanctifier. C’est la sainteté qui attire, pas la mise en scène.Il est urgent de rappeler que ce que l’Église propose n’est pas un spectacle bien produit, mais un mystère à adorer. L’autel n’est pas une scène. Il est l’autel du Dieu vivant. Et beaucoup se demandaient encore hier, non sans tristesse : mais que venaient faire ces vestales devant lui ?
extrait du spectacle – images Vatican média