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Le pape Léon XIV à l’épreuve d’un Synode incertain : une Église “en marche”… mais vers où, et avec qui ?

Le Pape Léon  XIV lors de son homélie dans la paroisse San Tommaso da Villanova de Castel Gandolfo ( Capture écran )
Le Pape Léon XIV lors de son homélie dans la paroisse San Tommaso da Villanova de Castel Gandolfo ( Capture écran )
En passant d’une “assemblée d’évêques” à une “assemblée ecclésiale”, concept inexistant dans la tradition canonique, on brouille les lignes entre mission épiscopale, autorité magistérielle et consultation des fidèles


L’Église catholique est “en marche”, c’est du moins le mot d’ordre officiel depuis le lancement du Synode sur la synodalité. Écoute, dialogue, participation, cheminement commun, autant de concepts valorisés dans les discours. Mais derrière cette dynamique se pose une question de fond, de plus en plus pressante : vers quoi l’Église marche-t-elle, et avec qui entend-elle vraiment avancer ? À l’heure où le processus entre dans sa dernière phase, le pape Léon XIV se trouve face à un choix capital, entre clarification et continuité.

Ce synode dit “sur la synodalité” se présente comme un processus sans précédent. Il engage toute l’Église à réfléchir à ses pratiques, à son organisation, à son mode de gouvernance. Mais au fil du temps, la clarté initiale semble s’être diluée. Le vocabulaire employé devient flou, les structures se multiplient sans cadre défini, et les repères traditionnels vacillent. L’annonce d’une “Assemblée ecclésiale” en 2028, sans fondement canonique clair, marque un tournant silencieux mais décisif. Ce n’est plus simplement un synode d’évêques, mais une structure nouvelle, dont les contours sont encore flous, et qui pourrait transformer en profondeur l’autorité dans l’Église.

Ce qui surprend, c’est que cette orientation ressemble fortement à ce que la Curie romaine avait elle-même critiqué il y a quelques années, notamment dans le cas du Chemin synodal allemand. À l’époque, Rome avait dénoncé la parité clercs-laïcs, les votes à majorité, et l’illusion d’une Église gouvernée sur une base démocratique. Aujourd’hui, cette méthode est peu à peu reprise, sans que personne ne s’en explique vraiment.

Faut-il y voir une conversion de la Curie à une autre vision ecclésiale, ou une dérive assumée sous couvert d’“écoute” ? L’ambiguïté est profonde. Car si l’intention affichée est celle d’un renouveau, le résultat risque de brouiller la distinction fondamentale entre le rôle des évêques, garants de la foi, et celui des fidèles, appelés à y communier mais non à en redéfinir le contenu.

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Dans ce contexte délicat, le regard se tourne vers le pape Léon XIV. Élu il y a moins de trois mois, il bénéficie d’un état de grâce exceptionnel. Selon un sondage Odoxa pour Le Figaro, 86 % des Français disent avoir une bonne opinion de lui, un score rare dans un pays souvent méfiant vis-à-vis des institutions religieuses. Ce soutien traverse les clivages politiques, générationnels et religieux. Même les non-croyants expriment une large sympathie. Chez les catholiques pratiquants, le taux atteint presque l’unanimité.Cette popularité, le pape Léon XIV ne la doit pas à des discours médiatiques, mais à un style sobre, discret, et profondément spirituel. Là où son prédécesseur avait suscité des divisions par des prises de position parfois trop politiques ou sociétales, Léon XIV rassemble par sa réserve et par la force silencieuse de sa présence. Cette attitude est perçue comme plus évangélique, plus enracinée, et finalement plus crédible.

Mais cette popularité, aussi impressionnante soit-elle sera t-elle suffisante ?

Le cardinal Sarah l’a rappelé récemment dans son homélie à Sainte Anne d’Auray : les défis à venir sont immenses, et ne se limiteront pas à des questions d’image. Il faudra affronter la crise de la foi, l’effondrement des vocations, la perte du sens du sacré. Et, plus encore, la confusion doctrinale qui menace de s’enraciner dans certaines parties de l’Église.

Dans ce contexte, le Synode sur la synodalité apparaît comme un moment critique. Le pape Léon XIV devra décider s’il souhaite reconduire un processus aux fondements incertains, ou s’il veut, avec lucidité, poser les limites nécessaires à une réforme qui risque de devenir une mutation. L’Église est certes en marche. Mais elle ne peut marcher sans direction claire. Elle ne peut prétendre avancer ensemble si elle ne sait plus vers quel but elle tend.

C’est pourquoi le rôle du pape Léon XIV ne pourra être celui d’un simple accompagnateur. Il devra, au nom de sa charge apostolique, redonner à l’Église une vision unifiée, fondée sur la tradition, le droit et la foi. Il ne s’agit pas de rejeter la participation des fidèles, ni de figer l’institution, mais de rappeler que la communion ecclésiale ne peut exister sans la clarté de la foi et sans la responsabilité propre de ceux qui en ont reçu la charge.L’état de grâce dont bénéficie aujourd’hui Léon XIV est un signe fort. Il révèle une attente, une espérance, une adhésion à une figure capable de rassembler sans renoncer à la vérité. Mais ce capital de confiance n’est pas une fin en soi. Il est un point de départ. Et la question demeure : le pape Léon XIV saura-t-il reconstruire ce que le pontificat précédent a ébranlé ? Ou laissera-t-il l’Église s’enfoncer dans une synodalité sans contours, où l’on marche ensemble, certes, mais sans savoir vers qui, ni vers quoi ?

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