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Les nationalistes hindous intensifient leurs persécutions contre les chrétiens

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Agressions, arrestations, campagnes de haine : en 2025, les violences contre les chrétiens se multiplient, en particulier dans les États dirigés par le BJP. Sous prétexte de lutter contre les conversions, des groupes extrémistes hindous ciblent prêtres, religieuses, pasteurs et fidèles. L’Église dénonce un climat d’impunité et d’intimidation systémique

Les chrétiens d’Inde vivent aujourd’hui dans un climat de crainte, d’hostilité et de harcèlement permanent. Sous couvert de lutte contre les conversions religieuses, des groupes nationalistes hindous mènent campagne contre les disciples du Christ, en particulier dans les États dirigés par le Bharatiya Janata Party (BJP). Leurs méthodes vont de la propagande à la violence physique, avec la complicité ou le silence de nombreuses autorités locales.Le dernier incident en date, survenu le 6 août 2025 à Jaleswar (district de Balasore, Odisha), témoigne de cette escalade. Deux prêtres, deux religieuses et un catéchiste ont été violemment agressés par une foule d’environ 70 personnes, identifiées comme membres du groupe extrémiste Bajrang Dal. Le groupe rentrait d’une messe de funérailles lorsqu’il a été pris pour cible. Malgré la présence de la police, aucun assaillant n’a été arrêté et aucun dépôt de plainte (FIR) n’a été enregistré le lendemain.

Quelques mois plus tôt, en mars, deux religieuses catholiques, Sœur Vandana Francis et Sœur Preethy Mary, avaient été arrêtées à la gare de Durg (Chhattisgarh). Accusées de conversion forcée et de traite d’enfants, elles ont été détenues pendant neuf jours sur la base d’une plainte déposée par un membre du Bajrang Dal. Elles accompagnaient pourtant de jeunes enfants chrétiens à un camp religieux autorisé. Leur arrestation a provoqué une onde de choc dans toute l’Inde chrétienne.En février, à Indore (Madhya Pradesh), une autre religieuse, Sœur Sheela Savari Muthu, a été accusée d’avoir organisé une activité de conversion. En réalité, il s’agissait d’un simple camp de santé pour les enfants de domestiques. « Il est très douloureux que notre petit geste de charité soit qualifié d’activité de conversion », a-t-elle témoigné.

Pour Sœur Elsa Muttathu, secrétaire nationale de la Conférence des Religieux de l’Inde, la situation est claire :
« Nous vivons une époque dangereuse. Toute activité éducative, médicale ou sociale que nous entreprenons peut être criminalisée. Même porter l’habit religieux est devenu un risque. » Le Père capucin Suresh Mathew, journaliste et ancien rédacteur de India Currents, dénonce une dynamique délibérée : « Ces attaques ne sont pas spontanées. Elles sont organisées, répétées, et couvertes par une impunité administrative. » Un pasteur évangélique, battu à plusieurs reprises dans son district, confie sous anonymat : « Ils veulent que nous ayons peur. Mais je continuerai à prêcher. Plus ils nous persécutent, plus Dieu bénira nos efforts. »

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Les chrétiens représentent environ 2,3 % de la population indienne, soit environ 30 millions de personnes. Présents depuis près de deux millénaires dans le sud de l’Inde, et plus récemment dans le nord-est, ils sont fortement engagés dans l’éducation, les soins de santé et le service des pauvres.Mais depuis l’arrivée du BJP au pouvoir central en 2014, le discours public s’est progressivement durci. Les accusations de conversions forcées se sont multipliées, surtout à l’encontre des pasteurs évangéliques et des religieux catholiques dans les États du centre et du nord. Des lois dites « anti-conversion » ont été adoptées dans dix États. Officiellement conçues pour empêcher la coercition religieuse, elles sont en réalité souvent utilisées pour cibler les chrétiens.

Selon les données du United Christian Forum, les incidents violents contre les chrétiens sont passés de 127 en 2014 à plus de 834 en 2024. En 2025, la tendance se poursuit. Les attaques vont de l’intimidation à la profanation d’églises, des arrestations abusives aux meurtres. Et dans la majorité des cas, les auteurs restent impunis.

Le climat politique n’arrange rien. En août 2025, le BJP et ses alliés contrôlent 21 États et territoires. Ils gouvernent seuls des régions clés comme l’Uttar Pradesh, le Madhya Pradesh, le Maharashtra, le Gujarat ou l’Assam, et avec des alliés à Bihar, Andhra Pradesh ou Meghalaya. Ce contrôle massif favorise la propagation de l’idéologie nationaliste hindoue à travers les administrations locales, les écoles publiques et les forces de l’ordre.Face à ces attaques répétées, la Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCI) a exprimé à plusieurs reprises son inquiétude. Dans un communiqué publié après l’agression du 6 août, elle a dénoncé « la violence ciblée contre les prêtres et les religieuses, et l’inaction délibérée de la police. » Mais les autorités fédérales restent muettes.Le cardinal Fridolin Ambongo, en déplacement pastoral à Mumbai ce trimestre, a déclaré : « Une démocratie qui opprime ses minorités trahit son âme. Le nationalisme, lorsqu’il devient agressif et exclusif, se transforme en une idole. »

Malgré les épreuves, l’Église continue son œuvre. Prêtres, religieux, catéchistes et laïcs restent présents auprès des plus pauvres, des enfants, des marginaux. L’Évangile est encore annoncé, souvent au prix de la peur, parfois au prix du sang.Comme l’écrit saint Paul, « Nous sommes accablés de toutes manières, mais non écrasés ; dans la détresse, mais non désespérés. » (2 Co 4,8)Tant que le Christ sera vivant dans le cœur de ses disciples, aucune force politique ni idéologique ne pourra faire taire l’Église.

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