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« Je suis cardinal ukrainien : je dis, assez de guerre  » : Le cri du cardinal Mykola Bychok

cardinal Mykola Bychok - DR
cardinal Mykola Bychok - DR
« Comme pasteur, je dis au monde que mon peuple continue de souffrir et qu’il a besoin du soutien de la communauté internationale »

À 45 ans, Mykola Bychok est le plus jeune cardinal de l’Église catholique. D’origine ukrainienne, installé à Melbourne en Australie où il dirige l’éparchie des Saints Pierre et Paul, il demeure profondément attaché à son pays natal, meurtri depuis plus de trois ans par la guerre. Dans un entretien accordé à Avvenire, il lance un appel pressant : « Io, cardinale ucraino, dico: basta guerra ».( Je suis cardinal ukrainien : je dis, assez de guerre « ) Créé cardinal par le pape François en décembre dernier, Mgr Bychok a participé au conclave qui a élu Léon XIV. Il confie sa première rencontre avec le nouveau pontife : « Je me suis présenté en lui disant : “Je suis l’évêque pour les Ukrainiens en Australie. Je vous apporte les salutations du pays et je vous assure de nos prières”. Puis je lui ai demandé de se souvenir de l’Ukraine et de prier pour la fin de la guerre ».

Pour lui, l’engagement de Léon XIV est sans équivoque : « Je crois que son premier message a été un signe puissant. Il a dit : “La paix soit avec vous tous”. (…) Je suis convaincu que Léon XIV fera tout le possible pour arrêter les hostilités et aider notre pays ».

Le cardinal rappelle que l’histoire de sa vocation est liée aux persécutions subies par l’Église gréco-catholique ukrainienne : « Le “monde russe” est essentiellement immuable : soumission, destruction, dissolution en lui. (…) Notre Église a toujours été l’objet de cette destruction, principalement parce qu’elle avait un visage national et donnait au peuple un sens de dignité et la force de résister ».Il évoque le traumatisme du pseudo-concile de Lviv en 1946, organisé par les autorités soviétiques pour supprimer son Église : « Les évêques, prêtres et religieux furent martyrisés dans l’intention d’effacer la voix de l’Église dans la société ».

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Redemptoriste, Bychok a été missionnaire en Russie, auprès des communautés d’Ukrainiens déportés : « Il fallait voyager sans cesse pour visiter les gens ». L’expérience a pris fin en 2014, après l’occupation de la Crimée. Aujourd’hui, il dénonce l’agression russe : « Comme Ukrainiens, notre plus grand désir est que le conflit se termine au plus vite et que la Russie cesse de terroriser notre peuple avec missiles, bombes et drones ».Revenu plusieurs fois en Ukraine durant la guerre, il constate : « Les Ukrainiens n’ont pas la possibilité d’oublier le conflit, car la Russie nous le rappelle chaque jour ».Pour le cardinal Bychok, l’exigence de vérité est essentielle : « Une paix juste n’est pas la paix à tout prix. Il faut la vérité : reconnaître qui est la victime et qui est l’agresseur ».Il dénonce aussi l’instrumentalisation religieuse : « Le patriarche de Moscou, Kirill, a béni la guerre en consacrant une icône et en la donnant à un général russe. (…) Avant il y a eu une occupation spirituelle de l’Ukraine, et maintenant il y en a une militaire ». Profondément marial, le cardinal explique :

« Toute ma vie spirituelle est marquée par la dévotion à Marie. (…) Les apparitions de Fatima où la Vierge a invité à prier pour la conversion de la Russie restent actuelles. Le Rosaire continue d’être une référence dans ma prière quotidienne ».

Pour finir le prélat lance un appel : « Comme pasteur, je dis au monde que mon peuple continue de souffrir et qu’il a besoin du soutien de la communauté internationale ».

Le témoignage du cardinal Mykola Bychok résonne comme un cri de douleur et d’espérance. Il rappelle la fidélité de l’Église gréco-catholique ukrainienne face aux persécutions, l’attachement indéfectible de son peuple à la foi et à la dignité, et la proximité constante du pape Léon XIV qui, dès les premiers jours de son pontificat, a placé la paix au centre de son ministère.Mais ce cri ne saurait être compris comme une condamnation sans nuances. Car si l’Ukraine paie un lourd tribut, il ne faut pas oublier qu’en Russie aussi, des familles pleurent leurs enfants tombés, des fidèles souffrent en silence, et de nombreux innocents, qui n’ont pas choisi la guerre, en subissent les conséquences. L’appel du cardinal Bychok rejoint ainsi celui du pape : travailler à une paix juste et durable, qui reconnaisse la vérité des faits, mais qui n’oublie pas que, des deux côtés du conflit, ce sont des vies humaines qui sont brisées.

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