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Malaisie : une religion imposée, la charia comme instrument de soumission

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Gratte-ciel étincelants, centres commerciaux futuristes, technologies dernier cri, la Malaisie se présente au monde comme un modèle d’ultra-modernité en Asie. Mais derrière la vitrine de Kuala Lumpur, la charia s’impose avec une rigueur croissante dans plusieurs États

Le 18 août dernier, l’État de Terengganu a adopté de nouvelles sanctions particulièrement sévères. Désormais, tout homme musulman qui manquerait la prière du vendredi sans motif valable risque jusqu’à deux ans de prison et 3 000 ringgit d’amende, soit environ 530 euros. Il s’agit d’un durcissement majeur : auparavant, la sanction ne concernait que trois absences consécutives et se limitait à six mois de prison ou 1 000 ringgit d’amende. La décision a été prise par le Parti islamique pan-malaisien (PAS), qui dirige l’État et détient la totalité des 32 sièges de l’assemblée locale.

Les autorités expliquent vouloir rappeler aux fidèles que la prière du vendredi n’est pas seulement un devoir religieux mais aussi un signe d’obéissance. Des panneaux seront affichés dans les mosquées pour rappeler les obligations, tandis que l’application de la loi reposera sur des signalements du public et sur des patrouilles religieuses. Pour les défenseurs des droits humains, ces mesures sont « choquantes » et constituent une atteinte flagrante à la liberté de religion. « La liberté religieuse signifie aussi le droit de ne pas participer. Ces lois draconiennes donnent une mauvaise image de l’islam et violent les droits fondamentaux », a dénoncé Phil Robertson, directeur de l’ONG AHRLA.

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Cette escalade s’inscrit dans une strétégie plus large. Le PAS tente d’imposer un contrôle religieux accru dans les quatre États malaisiens qu’il gouverne. Déjà en 2021, l’État voisin du Kelantan avait cherché à élargir la charia criminelle à des domaines tels que la sodomie, l’inceste, le jeu ou le harcèlement sexuel. La Cour fédérale avait annulé ces mesures en 2024, les jugeant anticonstitutionnelles, mais cette décision avait déclenché des manifestations massives des partisans du PAS, exigeant la protection et l’extension de la charia.Ces développements soulignent le contraste saisissant de la Malaisie : un pays qui se veut moderne, dynamique et attractif pour les investisseurs, mais qui tolère, voire encourage, une surveillance religieuse étouffante. Kuala Lumpur affiche au monde ses tours de verre et ses centres commerciaux géants, mais à Terengganu ou Kelantan, la police religieuse surveille les comportements les plus intimes, jusqu’à sanctionner un simple manquement à la prière.

De son côté, l’Église catholique en Malaisie, présente depuis les missionnaires portugais de 1511, compte aujourd’hui environ 1,3 million de fidèles répartis en neuf diocèses. Si la foi est vivante à Bornéo, où les peuples autochtones Kadazan-Dusun ou Iban ont largement accueilli l’Évangile, elle demeure fragile dans la péninsule, soumise à des lois qui interdisent toute évangélisation des musulmans et rendent les conversions pratiquement impossibles. La nomination au cardinalat de Sebastian Francis en 2023 a donné visibilité à cette minorité, mais les catholiques continuent de vivre entre dynamisme pastoral et restrictions juridiques, reflétant le même paradoxe entre modernité apparente et libertés religieuses limitées.En Malaisie, la charia appliquée par l’État révèle ainsi son véritable visage, non pas un chemin de piété, mais un instrument de soumission.

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