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La sœur Véronique Margron, la grande accusatrice de l’Église de France

Véronique Margron - photo Le Monde
Véronique Margron - photo Le Monde
Présidente de la CORREF depuis 2016, sœur Véronique Margron occupe le devant de la scène médiatique avec ses prises de position tranchées. À l’approche de la fin de son mandat et des élections de novembre, beaucoup s’interrogent sur ce qu’elle fait encore à la tête de la Conférence des religieux et religieuses de France

On dit que l’habit ne fait pas le moine. Mais quand la mère Margron troque la robe dominicaine pour une veste de costume, difficile de ne pas s’interroger. Elle aime à se présenter en intellectuelle de l’Église, dialoguant avec la modernité, mais l’ironie est cruelle : à force de vouloir être reconnue comme “penseuse libre”, elle en vient surtout à colporter les slogans d’une société sécularisée. Plus qu’une théologienne, elle apparaît comme une sociologue militante, toujours prête à instruire le procès de sa propre maison.

Dans un entretien accordé au Point le 26 août, sœur Véronique Margron a affirmé que « l’impunité des agresseurs demeure dans l’Église » et a dénoncé une « crise systémique » doublée d’une « omerta persistante », tout en se réclamant de la politique de « tolérance zéro » prônée par le Vatican. Mais d’où vient ce slogan ? Il ne vient pas de la tradition spirituelle, ni de l’Évangile, mais des politiques sécuritaires de la fin des années 1990, popularisé par le maire de New York, Rudolph Giuliani, pour lutter contre la criminalité urbaine. La “tolérance zéro” appartient au vocabulaire des shérifs et des commissariats, pas à celui des apôtres.

En reprenant ce langage, la mère Margron s’installe dans le rôle d’une sorte de shérif de l’Église

Mais derrière la formule, le problème demeure, la vérité du péché fait partie de la condition humaine. Vouloir croire qu’une institution composée d’hommes pécheurs pourrait être totalement “pure” par un mot d’ordre est une illusion. L’Église est sainte par le Christ, mais ses membres resteront fragiles. Idéaliser l’institution, comme le fait sœur Margron, c’est céder à une utopie de plus, au milieu du catalogue idéologique qu’elle trimballe de plateaux en conférences.Cette rhétorique martelée par sœur Margron lui permet surtout de s’ériger en juge moral et de justifier des positions qui vont bien au-delà de la question des abus. Sous couvert de fermeté, elle défend depuis des années des orientations contraires à l’enseignement de l’Église, ouverture au mariage des prêtres, complaisance envers l’avortement, préface d’un plaidoyer en faveur de l’euthanasie. Sa compassion affichée devient alors l’instrument d’un agenda militant.

Certains diront qu’il n’est pas très évangélique de critiquer ainsi. Mais nous répondrons : qu’est-ce qui est le plus évangélique, témoigner avec sincérité de son opposition à la volonté de certains d’imposer leurs idéologies à l’Église, ou se taire, se soumettre et laisser s’installer une certaine trahison au cœur de l’institution, au nom de son propre confort et d’une charité auto-évaluée ? L’amour véritable n’est pas complaisance, il est vérité.

Rappelons que le discours de sœur Margron ne date pas d’hier. Dans une tribune publiée par Le Monde le 25 septembre 2018, elle écrivait déjà : « Oui, l’Église est gravement et lourdement coupable ». Une telle affirmation est doublement fausse. D’abord, parce qu’elle nie la réalité : toutes les institutions, écoles, clubs sportifs, familles, ont été touchées par le fléau des abus. En isolant l’Église, on laisse croire qu’elle en serait la cause ou la matrice, ce qui relève d’une caricature. Mais surtout, cette phrase est une contrevérité théologique.

L’Église, en tant que Corps mystique du Christ, ne peut être “coupable”. Elle est sainte par nature, même si ses membres sont pécheurs.

Assimiler les crimes de certains à une culpabilité “collective” de l’institution, c’est confondre la sainteté de l’Épouse du Christ avec les fautes de ses enfants. C’est renverser l’ecclésiologie et miner la foi des simples.

Le cardinal Robert Sarah l’a rappelé : parler de “péché collectif” de l’Église est un non-sens. Le péché est toujours personnel. Certes, il peut y avoir des “structures de péché” dans le monde, comme l’avortement ou la corruption, mais jamais l’Église en elle-même, qui est Mère et Maîtresse. Dire qu’elle est “lourdement coupable” revient à la salir devant le monde, au moment même où elle est appelée à se purifier par la vérité et la grâce.

Et pourtant, ces accusations lui valent un prestige certain auprès des médias dominants. Le Monde lui a même consacré en octobre 2021 un long portrait laudatif, titré « Véronique Margron, le visage compatissant de l’Église catholique ». Tout est dit : pour un journal qui, depuis des décennies, ne supporte l’Église que quand elle s’excuse et se flagelle, sœur Margron est l’alliée rêvée. Le quotidien a trouvé sa religieuse idéale, celle qui épouse ses combats sociétaux et qui formule, depuis l’intérieur de l’Église, les critiques que ses éditorialistes répètent depuis toujours. Proximité idéologique oblige, on la retrouve invitée sur France Inter, encensée sur France 5, reprise en boucle par les rédactions qui cherchent une “bonne sœur” conforme à l’air du temps. Bref, la Margron sister est devenue la chouchou des médias, non pas parce qu’elle exprime la foi, mais parce qu’elle la déconstruit. On préfère l’entendre à elle qu’une carmélite silencieuse, un moine bénédictin fidèle, ou une mère de famille nombreuse témoin de l’Évangile.

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On dit souvent que le plus grand danger pour l’Église vient de l’extérieur. Mais l’histoire montre qu’il vient d’abord de l’intérieur, quand des voix prétendument consacrées sèment le doute et divisent le peuple de Dieu. Les loups qui entrent dans la bergerie ne portent pas toujours des habits civils, parfois ce sont des religieux eux-mêmes qui fragilisent la foi en accusant leur propre Mère.Sa manière d’aborder la famille catholique témoigne du même biais idéologique. Elle a affirmé que « plus une famille est croyante, plus le tabou est fort » lorsqu’il s’agit de dénoncer l’inceste. Cette généralisation est injuste et absurde. Ce n’est pas la foi qui bâillonne, mais le péché et la lâcheté humaine. L’Église, au contraire, proclame que la famille est voulue par Dieu comme sanctuaire de vie, de transmission et de protection. Accuser la piété familiale de complicité revient à jeter la suspicion sur toutes les familles chrétiennes, alimentant ainsi le catho-bashing.

Même son apparence et son style posent question. Sur RCF, beaucoup ont noté un discours mondain et une absence d’habit religieux, au point de donner l’impression d’une intellectuelle laïque plus que d’une consacrée. Saint Jean-Paul II rappelait pourtant dans Vita consecrata que l’habit religieux n’est pas un détail mais un signe de pauvreté, de consécration et d’appartenance. Des monastères bénédictins ont souligné l’importance de revenir aux pratiques traditionnelles, à la prière, à la liturgie, à la formation et au témoignage visible.

Son rôle autour du rapport Sauvé en 2021 illustre encore cette ambiguïté. Réélue juste avant sa publication, elle s’est imposée comme figure de proue du processus, multipliant les interventions médiatiques, parfois sans l’accord de son bureau. Beaucoup de religieux ont d’ailleurs boudé les assemblées générales de la CORREF, lassés de cette gouvernance solitaire.

En apparaissant juge, partie et commentatrice, elle a brouillé la mission spirituelle de son mandat avec une campagne personnelle.

Au final, sœur Margron s’impose comme une “shérif” médiatique de l’Église française, mais son autorité repose sur des slogans et non sur l’Évangile. L’Église n’a pas besoin d’un shérif, mais de témoins de la miséricorde. La vraie réponse aux abus est la vérité, la justice et la grâce, non des formules venues des commissariats américains ( repris par François) ni des unes de journaux en quête de spectacle.Alors que son mandat s’achève, une question demeure, qui voudra lui succéder en novembre ? Beaucoup espèrent que ce moment marquera la fin d’un cycle et le retour à une présidence enracinée dans la prière, fidèle au Magistère et soucieuse non de séduire le monde, mais de proclamer l’Évangile. Car le Christ n’a jamais dit “tolérance zéro”, mais bien, « La vérité vous rendra libres » (Jn 8,32).

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