Huit districts de la province de Cabo Delgado sont à nouveau la proie des attaques djihadistes. Entre barrages routiers, extorsions contre les chrétiens et déplacements massifs de population, la guerre oubliée du nord du Mozambique prend une ampleur dramatique. Au cours des dernières semaines du mois d’août 2025, huit districts de la province de Cabo Delgado, au nord du Mozambique, ont été frappés par une nouvelle vague d’attaques djihadistes. Les violences, marquées par l’installation de barrages routiers et l’extorsion systématique des voyageurs, plongent la région dans une instabilité qui ne cesse de s’aggraver depuis 2017.À l’issue de l’Angélus du dimanche 24 août 2025, le Pape Léon XIV a tenu à exprimer « sa proximité avec la population de Cabo Delgado, au Mozambique, victime d’une situation d’insécurité et de violence qui continue de faire des morts et des déplacés ».
L’Agence Fides précise que les attaques se sont concentrées dans les districts de Chiúre et Macomia, suivis par Ancuabe et Muidumbe. Les djihadistes ont mis en place neuf barrages sur les routes provinciales N380 et N14, bloquant l’acheminement de l’aide humanitaire destinée à plus de 85 000 personnes. Les conducteurs et passagers identifiés comme chrétiens doivent s’acquitter d’un « péage » exorbitant, allant de 150 à 460 dollars, pour éviter l’enlèvement ou la mort.Depuis le début de l’insurrection en 2017, plus de 6 000 personnes ont perdu la vie, et l’aggravation des violences a déjà provoqué le déplacement de près de 60 000 habitants en 2025.Au-delà du terrorisme islamiste, ce conflit s’enracine dans des revendications sociales et dans la convoitise de ressources naturelles colossales. La région de Cabo Delgado regorge en effet de gaz et de pierres précieuses. La reprise annoncée, en septembre 2025, des travaux du terminal de gaz naturel liquéfié d’Afungi ,un projet évalué à plus de 20 milliards de dollars, ravive les tensions. Ce chantier avait été suspendu en mars 2021, après l’attaque meurtrière de Palma.
Pour contenir l’avancée des insurgés, le Mozambique a reçu le soutien de forces étrangères. La mission militaire de la SADC (SAMIM), déployée en 2021, s’est toutefois retirée en juillet 2024, laissant le champ libre à l’armée rwandaise, aujourd’hui en première ligne aux côtés des soldats mozambicains et tanzaniens. Mais sans une véritable politique de développement en faveur des populations locales, l’armée ne pourra à elle seule éradiquer la tentation d’enrôlement dans les groupes armés.
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Rappelons qu’en décembre 2024, la province de Cabo Delgado a été frappée par le cyclone Chido, qui a causé de lourds dégâts matériels dans une région déjà meurtrie par le terrorisme djihadiste. Avec des vents atteignant près de 200 km/h, la tempête a détruit des habitations, des écoles, des structures sanitaires et a gravement endommagé plusieurs églises. À Chiúre, la paroisse Sainte-Isabel, qui accueille des milliers de réfugiés fuyant la violence, a vu son église éventrée. À Metoro, la paroisse du Christ-Roi, qui abrite le centre diocésain de formation des catéchistes, a subi d’importants dommages. À Mieze enfin, l’église dédiée à Notre-Dame du Mont Carmel, où se rassemblent chaque dimanche des centaines de fidèles et de réfugiés, a perdu son toit, laissant les paroissiens prier à ciel ouvert.
Les communautés chrétiennes locales, sont donc déjà fragilisées par la pauvreté et l’exil et les conditions climatiques et paient un tribut particulièrement lourd. Nombre de paroisses de la province ont été incendiées ou abandonnées, et les prêtres se trouvent contraints de célébrer la messe dans des conditions de grande précarité, souvent en plein air et sous la menace constante des milices.
Les catéchistes, en première ligne auprès des familles déplacées, témoignent de leur détresse mais aussi de leur fidélité à l’Évangile, rappelant que, malgré la peur, « la foi reste la seule force qui ne peut être arrachée aux pauvres de Cabo Delgado ».Selon les organisations humanitaires présentes sur le terrain, plus de 1,1 million de personnes au Mozambique vivent actuellement déplacées à cause de la guerre dans le nord du pays, dont environ la moitié se trouvent dans la province de Cabo Delgado. Rien que dans le district de Macomia, plus de 30 000 habitants ont dû quitter leurs villages depuis juillet 2025. Les écoles et les centres de santé y sont fermés, paralysés par l’insécurité. À Pemba, capitale provinciale, les structures d’accueil débordent et les familles réfugiées survivent grâce à l’aide d’organisations catholiques et internationales, souvent retardée par l’instabilité des routes.Dans cette guerre trop souvent oubliée par la communauté internationale, l’appel du Pape Léon XIV, en ce 24 août 2025, résonne comme un rappel prophétique. En dénonçant la violence, le Saint-Père se tient aux côtés d’un peuple martyrisé et invite l’Église et le monde à prier et agir pour que Cabo Delgado retrouve enfin la paix.