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Les chrétiens dits conservateurs, sont-ils les nouveaux martyrs d’une certaine idéologie ?

La Pietà de Michel-Ange (Vatican) - DR
La Pietà de Michel-Ange (Vatican) - DR
Les vérités de l’Évangile n’ont rien d’idéologique. Et pourtant, dans le climat actuel, les rappeler suffit pour être accusé d’intolérance ou de fanatisme

Par Philippe Marie

Dans une société qui se proclame ouverte et tolérante, il suffit aujourd’hui d’affirmer la doctrine immuable de l’Église pour être immédiatement qualifié de conservateur, soupçonné de sympathies avec l’extrême droite et exclu du débat public. L’idéologie dominante a appris à inverser le vocabulaire : elle appelle progrès ce qui n’est souvent qu’une régression morale, et liberté ce qui n’est qu’une nouvelle forme d’asservissement. Celui qui ose dire la vérité de la foi se voit non pas écouté, mais disqualifié et condamné.Nos sociétés modernes se vantent de défendre la liberté d’expression et la tolérance. Mais cette liberté s’arrête là où commence la foi chrétienne. Affirmer que l’avortement est un crime ou que l’euthanasie est une atteinte à la dignité humaine n’est plus perçu comme un témoignage de foi, mais comme un délit d’opinion. Rappeler que les actes homosexuels sont contraires à la loi naturelle, conformément au Catéchisme (§2357), suffit à être accusé d’homophobie et livré à la vindicte. Ainsi, la démocratie occidentale se dévore elle-même : elle tolère tout sauf ceux qui croient en la vérité du Christ.

L’histoire n’est pas sans enseignement. Jadis, les chrétiens étaient livrés aux bêtes dans les arènes romaines, ou guillotinés durant la Révolution française, ou encore pourchassés sous les régimes totalitaires. Aujourd’hui, le sang ne coule plus, mais la persécution demeure. Elle prend la forme de procès médiatiques, d’exclusions sociales, d’humiliations publiques. Les chrétiens conservateurs, fidèles à l’Évangile, sont devenus les nouveaux martyrs d’une certaine idéologie qui ne supporte plus la contradiction.À cette violence symbolique s’ajoute une réalité dramatique et tangible : les attaques incessantes contre les églises. En 2025, 322 actes antichrétiens ont été recensés sur les cinq premiers mois de l’année, contre 284 à la même période en 2024. Les atteintes aux biens représentent la majorité de ces actes, mais les atteintes aux personnes ont presque doublé. Tabernacles fracturés, hosties profanées, statues brisées, croix arrachées : ces gestes de haine se répètent sans relâche. Ils ne visent pas seulement les croyants, mais la mémoire vivante de la France, son patrimoine, son identité, son âme . Or, la plupart du temps, ces crimes sont relégués à la rubrique des faits divers et traités avec indifférence.Le plus grave est que cette offensive se déroule dans un silence assourdissant. Aucun grand intellectuel, aucun humaniste autoproclamé, aucun idéologue médiatique n’ose dénoncer haut et fort cette réalité. Pire encore, l’Église elle-même se montre souvent hésitante, timorée, paralysée par la peur de déplaire.

Certains évêques reprennent le vocabulaire de l’idéologie dominante. Au lieu de défendre la vérité avec courage, ils préfèrent condamner les fidèles jugés trop conservateurs. Certains lancent des magazines qui revendiquent un christianisme de gauche face à une supposée extrême droite catholique, c’est l’exemple même de ce renversement : l’ennemi n’est plus le profanateur d’églises, mais le catholique fidèle au Magistère.

L’enseignement de l’Église est pourtant clair. Sur l’avortement : « Dès le premier moment de son existence, l’être humain doit se voir reconnaître les droits de la personne » (Catéchisme § 2270). Fait ahurissant, on en vient même à créer des « zones tampons » autour des cliniques où l’on pratique des avortements à la chaîne, pour empêcher les fidèles de s’y rassembler et d’y prier. Comme si la prière pouvait s’arrêter en fonction de la distance, comme si l’on pouvait dresser des frontières invisibles entre l’homme et Dieu

Sur l’euthanasie, le Catéchisme enseigne : « Ceux dont la vie est diminuée ou affaiblie méritent un respect spécial » (§ 2276). Sur l’homosexualité, il rappelle que « les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés » (§ 2357). Nier ces vérités, c’est céder au monde et non au Christ. Pourtant, ces paroles, qui ne sont que l’écho de deux mille ans d’enseignement, sont désormais traitées comme des délits. Le pape François lui-même a dénoncé l’euthanasie comme « une défaite pour tous », rappelant que la seule voie véritablement humaine est celle du soin, de la proximité et de l’accompagnement. Il a dénoncé l’illusion d’une « fausse compassion » qui, au lieu de respecter la dignité de l’homme, la trahit en supprimant la vie. Une telle logique appartient à cette « culture du déchet » qui méprise la personne et rejette les plus vulnérables. L’euthanasie n’est pas une option morale, mais un péché contre Dieu le Créateur, car la vie est un don sacré que nul n’a le droit d’ôter.

Et que dire de l’instrumentalisation des saints pour justifier des idéologies étrangères à la foi ? La figure de saint François d’Assise est souvent utilisée comme emblème d’une écologie militante. Pourtant, son Cantique des créatures est un hymne à Dieu, non à la nature prise pour elle-même. « Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures », chante-t-il, rappelant que la création est un miroir qui reflète la gloire du Créateur, non une divinité autonome ni un simple système écologique. De même, l’accueil chrétien du prochain n’est pas une justification automatique de politiques migratoires sans discernement : aimer son frère, ce n’est pas effacer les frontières, mais reconnaître en tout homme une créature de Dieu, avec prudence et raison.Le fondement de l’Église a toujours été clair : son but ultime est le salut des âmes. Le Christ n’est pas venu apporter une idéologie ou une réforme sociale, mais sauver les hommes du péché et leur ouvrir les portes de la vie éternelle. « Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19,10).

Or, que reste-t-il de cette mission aujourd’hui ? On n’entend presque plus parler de l’enfer, le purgatoire est présenté comme une invention dépassée, et l’appel à la conversion semble avoir disparu des homélies. L’Église, happée par le tourbillon du monde, semble parfois préférer parler d’écologie, de dialogue ou de projets sociaux plutôt que de la seule chose nécessaire : sauver les âmes. Ce silence sur les fins dernières n’est pas neutre, il prive les fidèles de la vérité et les expose au danger de l’oubli de Dieu.

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Les vérités de l’Évangile n’ont rien d’idéologique. Et pourtant, dans le climat actuel, les rappeler suffit pour être accusé d’intolérance ou de fanatisme.Nous sommes face à une forme de génocide idéologique , l’objectif est l’élimination totale de la foi chrétienne et de ses valeurs.

Pire encore, certains, à l’intérieur même de l’Église, en viennent à utiliser les mêmes méthodes que dans la sphère politique. La même violence verbale, parfois même physique, est employée contre ceux qui ne pensent pas comme eux. On ne cherche plus à partager la foi, mais à imposer une vision idéologique. On stigmatise, on amalgame, on diabolise toujours les mêmes cibles : les catholiques qui ne veulent pas céder à l’esprit du monde. Cette logique d’affrontement, importée de la politique, est une trahison de la mission de l’Église et un scandale pour les âmes.

Les chrétiens conservateurs ne tombent plus sous les griffes des lions, mais sous les accusations mensongères et l’exclusion sociale.

Ils perdent leur voix, leur réputation, parfois même leur travail, simplement pour avoir proclamé l’enseignement de l’Église. Leur souffrance est bien réelle, même si elle n’a pas la visibilité du martyre sanglant.Mais cette souffrance est aussi prophétique. Elle rappelle que l’Évangile sera toujours signe de contradiction. Le Christ Lui-même a promis que ses disciples seraient persécutés pour son Nom. Et si les pasteurs hésitent à proclamer la vérité, si l’Église institutionnelle se tait devant l’offensive idéologique, il reviendra aux fidèles de témoigner, dans l’humiliation et parfois dans la solitude, que la vérité du Christ ne peut être réduite au silence.

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