Le biographe Michael Feeney Callan, qui a consacré quatorze ans à l’interroger lui et près de 300 témoins de sa vie, décrit dans sa monumentale biographie l’enfance contrastée de Redford. Fils unique d’une mère aimante mais fragile et d’un père émotionnellement distant, il connut très tôt l’épreuve de la maladie ,frappé par la polio, il resta paralysé un temps , et celle du deuil, avec la perte tragique de son premier enfant. Ces blessures forgèrent un tempérament rebelle, nourri de ses racines irlandaises qu’il revendiquait comme source de son esprit indomptable.
Jeune homme en quête de repères, il fréquenta les gangs de Los Angeles et commis de menus délits, avant de s’enfuir en Europe pour étudier la peinture et voyager entre Paris, Rome et le sud de la France. C’est finalement le théâtre qui lui donna un but : après avoir étudié l’art dramatique à New York, il fut repéré et entama une carrière qui l’amena rapidement à Hollywood.
Sur le plan religieux, Redford a eu un rapport ambivalent. Par son épouse Lola Van Wagenen, il fut un temps introduit à la foi mormone. Mais il s’en détourna rapidement, considérant cette religion comme trop contraignante. Dans un entretien donné à Playboy, il expliquait :
« Je ne suis pas sûr de croire à une vie après la mort. J’ai exploré toutes les religions, certaines très profondément, suffisamment pour savoir qu’aucune philosophie ne peut me satisfaire. Les problèmes ne peuvent pas être résolus par une seule façon de penser. Si quelque chose me guide, c’est la nature. C’est là que réside ma spiritualité. Je ne crois pas en la religion organisée parce que je ne crois pas que les gens doivent être organisés dans leur façon de penser, dans ce qu’ils croient. »
Cette affirmation résume bien sa position : Redford se disait athée, mais son rapport au sacré se manifestait dans une forme de spiritualité enracinée dans la nature et la liberté intérieure.
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Pourtant, Redford n’était pas resté indifférent à l’Église catholique. Le 4 décembre 2019, il fut aperçu sur la place Saint-Pierre, assistant avec son épouse, l’artiste allemande Sibylle Szaggars, à l’audience générale du pape François. À 83 ans, la star hollywoodienne patienta pour échanger quelques mots avec le souverain pontife.Quand François vint à sa rencontre, Redford se présenta simplement : « Saint-Père, je m’appelle Robert Redford et je veux vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour l’environnement. » Le pape répondit : « Que Dieu vous bénisse », avant d’ajouter sa demande habituelle : « Priez pour moi. » Redford conclut : « Je le fais. »
Cette scène brève mais intense montra qu’au-delà de son rejet des religions organisées, Redford respectait profondément le pape François, notamment pour son engagement écologique.
Ce refus de se laisser enfermer dans « un système » se retrouva aussi dans sa carrière. Très tôt, Redford créa sa propre société de production, choisit ses rôles avec soin, n’hésitant pas à refuser des projets pharaoniques – de Superman à Apocalypse Now – quand il ne les sentait pas conformes à sa vision. Son attachement à l’Utah et à sa maison au pied des montagnes Wasatch illustrait ce besoin de racines et de nature, face à la folie d’Hollywood.À 89 ans, Robert Redford s’est éteint, laissant derrière lui une carrière unique et une image de légende. Athée revendiqué, mais homme profondément spirituel, il restera dans les mémoires comme l’acteur qui trouva dans la nature et la liberté un chemin de transcendance, tout en saluant, un jour de décembre à Rome, un pape dont il partageait au moins une conviction : la défense de la Création.