Le père Custodio Ballester est jugé à Málaga pour un article publié en 2016, où il dénonçait l’impossible dialogue entre christianisme et islam. Trois ans de prison sont requis. Cette affaire rappelle, avec une résonance particulière, la controverse suscitée par le discours de Benoît XVI à Ratisbonne en 2006.Ce mardi 23 septembre 2025, le procès du père Ballester s’est ouvert devant l’Audience de Málaga. Ce prêtre de Barcelone est accusé d’un délit de haine à l’encontre de l’islam, à la suite d’un article qu’il avait publié le 28 décembre 2016 sous le titre L’impossible dialogue avec l’islam. Le parquet, suivant la plainte de l’association Musulmans contre l’islamophobie, demande une peine de trois ans de prison.
Dans ce texte, le prêtre critiquait la lettre pastorale de l’archevêque de Barcelone, le cardinal Juan José Omella, qui appelait à un « nécessaire dialogue avec l’islam ». Le prêtre écrivait : « Une chose est que nous ne méprisions pas les personnes pour ce qu’elles croient et pensent et que nous ne les persécutions pas pour cela, et une toute autre chose est que nous devions mettre notre foi en hibernation pour qu’elle ne heurte pas le dogme progressiste et l’idéologie qui a déclaré la guerre à notre foi. Avec l’inconvénient très grave qu’elle l’a aussi déclarée aux personnes. » Il ajoutait : « Dans les pays où les musulmans détiennent le pouvoir, les chrétiens sont brutalement persécutés et assassinés. De quel dialogue parlons-nous donc ? Et le comble est que, sous prétexte de dialogue, en plus de taire “par prudence” notre foi, nous devrions encore faire des révérences à la leur. C’est le nouveau style de la nouvelle époque : dialogue non seulement avec l’islam (avec la foi islamique), mais aussi avec la nouvelle ingénierie sociale et morale et avec ses aberrations. »
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Déjà en 2020, le parquet de Málaga avait considéré l’article comme constitutif d’un discours de haine. Le prêtre Ballester, pour sa part, dénonce une justice à deux vitesses. Dans une lettre à la procureure María Teresa Verdugo, il écrivait : « Le problème est que vous, les procureurs de la haine, en donnant écho et crédit aux plaintes de ces associations radicales, avez créé un climat de terreur qui renforce ce type de personnages. Car l’action du parquet de la haine a toujours été très sélective : peine maximale pour les détracteurs de l’islam et absolution ou indulgence pour les offenses au christianisme. »
Il prenait pour exemple le cas de l’imam Malik Ibn Benaisa, qui avait déclaré dans une mosquée de Ceuta que les femmes « qui utilisent du parfum » sont des « fornicateurs » cherchant à provoquer les hommes. Malgré la plainte judiciaire, notait le prêtre catalan , l’affaire avait été classée sans suite.
Cette affaire résonne étrangement avec le discours prononcé par Benoît XVI à Ratisbonne le 12 septembre 2006. Citant un dialogue de l’empereur byzantin Manuel II Paléologue, le pape avait évoqué la relation entre foi et violence, provoquant une vive réaction dans le monde musulman. Le Saint-Père avait alors précisé qu’il ne faisait que relayer une réflexion historique, mais la tempête médiatique avait révélé la difficulté même d’aborder certains sujets.Comme à Ratisbonne, le cas Ballester montre que parler d’islam en termes critiques entraîne immédiatement le soupçon de haine. Entre liberté d’expression, défense de la foi et respect interreligieux, la ligne de crête reste fragile.
Au-delà du destin personnel du père Ballester, c’est une question plus large qui se pose : l’Espagne contemporaine tolère-t-elle encore la critique des religions ? L’issue du procès dira si la justice espagnole choisit de faire primer le sens commun et le débat intellectuel, ou bien de criminaliser une prise de position polémique mais inscrite dans une longue tradition de réflexion au sein de l’Église.