De retour de Castel Gandolfo où il venait de passer la nuit, le pape Léon XIV a pris quelques instants pour échanger avec les journalistes. À propos du Proche-Orient, il a rappelé la ligne constante du Saint-Siège : « Le Saint-Siège a reconnu la solution des deux États depuis de nombreuses années ». Une phrase simple, mais lourde de sens, qui replace le Vatican dans la continuité de ses prises de position historiques.Depuis les années 1960, le Saint-Siège tente d’accompagner la recherche d’une paix entre Israéliens et Palestiniens. Paul VI avait ouvert la voie en 1964 en se rendant en Terre Sainte, un geste inédit pour un pape moderne. Jean-Paul II avait marqué une étape décisive en priant au mur des Lamentations et en établissant des relations diplomatiques officielles avec Israël en 1993. Plus tard, Benoît XVI et François avaient eux aussi insisté sur la nécessité pour les Palestiniens de disposer d’un État viable, tout en affirmant avec force le droit d’Israël à vivre dans des frontières sûres et reconnues. En rappelant la « solution à deux États », Léon XIV s’inscrit dans cette tradition, mais avec une volonté manifeste d’exprimer les choses sans ambiguïtés.
Pour autant, la réalité est plus complexe. Du côté israélien, la question palestinienne n’est pas seulement un problème de négociation diplomatique, mais un enjeu vital de survie nationale. Depuis sa création en 1948, l’État d’Israël a dû affronter guerres, attentats, menaces régionales et hostilités multiples. Les attaques terroristes, les roquettes tirées depuis Gaza, l’influence d’acteurs comme le Hezbollah ou certains régimes voisins nourrissent une angoisse profonde : celle de voir un futur État palestinien devenir une base arrière pour de nouvelles offensives.
Pour de nombreux Israéliens, l’idée d’une coexistence pacifique n’est pas rejetée en soi, mais elle n’est acceptable que si la sécurité est garantie de manière absolue. Or, jusqu’à présent, cette garantie n’a jamais semblé à portée de main.
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Du côté palestinien, la situation est vécue comme une injustice permanente. Les décennies d’occupation, les restrictions de circulation, l’absence de perspectives économiques et la multiplication des colonies israéliennes nourrissent un profond sentiment de frustration. Beaucoup de Palestiniens considèrent que leur droit élémentaire à l’autodétermination leur est refusé, et que le processus de paix n’a jamais abouti à des améliorations concrètes de leur vie quotidienne. Pour eux, la création d’un État indépendant reste une revendication vitale, perçue comme la seule issue à une histoire marquée par l’humiliation et la marginalisation
Le pape Léon XIV, en rappelant ce principe, veut lancer un double message. D’un côté, il affirme la continuité du Saint-Siège avec la communauté internationale, qui considère la coexistence de deux États comme la seule voie crédible. De l’autre, il en appelle à la responsabilité : la paix ne pourra pas naître d’une guerre permanente ni de simples déclarations de principe. Elle suppose que chaque camp réponde aux besoins fondamentaux de l’autre : pour Israël, la sécurité et la reconnaissance ; pour les Palestiniens, la justice et le droit de vivre librement sur leur terre.
Il reste que cette « solution à deux États », si souvent évoquée, paraît aujourd’hui lointaine. Les violences répétées, la méfiance accumulée et l’absence de volonté politique des deux côtés rendent tout compromis difficile. Certains se demandent même si la guerre à outrance, dans son absurdité, ne finira pas par créer les conditions d’une paix plus solide, lorsque la lassitude des peuples deviendra plus forte que la haine.En ramenant ce principe au premier plan, Léon XIV ne prétend pas imposer une solution, mais rappeler une exigence morale : la paix est impossible si chacun refuse de reconnaître le droit fondamental de l’autre à exister. C’est sur cet équilibre fragile que repose l’avenir de la région. Et en redonnant de la force à une formule que certains jugeaient dépassée, le pape choisit de ne pas se résigner au fatalisme de la guerre. Retenons cependant la parole du cardinal Pizzaballa qui précise qu’il ne faut pas « perdre trop de temps avec la politique mais plutôt miser sur la société civile » ...et sur les hommes de bonne volonté.