L’annonce, faite le 24 septembre par le Bureau de presse du Vatican, a surpris. Le Saint-Siège a confirmé que le pape Léon XIV avait accepté la démission de Monseigneur Ciro Quispe Lopez, évêque prélat de Juli, au Pérou, qui avait pourtant encore vingt-quatre années devant lui avant d’atteindre l’âge canonique de la retraite fixé à soixante-quinze ans.Nommé en 2018 par le pape François, Monseigneur Ciro Quispe López avait la réputation d’un évêque jeune, intellectuel, formé à Rome, et promis à une carrière durable. Son départ précoce intrigue et interroge.
Depuis plusieurs mois, la presse péruvienne rapportait des accusations d’inconduites sexuelles avec des femmes et de mauvaise gestion financière. Certains fidèles dénonçaient également un usage abusif de biens ecclésiaux pour des intérêts particuliers.En parallèle, Mgr Quispe Lopez se trouvait en conflit avec les autorités locales à propos de la gestion de deux églises historiques du XVIe siècle, Notre-Dame de l’Assomption et Saint-Jean-de-Latran, restaurés par le ministère de la Culture et transformés en musées. L’évêque réclamait leur retour à l’usage ecclésial.Le prélat a toujours nié les accusations, évoquant en 2024 des « mains obscures » derrière ce qu’il considérait comme une campagne contre lui.
Dès 2024, le pape François avait ordonné une visite apostolique dans le diocèse de Juli, confiée à Monseigneur Marco Antonio Cortez, évêque de Tacna et Moquegua.
L’objectif était de vérifier les informations diffusées dans les médias. Mais les résultats de cette enquête n’ont jamais été rendus publics, laissant planer le doute sur la solidité des accusations et sur la véritable cause de cette démission.
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Le dossier de Mgr Quispe Lopez a été ouvert par le pape François, mais c’est Léon XIV qui a dû prendre la décision finale. Cela place l’affaire au cœur des premières responsabilités de son pontificat. En acceptant la démission, Léon XIV montre qu’il n’hésite pas à agir rapidement face à des accusations, même si celles-ci n’ont pas été confirmées publiquement. Mais en ne publiant pas les résultats de l’enquête et en se contentant d’un communiqué laconique, il donne l’impression d’un manque de transparence, ce qui pourrait fragiliser sa promesse de réforme.Léon XIV, élu récemment, hérite d’une Église marquée par les scandales d’abus et de gouvernance. Sa manière de gérer cette première affaire sensible sera interprétée comme un signe de son style de gouvernement. S’il veut être perçu comme un réformateur, il devra donner des gages de transparence et d’explications, afin d’éviter l’impression d’un simple déplacement de problème. Mais s’il choisit la discrétion et le silence, il risque d’être accusé de perpétuer la culture du secret qui a tant entaché l’image de l’Église.e
Précisons que le dossier touche aussi à la biographie personnelle de Léon XIV, qui fut évêque au Pérou avant son élection. Cela donne à cette affaire une dimension particulière. Le pape connaît bien le pays et ses réalités, ce qui peut renforcer la crédibilité de sa décision, mais aussi susciter des soupçons de proximité ou de partialité.
La prélature de Juli, érigée en 1957, se situe au bord du lac Titicaca, dans le département de Puno. Haut lieu de l’évangélisation jésuite au XVIe siècle, Juli reste une région isolée et difficile d’accès, mais à forte symbolique missionnaire. La vacance actuelle du siège, laissée par Mgr Quispe Lopez , fragilise cette communauté locale qui attend désormais un nouveau pasteur.Cette affaire soulève donc une interrogation centrale : la démission de Mgr Quispe Lopez est-elle le signe d’une « tolérance zéro » assumée par le nouveau pape, ou bien un règlement discret d’un dossier embarrassant ?Dans les prochains mois, la manière dont Léon XIV expliquera, ou non, sa décision marquera profondément la perception de son pontificat. Entre rigueur, transparence et prudence institutionnelle, cette première affaire sensible pourrait bien définir le style de gouvernement qu’il entend incarner.