La décision du cardinal Blase Cupich, archevêque de Chicago depuis 2014, de remettre un prix au sénateur démocrate Dick Durbin suscite de vives réactions. Le 3 novembre prochain, dans le cadre d’un événement caritatif intitulé Keep Home Alive – Light in the Darkness, le sénateur recevra une distinction censée saluer son action en faveur des migrants et de la dignité humaine.Le problème est que Dick Durbin est également l’un des plus ardents soutiens de la cause pro-avortement au Congrès américain. Il s’est même opposé à des projets de loi destinés à protéger les enfants survivant à une tentative d’avortement. Déjà en 2004, son évêque d’origine, Mgr Thomas Paprocki, l’avait publiquement invité à ne pas recevoir la communion à cause de ses positions. Aujourd’hui encore, Mgr Paprocki se dit « choqué » par la décision du cardinal Cupich, une réaction partagée par de nombreux fidèles.
Pour justifier son choix, le cardinal Cupich invoque une « éthique cohérente de la vie », expliquant que l’enseignement catholique sur la dignité ne peut être réduit à une seule question, même aussi grave que l’avortement.
Mais en distinguant le sénateur uniquement pour son engagement sur l’immigration, cette « cohérence » semble, pour beaucoup, mise à mal. Car si l’Église appelle à défendre la dignité de tout être humain, du migrant au malade, cette défense ne peut contourner la question première du respect de la vie des enfants à naître.
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Mais cette ette décision prend aussi une dimension institutionnelle. Le cardinal Cupich, âgé de 76 ans, a déjà présenté sa démission au pape, comme le prévoit le droit canon à 75 ans. Mais c’est au pape qu’il revient d’accepter ou non cette démission. Dans le climat actuel, certains estiment que l’acceptation rapide de cette retraite pourrait contribuer à apaiser les tensions et à clarifier le témoignage public de l’Église américaine sur la défense de toute vie humaine, de l’enfant conçu jusqu’au migrant en quête de refuge.Blase Cupich est une figure influente du catholicisme américain. Nommé évêque de Rapid City en 1998, puis de Spokane en 2010, il est appelé à Chicago en 2014 par le pape François, qui le crée cardinal deux ans plus tard. Connu pour ses positions jugées progressistes, il a souvent privilégié une approche dite pastorale du dialogue, parfois au prix de polémiques sur les questions bioéthiques. Sa volonté de mettre en avant le dossier migratoire comme priorité pastorale a marqué son ministère, mais son choix d’honorer un élu aussi directement associé à la promotion de l’avortement apparaît, aux yeux de nombreux catholiques, comme une contradiction difficile à comprendre.
L’affaire révèle une fracture profonde dans l’Église américaine : comment concilier la défense intégrale de la vie avec les engagements politiques partiels des élus catholiques ? Comment rester fidèle aux principes non négociables, rappelés par Jean-Paul II et Benoît XVI, tout en maintenant un dialogue pastoral avec le monde politique ? La décision du cardinal Cupich semble brouiller ce message, donnant l’impression qu’un engagement humanitaire peut compenser un soutien actif à l’avortement.Or, la cohérence de l’Évangile de la vie repose sur une hiérarchie claire des valeurs : la défense de la vie innocente et sans défense constitue le fondement de toute autre défense de la dignité humaine. Sans cela, la cohérence invoquée devient une contradiction, et l’Église risque de perdre en clarté et en crédibilité. Beaucoup de fidèles, désorientés, attendent désormais du pape Léon XIV une parole forte et éclairante sur cette controverse.