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Mossoul, cité martyre : le cardinal Sako alerte sur la disparition imminente des chrétiens d’Irak

Le cardinal Louis Raphaël Ier - DR
Le cardinal Louis Raphaël Ier - DR
« Nous sommes la population originaire de ce territoire », a rappelé le patriarche Sako, soulignant que l’hémorragie actuelle équivaut à un effacement progressif de l’identité chrétienne mésopotamienne

Autrefois symbole d’un riche tissu multiethnique et religieux, la ville de Mossoul comptait plus de 50 000 chrétiens. Aujourd’hui, moins de 70 familles demeurent dans cette métropole du nord de l’Irak, meurtrie par des décennies de violences, d’exodes et de persécutions. Dans l’ensemble du pays, les chrétiens, qui représentaient autrefois plus d’un million d’âmes, ne sont plus que 500 000. C’est ce constat alarmant qu’a dressé le cardinal Louis Raphael Sako, patriarche de l’Église chaldéenne, lors d’un discours prononcé le 24 septembre à Vienne devant diplomates et responsables politiques autrichiens.

Les chrétiens d’Irak sont les héritiers d’une tradition enracinée dès les premiers siècles. À Ninive et Mossoul, des monastères, des bibliothèques et des écoles rappelaient la vitalité de cette présence. L’Église chaldéenne, en communion avec Rome, mais aussi les Églises syriaques, arméniennes ou assyriennes, constituaient un maillage vivant, pilier de la culture et de l’éducation. Aujourd’hui, cette mémoire semble vouée à disparaître.

« Nous sommes la population originaire de ce territoire », a rappelé le patriarche Sako, soulignant que l’hémorragie actuelle équivaut à un effacement progressif de l’identité chrétienne mésopotamienne.

Depuis 2003, les chrétiens subissent un enchaînement de drames : guerres, conflits sectaires, montée d’Al-Qaïda, violences de Daech, discriminations dans l’emploi, spoliations de biens. La loi sur le statut personnel, marquée par l’islamisation forcée des mineurs, accentue encore leur fragilité. « Une milice fondée en 2014 prétend représenter les chrétiens, mais cela est faux », a dénoncé le cardinal Sako, montrant que la confusion politique ajoute à l’insécurité. Résultat : l’exode s’accélère vers le Liban, la Jordanie, la Turquie et l’Occident, laissant des villages vidés de leur population.

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Le patriarche a dressé une feuille de route pour sauver ce qui peut encore l’être. Il appelle à garantir une protection réelle des communautés chrétiennes de la plaine de Ninive, en collaboration avec la police fédérale et non avec des milices, à restaurer les propriétés pillées et indemniser les pertes subies, et à créer un environnement favorable avec des incitations économiques pour encourager le retour des familles réfugiées dans les pays voisins.

Ces mesures, selon lui, représentent la condition minimale pour éviter que le christianisme ne disparaisse définitivement d’Irak.Au-delà de l’urgence, le cardinal Sako appelle à une refondation politique. « Il faut développer un pays où la loi protège chaque citoyen indépendamment de son appartenance religieuse », a-t-il déclaré, plaidant pour une Constitution laïque fondée sur l’égalité et la citoyenneté. Dans un pays encore dominé par les logiques tribales et sectaires, cet appel résonne comme un manifeste pour une Irak réconciliée, capable de préserver sa diversité.Dans les rues reconstruites de Qaraqosh, une mère confie : « Nos enfants n’ont plus d’avenir ici, mais quitter l’Irak serait trahir nos ancêtres ». À Bartella, un prêtre raconte que son église, brûlée par Daech, a été rebâtie pierre par pierre, « mais il manque le peuple ». Ces voix traduisent à la fois la douleur et la fidélité de chrétiens qui veulent encore croire à un renouveau.

Rappelons que Louis Raphaël Ier Sako, né en 1948 à Zakho dans le nord de l’Irak, est patriarche de l’Église catholique chaldéenne depuis 2013 et cardinal depuis 2018. Ordonné prêtre en 1974, il a été archevêque de Kirkouk avant d’être élu à la tête de son Église, succédant au cardinal Emmanuel III Delly. Connu pour son engagement en faveur du dialogue interreligieux, il a toujours défendu la coexistence pacifique entre chrétiens et musulmans et plaidé pour une « laïcité positive » respectueuse des religions. Auteur de plusieurs ouvrages et lauréat de prix internationaux, il est une voix incontournable dans la défense des chrétiens d’Irak, confrontés à l’exil et à la persécution. Figure de référence au Moyen-Orient, il participe aussi activement aux synodes et aux débats de l’Église universelle.

Le cri du patriarche de Babylone des Chaldéens résonne donc comme un avertissement prophétique : sans mesures rapides, le christianisme mésopotamien, enraciné depuis près de deux millénaires, risque de disparaître. Mossoul, jadis cité vibrante de culture chrétienne, est devenue le symbole d’un exode tragique, mais aussi d’une résistance fragile, portée par des familles qui refusent d’abandonner la terre de leurs pères.

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