Le 3 octobre dernier, la Communion anglicane a franchi une étape symbolique et tragique dans sa dérive théologique, la nomination de Sarah Mullally, mariée, mère de deux enfants, ancienne infirmière, comme archevêque de Cantorbéry, c’est-à-dire primat d’Angleterre et chef spirituel de l’Église anglicane. Deux siècles jour pour jour après l’ordination sacerdotale de saint John Henry Newman dans cette même Église, celle-ci consacre désormais une femme à sa plus haute charge ecclésiale. Ironie de l’histoire, ou plutôt signe éclatant de la Providence, le prophète que Dieu avait envoyé jadis à cette communauté pour l’avertir de son éloignement de la Tradition a été rejeté, et son avertissement s’accomplit sous nos yeux.
Newman, que le pape Léon XIV proclamera docteur de l’Église le 1er novembre prochain, avait tenté, au XIXᵉ siècle, de ramener le monde anglican vers le port sûr de la foi apostolique. Il voyait déjà se lever à l’horizon le spectre d’un christianisme libéral, livré à l’esprit du siècle.
Aujourd’hui, le naufrage est consommé. Ce n’est pas seulement une femme qui occupe le siège de Cantorbéry, mais un symbole d’Église entièrement reconstruite selon les catégories du monde, ordination des femmes, bénédictions homosexuelles, divorce, tolérance vis-à-vis de l’euthanasie et de l’avortement, tout cela couronné d’un vernis de compassion et d’inclusion. Le programme officiel Living in Love and Faith (« Vivre dans l’amour et la foi »), dirigé par Sarah Mullally elle-même, en fut la matrice doctrinale.
Ce que Newman appelait « la trahison de la Tradition » s’est transformé en système
Sous prétexte de liberté spirituelle, l’Église anglicane a coupé le lien vital qui la reliait aux Pères de l’Église, pour se soumettre désormais aux modes politiques et aux idéologies contemporaines. La nouvelle primate n’est pas la cause mais le fruit de cette longue capitulation. L’Église anglicane n’a pas manqué de montrer au monde sa décadence, et c’est avec une certaine fierté qu’elle expose désormais cette décomposition comme un modèle de progrès. Ce qui fut jadis la maison d’une foi exigeante et d’une liturgie majestueuse est devenu un laboratoire de l’auto-dissolution chrétienne.
Le drame serait purement britannique s’il ne trouvait pas aujourd’hui des échos au sein même du catholicisme, car des voix, y compris dans les plus hautes sphères de la hiérarchie, reprennent les mêmes slogans, inclusion, égalité, réforme, ouverture. Les Synodes sous le pontificat de François ont déjà entrouvert la porte à des pratiques contraires à la Doctrine de l’Eglise, communion des divorcés remariés, bénédictions de couples homosexuels, débats récurrents sur le célibat sacerdotal et le diaconat féminin, et participation des laïcs au vote synodal, innovation qui rapproche dangereusement la structure catholique du modèle anglican à trois chambres, évêques, clergé et laïcs. Si Rome persiste à confondre la miséricorde avec la compromission, elle pourrait bien, à son tour, suivre la pente du naufrage anglican.
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La leçon de Newman, plus actuelle que jamais, résonne comme un appel : « Là où est la Tradition, là est l’Église. » Contre les vents du monde et les séductions d’un progressisme religieux qui se veut moderne, la fidélité à la foi des Pères demeure le seul refuge sûr.
L’histoire de l’anglicanisme, qui a préféré l’applaudissement du monde à la fidélité à l’Évangile, est un avertissement prophétique.
Car ce qui fut jadis une Église florissante, enracinée dans la prière et la beauté liturgique, s’est peu à peu changée en vitrine de la confusion, et aujourd’hui, à travers la figure d’une « papesse » de Cantorbéry, le monde contemple, non pas un triomphe de l’égalité, mais le visage nu d’une Église qui s’efface.Cette nomination retentissante doit être lue comme un signal d’alarme adressé à Rome, elle rappelle ce qui advient lorsqu’une communauté chrétienne se laisse séduire par le mirage idéologique de l’égalité absolue entre l’homme et la femme jusque dans les ministères sacerdotaux. Ce poison, déjà à l’œuvre dans certaines sphères ecclésiales catholiques, perfuse lentement la foi en substituant à la complémentarité voulue par Dieu une logique de rivalité et de revendication. Sous couvert de justice ou de reconnaissance, c’est la différence sacrée des sexes, inscrite dans la création et confirmée par la Révélation, qui se trouve effacée.
La « papesse » de Cantorbéry n’est donc pas seulement le symptôme d’un anglicanisme en ruine, elle est un avertissement adressé à ceux qui, dans l’Église catholique, rêvent d’un sacerdoce féminin ou d’une Église remodelée selon les critères du monde. L’histoire récente prouve qu’un tel chemin ne conduit pas à la vie, mais à la désagrégation spirituelle.