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« Ça évite de mettre une sonnerie religieuse » : quand la mélodie de la cloche est remplacée par Star Wars

Cloches de l'église d'Arvigna - DR
Cloches de l'église d'Arvigna - DR
Cette fausse bonne idée que certains trouvent « original » ou « amusant », interroge profondément sur la place du sacré dans nos villages et sur l'idée que certains élus se font du respect de la liberté religieuse en France

Dans le village d’Arvigna, en Ariège, les habitants n’entendent plus l’angélus ni le glas. À la place, trois notes de Star Wars résonnent chaque jour à 13 h 30 depuis le clocher de l’église Saint-Vincent-et-Saint-Martial. Une initiative voulue par le maire, Maxime Roubichou, pour « faire revivre l’esprit du village » et, selon ses propres mots, « éviter de mettre une sonnerie religieuse »a t-il confié à La Dépêche.

L’église du village d’Arvigna, dédiée à Saint Vincent et Saint Martial, se dresse à l’écart du bourg, sur un replat de colline, à quelques centaines de mètres de la motte féodale de l’ancien château cathare. Datée du XIVe siècle, cette église a traversé les âges, témoin silencieux de la foi des générations passées. À l’intérieur, trois tableaux anciens ornent le chœur, évoquant la Passion du Christ et la fidélité des saints patrons. Mais l’église ne se limite pas à son architecture ou à ses œuvres d’art : tout autour s’étend le petit cimetière paroissial, où reposent les familles du village. Ce lieu de prière et de mémoire, empreint de recueillement, souffre aujourd’hui d’un voisinage sonore inattendu. Car le son des cloches de l’univers de Star Wars vient troubler la paix des lieux, dérangeant non seulement le silence des fidèles mais aussi celui des morts. Une situation qui interroge le respect dû à ces espaces sacrés, où la mémoire des anciens mérite le calme et la dignité qu’impose la foi chrétienne.

Cette fausse bonne idée que certains trouvent « original » ou « amusant », interroge également sur l’idée que certains élus se font du respect de la liberté religieuse en France et particulièrement de la foi chrétienne. L’église, cœur spirituel d’Arvigna, est ici réduite à un objet décoratif, un simple support sonore au service d’un folklore profane. Ce qui fut jadis le signe du temps de Dieu dans la journée, la cloche appelant à la prière, marquant les offices, rappelant la mort et la résurrection du Christ, devient désormais un jingle touristique.La tradition catholique a toujours reconnu aux cloches une fonction sacrée. Dès leur bénédiction, elles sont consacrées à Dieu. Le Rituel Romain prévoit une prière pour qu’elles « appellent les fidèles à la foi et chassent les puissances des ténèbres ».

Le geste liturgique de leur bénédiction, parfois appelé « baptême des cloches », symbolise leur intégration à la vie spirituelle du peuple chrétien. Elles portent souvent le nom d’un saint, d’un apôtre ou de la Vierge, rappelant que leur voix est celle d’une communauté croyante.

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Dans la plupart des villages de France, ces cloches rythmaient autrefois les journées, l’angélus du matin, celui de midi, puis celui du soir. Trois fois par jour, la sonnerie appelait les fidèles à méditer le mystère de l’Incarnation. Elle marquait aussi les baptêmes, les mariages et les funérailles, inscrivant la vie humaine dans le cycle liturgique. En supprimant ces repères spirituels au profit d’une mélodie de cinéma, on ne modifie pas seulement un son, on change la signification du lieu.

« Ça fait revivre l’esprit du village », affirme le maire. Mais de quel esprit s’agit-il ? Celui de la communion chrétienne, ou celui de la culture populaire détachée de toute référence au divin ? L’air de La marche impériale, musique associée à l’Empire galactique de Star Wars, ne saurait incarner l’identité d’une église dédiée à saint Vincent et saint Martial, saints évangélisateurs du Sud-Ouest de la France. À travers ce choix, c’est une substitution de symboles qui s’opère, à la mémoire spirituelle d’un peuple se substitue une culture du divertissement, légère et sans transcendance.Il ne s’agit pas ici de condamner la créativité ou l’attachement du maire à la convivialité locale, mais de rappeler que l’église n’est pas une salle municipale ni une salle de concert. Le clocher appartient au patrimoine religieux de la France, et les cloches, même entretenues par la commune, conservent une vocation cultuelle. Les détourner de leur usage spirituel, c’est porter atteinte à un héritage immatériel séculaire, celui qui relie les villages à leur foi, à leurs morts et à leur histoire.

Dans un pays où tant d’églises rurales ferment faute de fidèles, cette initiative illustre une sécularisation avancée, on ne prie plus, mais on divertit, on ne célèbre plus Dieu, mais la nostalgie du passé. Les cloches, jadis symbole de l’unité entre le Ciel et la Terre, deviennent le jouet sonore d’une modernité qui ne sait plus prier. Restaurer un clocher, ce n’est pas seulement le faire sonner, c’est lui redonner sa voix propre, celle qui parle de Dieu et qui rappelle que la beauté du monde trouve son sens dans le sacré.

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