Depuis 2000 ans

Notre-Dame de l’Assomption sort de l’oubli, une renaissance spirituelle au cœur du Périgord

DR
DR
En Dordogne, au bord du parc du château Magne, l’ancienne église paroissiale Notre-Dame de l’Assomption, bâtie au XVe siècle, renaît lentement après des décennies d’abandon

Derrière les pierres rongées par le lierre, c’est toute la mémoire religieuse du Périgord central qui reprend souffle.À quelques centaines de mètres du centre de Trélissac, dissimulée derrière une épaisse végétation, l’église Notre-Dame de l’Assomption semblait condamnée à l’oubli. Son clocher s’était effondré, ses voûtes menaçaient ruine, et les ronces avaient envahi la nef. Beaucoup croyaient qu’il ne s’agissait que d’une petite chapelle isolée. Mais depuis quelques mois, un vaste chantier a redonné vie à cet édifice du XVe siècle, d’une étonnante beauté gothique flamboyante.

« On pensait que c’était une petite chapelle un peu perdue, alors que nous sommes en fait face à une vraie église », confie Patrick Palem, délégué départemental de la Fondation du Patrimoine. Entre émotion et admiration, il décrit des colonnes torsadées uniques en Dordogne et un enfeu gothique d’une très belle qualité. Sous la mousse et la poussière, c’est une histoire de foi qui ressurgit, patiente et silencieuse.

La paroisse de Trélissac est mentionnée dès 1293 dans une sentence arbitrale, et citée régulièrement à partir de 1297. Elle dépendait de l’archiprêtré de la Quinte, qui comprenait alors trente-huit paroisses, et était desservie par un curé nommé par le chapitre de la collégiale Saint-Front de Périgueux. La première église, dédiée à saint Eumache, aurait été détruite durant les conflits du XIVe siècle, probablement pendant la guerre de Cent Ans, lorsque les troupes du comte de Périgord transformèrent les sanctuaires en postes fortifiés. Profanée et ruinée, elle ne put être relevée. Au début du XVe siècle, une nouvelle église est donc bâtie : Notre-Dame de l’Assomption. Son plan, d’une élégante simplicité, reflète la foi du Périgord d’alors — solide, enracinée, tournée vers la Vierge Marie.

Mais là encore, l’histoire n’épargne pas le sanctuaire. En 1652, durant la Fronde, les troupes du marquis de Sauvebœuf s’y retranchent une nuit pour échapper aux forces royales. La pierre, pourtant destinée à la prière, devient forteresse. Puis, au fil des siècles, les réparations se succèdent : une cloche bénie en 1767, remplacée en 1807, et enfin les grandes restaurations du XIXe siècle.Entre 1860 et 1863, l’architecte diocésain Paul Abadie, futur bâtisseur de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, dirige la restauration de l’église. Il rehausse le clocher, remanie les ouvertures et redonne à la façade son allure élancée. Mais le destin du lieu bascule en 1869 : la commune échange l’église contre une nouvelle, que le ministre Alfred Magne s’engage à construire dans le bourg afin d’agrandir son domaine. La nouvelle église paroissiale, dessinée par Auguste Dubet, est consacrée en 1872. L’ancienne, quant à elle, tombe lentement dans le silence. Privée de culte, Notre-Dame de l’Assomption est livrée à la nature. Son clocher-porche s’effondre, les chapelles se dégradent. Pendant plus d’un siècle, personne ne s’en approche.

Lire aussi

Décrite en détail par le chanoine Brugière, l’église mesurait trente et un mètres de long sur douze de large. Le chœur, de forme octogonale, présentait trois belles croisées à meneaux encadrées de colonnes torsadées. Les voûtes à nervures étaient ornées de trois clefs sculptées : un évêque mitré, un soleil rayonnant et le monogramme du Christ. Six chapelles latérales rythmaient la nef : Notre-Dame de l’Enfance, Saint-Capraise, Sainte-Radegonde, Saint-Roch, Saint-Cosme et la chapelle des Augustins de Périgueux. Des gargouilles à personnages et plusieurs chapiteaux sculptés complétaient cet ensemble d’une richesse spirituelle et artistique remarquable. Aujourd’hui encore, malgré l’usure, l’élégance de la pierre témoigne de la ferveur des bâtisseurs.

Classée Monument historique le 3 décembre 2004, l’église fut rachetée par la commune de Trélissac en 2009 pour un euro symbolique. En 2021, une association pour la sauvegarde du patrimoine est fondée afin de coordonner les efforts de restauration, avec le soutien actif de la municipalité. En avril 2024, Notre-Dame de l’Assomption est désignée lauréate de la collecte nationale de la Fondation du Patrimoine pour les édifices religieux en péril. Les dons atteignent vingt-trois mille euros, auxquels s’ajoutent cinquante-cinq mille euros de mécénat et quatre-vingt-huit mille euros de subvention de la DRAC. En juillet 2025, dix mille euros supplémentaires sont attribués pour les travaux de maçonnerie, de charpente et de couverture.

Depuis septembre 2025, le chantier est entré dans sa première phase concrète. Les maçons, charpentiers et couvreurs mandatés par la commune travaillent à dégager la végétation, à consolider les voûtes et à poser une toiture provisoire destinée à protéger les murs du ruissellement.

Le maître d’ouvrage est la mairie de Trélissac, accompagnée par l’association locale de sauvegarde du patrimoine et soutenue par la Fondation du Patrimoine, l’État via la DRAC et la Sauvegarde de l’Art Français. L’ensemble des travaux est évalué à un million et demi d’euros et s’étalera sur plusieurs années.Pour David Barbieri, directeur des services techniques de la commune, la priorité est de sauver la structure avant d’envisager une restauration intérieure. « Sécuriser l’édifice, empêcher la pierre de mourir », résume-t-il. Mais au-delà du chantier, c’est une œuvre de mémoire qui s’accomplit. Restaurer une église, c’est redonner voix à des siècles de prière et de silence.Alors que tant d’églises de France tombent dans l’oubli, la renaissance de Notre-Dame de l’Assomption est un signe d’espérance. Sous ses voûtes restaurées, c’est toute une part de la foi périgourdine qui retrouve sa place. Et si, un jour, la cloche sonnait de nouveau dans la vallée du Magne, ce ne serait pas seulement la pierre qui résonnerait, mais la mémoire chrétienne d’un pays tout entier.

Recevez chaque jour notre newsletter !

RESTEZ CONNECTÉS !

Suivez l’actualité quotidienne des chrétiens en France et dans le monde

Rejoignez nos 60 000 abonnés : inscrivez ci-dessous votre adresse mail et recevez notre newsletter tous les jours, c’est gratuit !