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En Arménie un prêtre trahit l’Église pour le Premier ministre

Le père Aram Asatrian - DR
Le père Aram Asatrian - DR
« Je continuerai à servir mon peuple à Hovanavank. Oui, je soutiendrai le Premier ministre arménien »

L’Arménie, premier pays chrétien de l’histoire, traverse une crise d’une gravité inédite. Le mardi 21 octobre, le père Aram Asatrian, moine du monastère de Hovanavank, a été défroqué par le catholicos Karekin II, chef suprême de l’Église apostolique arménienne. Sa faute : avoir rompu son serment d’obéissance et prêté allégeance publique au Premier ministre Nikol Pachinian, en pleine offensive du pouvoir civil contre le patriarcat d’Etchmiadzin.

Depuis plusieurs mois, le gouvernement de Nikol Pachinian mène une campagne de déstabilisation contre le catholicos Karekin II. Sous prétexte de lutte contre la corruption, le pouvoir s’en prend à des membres du clergé jugés trop proches de l’opposition. Le 15 octobre, treize prêtres ont été arrêtés, dont l’évêque Mkrtich Prochian, primat du diocèse d’Aragatsotn. Tous sont accusés sur la base de témoignages fournis par le père Asatrian lui-même. Sous pression, ce dernier a reconnu avoir collaboré avec les enquêteurs, affirmant qu’on lui avait ordonné de taire ce rôle. Dans les milieux ecclésiastiques, son nom est désormais associé à celui de Judas.

Face au scandale, le Saint-Siège d’Etchmiadzin a agi avec fermeté. Le père Asatrian, déclaré coupable d’avoir rompu le pacte d’obéissance et d’avoir discrédité l’Église, a été défroqué par décision de Karekin II lui-même. Cette sanction canonique, grave mais légitime, rappelle que nul prêtre ne peut servir deux maîtres, Dieu et le pouvoir. Asatrian, lui, rejette la décision : « Je continuerai à servir mon peuple à Hovanavank. Oui, je soutiendrai le Premier ministre arménien », a-t-il déclaré, alors que la police protège désormais le monastère.

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L’attitude de Nikol Pachinian a choqué jusqu’aux milieux laïcs. Non content de défendre le prêtre défroqué, il a annoncé qu’il assisterait personnellement à la messe que ce dernier compte célébrer dimanche, une provocation ouverte envers le patriarche. Ce geste symbolique traduit une volonté de soumettre le religieux au politique, d’imposer une foi d’État docile au gouvernement. Les partisans du catholicos y voient un danger historique : celui de voir César s’arroger le droit de bénir, comme aux heures sombres du contrôle soviétique sur les Églises.

Dans un discours prononcé ce week-end, le catholicos Karekin II a exhorté les fidèles à ne pas céder à la peur : « L’Église ne se laissera pas intimider par les actions anti-ecclésiastiques des autorités. Restez fermes. » Le patriarche, menacé d’arrestation, incarne aujourd’hui la résistance spirituelle d’un peuple chrétien face à un pouvoir politique en quête de domination totale. Ses soutiens rappellent que c’est l’Église apostolique qui, depuis plus de dix-sept siècles, a protégé l’identité arménienne dans les épreuves, des invasions perses jusqu’au génocide de 1915.L’affaire Asatrian révèle une dérive profonde : celle d’un État qui s’arroge le droit d’intervenir dans le sacré. En soutenant un prêtre défroqué contre l’autorité du patriarche, le Premier ministre Nikol Pachinian ouvre une brèche dangereuse, où la politique prétend régner sur la foi. Dans une Arménie meurtrie par la guerre et l’exil du Haut-Karabakh, ce conflit entre le trône et l’autel dépasse la question d’un homme : c’est le combat pour la liberté spirituelle d’un peuple chrétien qui se joue.

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