A l’occasion du XVIIe Congrès National Missionnaire du Mexique, tenu à Puebla de los Ángeles, le Saint-Père exhorte l’Église à redevenir « la femme qui pétrit la levure », c’est-à-dire une Église capable d’intégrer la foi dans les cultures et d’y faire lever la grâce du Christ, lentement mais puissamment.
Le pape Léon XIV rend ainsi hommage à la générosité des missionnaires et des fidèles qui soutiennent l’évangélisation par la prière, les sacrifices et le service. Il rappelle que le cœur de la mission n’est pas la conquête, mais la transformation intérieure, le plus grand privilège et le plus grand devoir de l’Église est de porter le Christ au cœur de chaque personne.Reprenant la parabole du levain, le pape montre que l’évangélisation agit comme un ferment discret mais irrésistible. Il cite saint Jérôme et saint Jean Chrysostome pour rappeler que la foi n’écrase pas les cultures, mais les transforme de l’intérieur : « Le levain, enfoui, ne se détruit pas, mais change tout à sa propre condition. »
Le Saint-Père souligne ensuite comment cette vérité s’est incarnée dans l’histoire du Mexique, les premiers missionnaires, porteurs du dépôt de la foi, ont su unir ce trésor à la richesse humaine et culturelle du continent. Ainsi, dit-il, « l’Évangile n’effaça pas ce qu’il trouva, mais le transforma ». Une phrase essentielle, qui résonne aujourd’hui dans les débats sur l’inculturation et la fidélité à la Tradition, car pour Léon XIV, la mission n’est pas un syncrétisme, mais une transfiguration.
Le pape a ensuite rappelé l’apparition de la Vierge de Guadalupe : « Mère du vrai Dieu pour qui l’on vit ». Elle incarne pour lui le modèle parfait d’une Église qui s’incarne dans la culture des peuples sans renier sa source divine. En citant le récit de Cana, « Faites tout ce qu’il vous dira », Léon XIV voit dans Guadalupe le cœur marial de la mission, un signe de proximité et de douceur maternelle. C’est par cette docilité à Marie que les peuples ont accueilli le Christ.
Au centre de ce message, le pape met en lumière la figure du bienheureux Juan de Palafox y Mendoza, évêque, réformateur et missionnaire. Léon XIV, qui avait lui-même visité Puebla lorsqu’il était prieur général des Augustins, évoque avec émotion le souvenir encore vivant de ce pasteur exemplaire. Et c’est ici qu’il prononce la phrase la plus forte du message :
« Le véritable missionnaire ne domine pas, mais aime, n’impose pas, mais sert, et n’instrumentalise pas la foi pour obtenir des avantages personnels, ni matériels, ni de pouvoir, ni de prestige, mais distribue la foi comme on partage le pain. »
Cette affirmation résume à elle seule toute la vision du pontificat de Léon XIV, une Église ferme dans la vérité, mais humble dans le service, une autorité vécue non comme domination, mais comme charité pastorale. Contre l’esprit de carrière ou d’idéologie, le pape propose l’exemple du pasteur qui se fait pain rompu pour son peuple.
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Léon XIV élargit également sa réflexion au contexte contemporain, il décrit notre époque comme une meule où se broient pauvreté, divisions sociales, défis technologiques et soif de paix. Ces réalités risquent d’être fermentées par « la mauvaise levure », celle de l’erreur ou du relativisme. Mais loin du pessimisme, il appelle à une action courageuse : « Le Seigneur vous appelle, vous, missionnaires d’aujourd’hui, à être les mains de l’Église qui introduisent le levain du Ressuscité dans la pâte de l’histoire. »
C’est un appel à retrousser ses manches, à ne pas se contenter de discours : « Il faut mettre les mains dans la pâte du monde ! » Ce réalisme spirituel rejoint les grandes intuitions de Benoît XVI sur la foi opérante dans la charité, la mission, pour Léon XIV, n’est pas une stratégie mais une manière de vivre l’Évangile au cœur du monde.Enfin, le pape a terminé son intervention en exprimant sa reconnaissance pour la vitalité missionnaire du peuple mexicain : « Je rends grâce pour vos efforts généreux et je vous encourage à être toujours des missionnaires selon son divin Cœur, pèlerins d’espérance et artisans de paix. » Le message se conclut sous le signe de Marie de Guadalupe, Étoile de l’évangélisation, dont la tendresse maternelle accompagne ceux qui travaillent à faire lever, encore aujourd’hui, la pâte du monde.
Message du Saint-Père aux participants au XVIIe Congrès National Missionnaire (6-9 novembre 2025)
Publié le 7 novembre 2025
« Message du Saint-Père
Chers frères et sœurs,
J’adresse mon salut cordial aux évêques, aux prêtres, aux consacrés et consacrées, ainsi qu’à vous, fidèles laïcs, réunis à Puebla de los Ángeles à l’occasion du XVIIe Congrès National Missionnaire du Mexique. Je me réjouis profondément de votre présence nombreuse à cet important événement, mais je suis encore plus ému de reconnaître en vous la générosité avec laquelle vous soutenez l’œuvre missionnaire de l’Église par la prière persévérante, les sacrifices consentis et le soutien spirituel et matériel que vous offrez. Ce faisant, vous collaborez à la grande tâche évangélisatrice de l’Église universelle, dont le plus grand privilège et le plus grand devoir est de porter le Christ au cœur de chaque personne.
À la lumière de cette mission commune, je souhaite évoquer une brève parabole, un seul verset, dans laquelle le Seigneur, par une image domestique, nous révèle la manière dont sa Parole se répand dans l’histoire : « Le Royaume des cieux est comparable à un peu de levain qu’une femme a pris et enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé » (Mt 13,33). Ce levain dont parle Jésus était différent des levures sèches ou industrielles que nous utilisons aujourd’hui pour cuire le pain. À cette époque, on conservait de petits morceaux de pâte fermentée des jours précédents, qui, en étant mélangés à de la farine et de l’eau nouvelles, faisaient fermenter l’ensemble.
Saint Jérôme identifie la femme de la parabole à l’Église elle-même, qui, avec patience, sait intégrer la foi dans l’histoire et dans les cultures des peuples, jusqu’à les transformer de l’intérieur (cf. Commentaire sur Matthieu II, ad 13,33). Saint Jean Chrysostome, pour sa part, commente que « le levain, enfoui, ne se détruit pas, mais change tout à sa propre condition » (Homélie sur Matthieu, XLVII, 2). Telle est la force du Christ, qui fait toutes choses nouvelles (cf. Ap 21,5).
Il en fut ainsi également au Mexique. Le levain de l’Évangile y arriva entre les mains de quelques missionnaires. C’étaient les mains de l’Église, qui commencèrent à pétrir le levain qu’elles portaient, le dépôt de la foi, avec la farine nouvelle d’un continent qui ne connaissait pas encore le nom du Christ. En s’unissant, commença alors le lent et admirable processus de fermentation. L’Évangile n’effaça pas ce qu’il trouva, mais le transforma. Toute l’extraordinaire richesse des habitants de ces terres, leurs langues, symboles, coutumes et espérances, fut pétrie avec la foi, jusqu’à ce que l’Évangile prenne racine dans leurs cœurs et fleurisse en œuvres de sainteté et de beauté uniques.
À cette aube de la foi, Dieu fit à l’Église un don de parfaite inculturation. Au Tepeyac, la Mère du vrai Dieu pour qui l’on vit apparut comme signe visible de l’amour avec lequel le Seigneur se fit proche des habitants de ces terres, et du témoignage croyant d’un peuple qui leva les yeux vers son Sauveur, décidé à accueillir l’invitation de Notre-Dame, comme à Cana, de faire tout ce qu’Il leur dirait (cf. Jn 2,5).
Le message de Guadalupe devint un élan missionnaire. Les premiers évangélisateurs, diocésains, franciscains, dominicains, augustins et jésuites, assumèrent fidèlement la tâche de faire ce que le Christ ordonnait. Là où ils prêchèrent, la foi prospéra, et avec elle la culture, l’éducation et la charité. Ainsi, peu à peu, la pâte continua de fermenter et l’Évangile devint un pain capable de nourrir la faim la plus profonde de ce peuple.Parmi ceux qui continuèrent à pétrir la foi dans ces terres, se distingue à Puebla la figure du bienheureux Juan de Palafox y Mendoza, pasteur et missionnaire qui comprit son ministère comme service et ferment. Je me souviens bien, lorsque je visitai Puebla comme Prieur général des Augustins, combien la figure du Bienheureux demeurait vivante dans la mémoire du peuple, sa paternité avait laissé une empreinte si profonde qu’on la perçoit encore aujourd’hui dans la foi simple des fidèles.
L’exemple de cet évêque modèle interpelle les pasteurs d’aujourd’hui, car il enseigne que gouverner, c’est servir, que former sérieusement, c’est évangéliser, et que toute autorité, lorsqu’elle s’exerce selon le critère du Christ, devient source de communion et d’espérance. Dans sa vie et ses écrits, Palafox nous montre que le véritable missionnaire ne domine pas, mais aime, n’impose pas, mais sert, et n’instrumentalise pas la foi pour en tirer des avantages personnels, ni matériels, ni de pouvoir, ni de prestige, mais distribue la foi comme on partage le pain.Notre temps se présente comme une meule où se broient ensemble les douleurs de la pauvreté, les divisions sociales, les défis des nouvelles technologies et les désirs sincères de paix, comme de nouvelles farines risquant d’être fermentées par le mauvais levain (cf. Mt 16,12). C’est pourquoi le Seigneur vous appelle, vous, missionnaires d’aujourd’hui, à être les mains de l’Église qui introduisent le levain du Ressuscité dans la pâte de l’histoire, afin que la foi et l’espérance fermentent à nouveau.
Il ne suffit pas de dire « Seigneur, Seigneur », mais il faut faire la volonté du Père (cf. Mt 7,21). Il faut être disposés à mettre les mains dans la pâte du monde. Il ne suffit pas de parler de la farine sans se salir les mains, il faut la toucher, comme le disait Chrysostome, se mêler à elle, laisser l’Évangile se fondre dans nos vies jusqu’à les transformer de l’intérieur (cf. ibid.). Ainsi grandira le Royaume, non par la force ni par le nombre, mais par la patience de ceux qui, avec foi et amour, continuent de pétrir avec Dieu.
Je sais que l’Église catholique au Mexique s’efforce de vivre pleinement cet appel du Christ, c’est pourquoi je rends grâce pour vos efforts généreux et je vous encourage à être toujours des missionnaires selon son divin Cœur, pèlerins d’espérance et artisans de paix. Que le Seigneur Jésus rende fécondes toutes vos initiatives et que Sainte Marie de Guadalupe, Étoile de l’évangélisation, vous accompagne toujours de sa tendresse maternelle, en vous indiquant le chemin qui conduit à Dieu. Avec affection, je vous donne de tout cœur ma bénédiction, vous assurant de ma prière et de ma proximité. Continuez à travailler avec fidélité, jusqu’à ce que « toute la pâte ait levé » (cf. Mt 13,33).
Vatican, le 3 novembre 2025, mémoire de saint Martin de Porrès.
LÉON PP. XIV » Source Vatican


