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11 novembre, le souvenir de sainte Thérèse de Lisieux au service des soldats

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En ce jour où la France commémore l’Armistice de 1918, l’Église se souvient de celle que les combattants de la Grande Guerre appelaient « leur petite sœur du Ciel »

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, morte en 1897 dans le silence du Carmel, fut pourtant présente au front d’une manière bouleversante. Sa douceur et son intercession ont accompagné les soldats au cœur du chaos, offrant à une Europe meurtrie le visage d’une paix surnaturelle.Le 11 novembre marque la fin d’un conflit qui fit des millions de morts et bouleversa à jamais l’Europe , mais ce jour de mémoire nationale résonne aussi, dans le cœur de nombreux croyants, comme un hommage à la carmélite de Lisieux dont la sainteté silencieuse traversa les tranchées. Morte à 24 ans, en 1897, Thérèse n’a pas connu la guerre. Pourtant, dès les premiers mois du conflit, son influence spirituelle se fit sentir parmi les soldats. Dans la boue et le feu, sous les bombardements, son image, glissée dans une poche ou cousue dans un uniforme, devint un signe d’espérance. Des milliers de lettres adressées au Carmel témoignent de cette présence invisible, les combattants confiaient leur vie à celle qui avait promis « de passer son ciel à faire du bien sur la terre ».

Les archives du Carmel de Lisieux conservent un volumineux courrier du front. Ces lettres, bouleversantes, racontent des sauvetages in extremis, des conversions au seuil de la mort, des paix intérieures retrouvées au cœur de l’enfer. Un jeune poilu écrivait : « C’est à votre petite sœur Thérèse que je dois la vie. Une balle a traversé ma capote sans me toucher. J’avais sur moi son image. »

Bannières offertes à Soeur Thérèse en remerciement pour son intervention lors de la 1ère guerre

Ces récits se comptent par centaines. Les soldats envoyaient aussi des ex-voto, des médailles militaires, des cartes postales et même des bannières portant l’inscription : “Reconnaissance à Thérèse de Lisieux”. Donner ainsi leurs décorations, symbole de courage et d’honneur, était un geste de foi rare, un dépouillement total, pour rendre gloire à Dieu à travers sa sainte.Thérèse avait confié à ses sœurs quelques mois avant sa mort : « Quand je serai au Ciel, que de grâces je demanderai pour vous ! Oh, je tourmenterai tant le bon Dieu que, s’il voulait d’abord me refuser, mon importunité Le forcerait à combler mes désirs. Cette histoire est dans l’Évangile. » (Derniers entretiens, mai 1897) Durant la Grande Guerre, cette promesse se réalisa de manière éclatante. Les soldats voyaient en elle une protectrice, une sœur et une confidente. Dans les tranchées, beaucoup gardaient sur eux Histoire d’une âme ou une simple image de Thérèse, convaincus que cette présence les protégeait.

Les témoignages conservés au Carmel et étudiés par l’historien Sébastien Vogt sont innombrables. Certains relatent des protections physiques, balles déviées, éclats d’obus arrêtés, survivances inexplicables. Un régiment alla jusqu’à surnommer un canon de 1,9 tonne “Batterie sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus” après qu’il eut roulé sur un soldat sans l’écraser.

D’autres récits évoquent des visions et des voix mystérieuses. Le capitaine Pierre Mestre, priant devant son image, entendit : « Tu seras blessé avant la fin du mois… mais d’autant moins que tu accepteras généreusement pour Dieu ce sacrifice. » Le sergent irlandais Mulqueen témoigna : « Alors que nous étions bombardés, j’entendis une voix douce me dire : “Prenez ma relique.” Je l’ai sortie de ma poche et, tandis que les obus éclataient autour de moi, je fus le seul à rester indemne. »

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D’autres soldats virent Thérèse apparaître dans le ciel. Le poilu Paul Dugast écrivit : « Je vis un nuage s’ouvrir et le visage de la sainte se détacher sur le ciel bleu. Ses yeux étaient levés vers Dieu. Depuis ce jour, je n’ai plus jamais eu peur. » Enfin, des témoins racontent des parfums surnaturels de roses, signe traditionnel de l’intercession de Thérèse. L’Italien Mario Ciliberti rapporte : « J’ouvris Histoire d’une âme et fus soudain enveloppé d’un parfum merveilleux. Pas une fleur autour de moi. J’ai compris que la petite sainte me visitait. »

Parmi les récits les plus saisissants figure celui rapporté par Louise Aillières, infirmière pendant la guerre : « Un jeune soldat de vingt-quatre ans, blessé et condamné par les médecins, guérit au neuvième jour d’une neuvaine à sœur Thérèse. » Mais l’un des miracles les plus marquants, reconnu par l’Église, eut lieu avant la guerre et servit de base à sa béatification, la guérison instantanée de Sœur Louise de Saint-Germain, carmélite atteinte de tuberculose intestinale. En 1906, après avoir prié Thérèse, elle se rétablit immédiatement. Ce prodige, examiné à Rome, fut considéré comme une confirmation divine de la mission céleste de Thérèse. Les interventions pendant la guerre, bien que plus nombreuses, confortèrent cette conviction, la petite Thérèse agissait réellement du Ciel, fidèle à sa promesse d’intercéder pour les âmes.

Sébastien Vogt a montré que la dévotion à sainte Thérèse fut un phénomène national, traversant les classes sociales et les frontières. Des officiers, des simples soldats, des infirmières, des prisonniers, tous priaient celle qu’ils appelaient “la petite sœur des Poilus”. Des suppliques furent même envoyées au pape pour hâter sa béatification, tant la ferveur populaire était grande. L’Église répondit à cet élan, Thérèse fut béatifiée en 1923, canonisée en 1925, puis proclamée patronne secondaire de la France en 1944 par Pie XII.Dans la France blessée et divisée d’alors, la foi simple des soldats se ralluma dans les tranchées. À travers Thérèse, ils retrouvaient la paix et le sens du sacrifice. Sa “petite voie”, l’amour dans les choses ordinaires et l’abandon à la volonté de Dieu, offrait une lumière dans les ténèbres. Dans un de ses poèmes, Thérèse écrivait :


« En souriant, je brave la mitraille,
Et dans tes bras, ô mon Époux divin,
En chantant je mourrai sur le champ de bataille,
Les armes à la main. »

Ces vers résonnaient comme un écho mystique aux combats des Poilus, le courage chrétien face à la mort, l’offrande silencieuse au Christ. Beaucoup témoignèrent qu’elle les avait aidés à mourir en paix, réconciliés avec Dieu.

Lorsque la paix revint, les anciens combattants affluèrent à Lisieux. Ils déposèrent sur la tombe de Thérèse leurs médailles, leurs croix de guerre, leurs uniformes déchirés. Les carmélites, bouleversées, parlaient de “l’armée spirituelle de Thérèse”. Certains racontaient que, sans elle, ils auraient perdu non seulement la vie, mais la foi. Le 29 avril 1923, l’Église reconnut solennellement la sainteté de celle qui, du Ciel, avait soutenu la France. Deux ans plus tard, sa canonisation fit de Lisieux un haut lieu de pèlerinage mondial.Aujourd’hui encore, des fidèles à travers le monde continuent de prier sainte Thérèse dans les moments d’épreuve. Des témoignages récents, semblables à ceux de la Grande Guerre, évoquent sa présence dans des situations périlleuses ou désespérées. Jean de Saint-Chéron, dans Éloge d’une guerrière (Grasset, 2023), souligne que Thérèse “mena la guerre sainte de l’amour” et qu’elle demeure “un modèle de combat spirituel dans un monde en perte d’espérance”.

Cette phrase, devenue emblématique, résume toute la mission de Thérèse. Elle l’a accomplie durant la guerre, et elle continue de le faire aujourd’hui. En ce 11 novembre, tandis que la France honore ses morts, le visage lumineux de la carmélite se dresse comme un signe d’espérance. Entre le soldat tombé au champ d’honneur et la sainte morte dans le silence du Carmel, une même flamme unit le courage et l’amour, la paix ne se conquiert pas seulement par les armes, mais par la foi, la prière et la charité.

( Source carmel de Lisieux)

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