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Pourquoi un prêtre se voit-il refuser la naturalisation française ? Le cas du père Rafael Serrano suscite l’incompréhension et la mobilisation

Le père  Raphael avec les fidèles devant son église  - DR
Le père Raphael avec les fidèles devant son église - DR
« Les trois premiers jours, je n'en revenais pas. Je n'ai même pas pu réfléchir, expliquer cette situation. Maintenant, je trouve que c'est même honteux ! »

Prêtre vénézuélien installé en Vendée depuis près de dix ans, le père Rafael Serrano s’est vu refuser sa demande de naturalisation française au motif de ressources jugées insuffisantes. Cette décision, qui surprend paroissiens et élus locaux, relance la question de la prise en compte du mode de vie religieux dans les procédures administratives. Une pétition en sa faveur a déjà rassemblé plus d’un millier de signatures.Arrivé en France depuis plus de trente ans dans le cadre de sa congrégation, Rafael Serrano s’est établi durablement en Vendée en 2016, après de nombreux allers-retours. Âgé de 62 ans, membre des Fils de Marie Immaculée, il a d’abord exercé comme Supérieur général de sa communauté avant d’être embauché en 2022 par le diocèse de Luçon.

Il est aujourd’hui curé de la paroisse des Pères Baudouin et Monnereau des Brouzils, un ensemble de onze clochers compris entre Saint-Philbert-de-Bouaine et Chavagnes-en-Paillers (Vendée) . À plusieurs reprises, il a exprimé son profond attachement à son pays d’accueil. « Je suis ici et je veux rester ici. J’aime la France », déclarait-il récemment, rappelant avoir même réglé sa concession funéraire à Chavagnes-en-Paillers.

France Bleu précise que c’est le 20 octobre qu’il a reçu le courrier de refus émanant de la sous-direction de l’accès à la nationalité française.La décision a été un choc pour l’intéressé. « Les trois premiers jours, je n’en revenais pas. Je n’ai même pas pu réfléchir, expliquer cette situation. Maintenant, je trouve que c’est même honteux ! », confie-t-il. Le refus s’appuie principalement sur le niveau de ressources du prêtre, qui perçoit 680 euros mensuels. Pour lui, cet argument ignore la spécificité du mode de vie religieux. « On ne sait pas comment vit un prêtre religieux. On est logé. Et puis, même la santé, l’assurance, la mutuelle santé, tout est couvert. Soit par la congrégation, soit par le diocèse qui nous emploie chaque mois », explique-t-il. Selon lui, cette somme lui suffit parfaitement : « Ça me suffit largement ! » Chaque année, il dépose une demande de titre de séjour, une démarche coûteuse et souvent complexe. « Il y a le temps investi, il y a la patience, il y a l’argent parce que ce n’est pas donné. Les premiers, je payais 277 euros. Les deux derniers, c’est 225 euros. Et ils sont très créatifs aussi : à chaque fois, ils demandent des documents différents. »

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Le prêtre affirme par ailleurs avoir réussi l’entretien d’intégration passé en juillet, un examen qui évalue la maîtrise de la langue et les connaissances civiques. « Le premier but, c’est voir la maîtrise de la langue. Mais il y a aussi tout un dossier qui nous a été envoyé pour étudier plein de sujets comme l’histoire, la géographie, l’administration, les gouvernements, le français, la culture… Donc c’est très vaste, très costaud. J’ai bien répondu, j’avais bien étudié », assure-t-il. Son engagement local, sa présence régulière auprès des habitants et la maîtrise du français que lui reconnaissent les paroissiens nourrissent l’incompréhension face à cette décision administrative.Début novembre, des fidèles ont lancé une pétition pour interpeller les autorités. Elle a dépassé rapidement les 1 000 signatures, atteignant près de 1 400 soutiens en quelques jours. Une version papier circule également dans les églises. Plusieurs élus ont été sollicités, dont Bruno Retailleau, Alain Lebœuf et la députée Véronique Besse. Tous sont invités à intervenir pour faire reconnaître la singularité du statut sacerdotal et l’engagement du prêtre au service de la population.

Le père Serrano dispose jusqu’à la mi-décembre pour déposer un recours auprès du tribunal administratif de Nantes. Il a d’ores et déjà indiqué son intention d’y procéder. Le ministère de l’Intérieur, sollicité, n’a pas donné suite. Pour beaucoup, ce dossier soulève une question plus large : comment adapter les critères de naturalisation à des vocations religieuses qui ne correspondent pas aux modèles professionnels habituels, alors même qu’elles participent pleinement à la vie sociale et spirituelle du pays ?

Texte intégral de la pétition

Soutien à la demande de naturalisation du Père Rafael Serrano
Destinataire : M. Laurent Nuñez, Ministre de l’Intérieur

Monsieur Rafael Serrano, prêtre religieux de la Congrégation des Fils de Marie Immaculée, dont le siège se situe à Chavagnes-en-Paillers (France), et curé de la Paroisse des Pères Baudouin et Monnereau des Brouzils, a vu sa demande de naturalisation française refusée — un ajournement de deux ans — en raison notamment du caractère jugé incomplet de son insertion professionnelle.

Le sous-directeur de l’accès à la nationalité française a précisé :

« L’examen de votre parcours professionnel, apprécié dans sa globalité depuis votre entrée en France, ne permet pas de considérer que vous avez réalisé pleinement votre insertion professionnelle puisque vous ne disposez pas de ressources suffisantes. »

Or, un prêtre ne perçoit pas de salaire au sens classique du terme : il est pris en charge matériellement par sa Congrégation.
Depuis qu’il est affecté à la paroisse, Monsieur Serrano reçoit la moitié du SMIC, est logé et bénéficie d’une couverture santé complète (Assurance maladie et Mutuelle) financée par le diocèse.
Au vu de ces éléments, le motif d’ajournement paraît injustifié et choquant.

Nous, signataires, constatons au quotidien l’excellente intégration du Père Rafael Serrano dans la société française. Installé à Chavagnes-en-Paillers (Vendée) depuis octobre 2016, il a d’abord exercé comme Supérieur général de sa Congrégation, puis s’est investi pleinement dans la vie religieuse et citoyenne locale. Il a également rapidement appris le français et le maîtrise désormais parfaitement, tant à l’oral qu’à l’écrit.

Depuis septembre 2022, il est au service du diocèse de Luçon, au sein de la paroisse des Pères Baudouin et Monnereau des Brouzils, d’abord comme prêtre coopérant, puis administrateur, et enfin curé. Il exerce son ministère avec dévouement, bienveillance et professionnalisme, reconnu et apprécié par ses paroissiens.

Nous demandons donc aux autorités françaises, et en particulier à Monsieur le Ministre de l’Intérieur, de réexaminer favorablement le recours déposé par Monsieur Rafael Serrano afin qu’il puisse obtenir la naturalisation française qu’il mérite pleinement.

Un recours est possible jusqu’à la mi-décembre 2025.
Vos signatures seront précieuses pour soutenir le Père Rafael dans cette démarche, et vos partages permettront d’élargir cet élan de solidarité.

Merci à tous pour votre soutien ! »

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