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[ ENTRETIEN EXCLUSIF ] « Les épreuves sélectionnent les vrais amis »: Monseigneur Rey se livre dans un entretien à Tribune chrétienne

"Dans un train, il y a deux types de sièges : ceux qui sont tournés vers l’arrière, avec le risque de ruminer le passé, et ceux qui sont orientés dans le sens de la marche"

À l’occasion de la parution de son ouvrage Mes choix, mes combats, ce que je crois (éditions Artège), Monseigneur Dominique Rey revient sur son parcours, ses convictions et les défis auxquels l’Église fait face aujourd’hui. Un ouvrage où il livre sans détour son regard sur vingt-cinq années d’épiscopat, sur l’héritage qu’il laisse, mais aussi sur les zones d’ombre, les incompréhensions et les intuitions qui ont marqué son ministère.

Connu pour son franc-parler, son audace missionnaire et une liberté de ton peu commune dans l’épiscopat français, Monseigneur Rey ne se dérobe devant aucun sujet. Porté par les contributions de Samuel Pruvot et Henrik Lindell, ce témoignage offre un éclairage rare sur une figure qui, depuis plus de deux décennies, suscite débats, admiration, critiques ou enthousiasme. Nous avons rencontré Monseigneur Rey au cours d ‘un entretien en toute sincérité.

Tribune Chrétienne : Monseigneur, votre livre s’intitule “Mes choix, mes combats, ce que je crois”. Parmi ces trois mots, lequel résume le mieux votre chemin spirituel et votre ministère épiscopal, et pourquoi ?

Monseigneur Rey : Les 3 sont profondément liés, c’est le chemin de tout chrétien qui passe par des choix et des épreuves, tout cela est dans le combat spirituel et le combat de la vie ; personnellement je pars des convictions qui m’habitent et qui fondent mon engagement ministériel au service de l’Église et de sa mission. Ce chemin escarpé rencontre parfois des obstacles et requiert courage et persévérance, fidélité et exigence.

Tribune Chrétienne : Concernant la liturgie, sentez-vous que l’on va vers un assouplissement des règles imposées aux traditionnalistes à travers Traditionis custodes ?

Je pense que nous avons un pape prudent et à l’écoute.Il recherche la paix et l’unité, il n’a pas encore pris de décision significative. On a vu qu’il a autorisé la messe en rite ancien, célébrée par le cardinal Burke à Saint-Pierre de Rome donc, comme beaucoup, nous sommes dans l ‘attente de voir dans quels sens vont être prises les decisions futures.

Tribune Chrétienne :Sur le plan politique, on vous a catalogué comme étant de droite voire d’extrême droite, que répondez-vous ?

Je n’ai pas d’affiliation particulière, j’ai accueilli dans mon diocèse des gens de droite, de gauche et je suis ouvert à des courants dans la mesure où ils acceptent un vrai dialogue. Certes, j’ai accueilli un jour Marion Maréchal, mais ce que beaucoup oublient de dire c’est qu’il y avait autour de la table ronde un député socialiste des Antilles. On m’a parfois “fiché” car je viens d’un diocèse où le Rassemblement national est important et certains ont focalisé là-dessus. Si l’on regarde la vie de Jésus, il a su être à l’écoute et rencontrer tout le monde : des pharisiens, des publicains et beaucoup d’autres marginalisés. Moi-même, j’ai célébré le mariage des membres de familles royales tout autant que j’ai présidé des célébrations de mariages de personnes très modestes.

Tribune Chrétienne : Vous parlez d’un catholicisme missionnaire porté par l’élan de Jean-Paul II. Pensez-vous que l’Église de France retrouve aujourd’hui la force de cette mission, malgré la sécularisation et les tensions internes qu’elle traverse ?

Monseigneur Rey : Je crois que l’Église de France porte encore un immense potentiel missionnaire, mais celui-ci demande à être libéré. La sécularisation nous oblige à sortir d’un christianisme d’habitude pour faire preuve d’audace. Là où surgissent des communautés ferventes, des initiatives missionnaires et un engagement des laïcs, on voit que l’Esprit de la nouvelle évangélisation insufflé par Jean-Paul II demeure bien vivant. Le défi, aujourd’hui, est d’oser davantage, de ne pas se laisser intimider par notre société sécularisée et souvent méfiante, et de témoigner du Christ avec joie et dans un esprit de service.

Tribune Chrétienne : Votre diocèse de Fréjus-Toulon a souvent été un laboratoire de renouveau pastoral et vocationnel. Avec le recul, que retenez-vous de cette expérience audacieuse, et que diriez-vous à un jeune évêque qui voudrait aujourd’hui oser avec la même liberté ?

Monseigneur Rey : J’ai personnellement toujours essayé de faire confiance à la créativité de l’Esprit Saint. Oser accueillir des charismes variés et encourager ce qui naît. À un jeune évêque, je pourrais donner le conseil suivant : d’abord bien connaître la réalité du terrain pastoral (on ne peut pas évangéliser hors sol) ; une attention à ce qui doit demeurer, dans un monde volatile et relativiste, offrir des repères doctrinaux, spirituels, éthiques et anthropologiques très clairs ; porter le souci de la communion qu’est l’Église dans la diversité de ses expressions ; avoir une sollicitude particulière envers les pauvres et les petits ; enfin, faire preuve d’audace, de créativité, par rapport à tout ce qui surgit, avec discernement mais sans frilosité.

Tribune Chrétienne : Vous avez traversé des épreuves personnelles et ecclésiales, que vous évoquez dans l’ouvrage avec franchise. Qu’est-ce qui, au cœur de ces moments difficiles, vous a le plus affermi dans votre foi et dans votre mission de pasteur ?

Monseigneur Rey : Je me suis toujours appuyé sur la conviction que ma mission ne m’appartenait pas : je n’en suis pas le propriétaire, mais l’humble serviteur. Et j’ai toujours aussi bénéficié du soutien de beaucoup de proches qui m’ont encouragé et accompagné ; les épreuves, dit-on, sélectionnent les vrais amis.

Tribune Chrétienne : Dans un contexte marqué par la confusion des repères, vous insistez sur la cohérence entre foi, raison et témoignage. Comment les catholiques peuvent-ils aujourd’hui parler du Christ sans craindre d’être marginalisés ou incompris ?

Monseigneur Rey : Nous devons retrouver la liberté intérieure des premiers disciples : parler du Christ avec simplicité, en osant des voies nouvelles, et en s’appuyant aussi sur les capacités innovantes des nouvelles générations. Mais il faut que notre parole reste toujours cohérente avec le témoignage de notre vie, pour qu’elle touche les cœurs.

Tribune Chrétienne : Votre livre aborde des sujets sensibles, de la liturgie à la politique, en passant par la formation des prêtres. Selon vous, comment rester fidèle à la Tradition de l’Église tout en accueillant les appels nouveaux de l’Esprit ?

Monseigneur Rey : Comme j’aime à dire, le christianisme est à la fois héritage et promesse. Notre foi s’adosse à l’Évangile et à une doctrine qui a traversé les siècles et qui nous propose un art de vivre chrétien. Mais le christianisme est aussi devant nous : la quête de Dieu, de sens, de repères et de transcendance habite tout être humain et chacun de nos contemporains. Il s’agit donc de porter haut et fort, et de transmettre selon le charisme de chacun, le message du Salut, tout en restant attentifs à ce que l’Esprit nous inspire aujourd’hui, et toujours en lien avec l’Église.

Tribune Chrétienne : On vous a souvent reproché un manque de suivi, notamment dans le traitement de certains cas d’abus dans le diocèse. Que répondez-vous ?

Monseigneur Rey : J’ai toujours eu le souci de faire la vérité sur ces situations et de les traiter avec sérieux. Dès mon arrivée dans le diocèse, ont été mises en place des structures d’accueil, d’écoute et d’accompagnement des victimes, ainsi que des procédures à la fois canoniques et judiciaires, claires pour les cas d’abus. J’ai ainsi signé un protocole avec le procureur de la République afin d’assurer une transparence totale et un traitement systématique des situations préoccupantes, avec un devoir de signalement. Sur le plan canonique, nous avons renforcé l’équipe dédiée à la gestion de ces affaires afin d’assurer un suivi rigoureux des dossiers.

Tribune Chrétienne : Votre ton demeure traversé d’espérance. D’où vient cette confiance dans l’avenir de l’Église, et quel message aimeriez-vous transmettre aux fidèles parfois découragés par la situation actuelle ?

Monseigneur Rey : Mon espérance vient du Christ lui-même, de la promesse qu’il a faite d’être « avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). L’histoire nous montre que l’Église a traversé des crises, comme elle en connaît aujourd’hui, et s’en est toujours relevée. Il faut demeurer attentif aux signes de vitalité qui témoignent que notre Église est bien vivante : le nombre de conversions et les demandes de baptêmes, les nombreux jeunes chrétiens engagés dans des associations missionnaires, sociales, humanitaires, etc. Autant de signes d’espérance.

Tribune Chrétienne : Monseigneur, votre départ de Toulon a été douloureux et largement commenté. Comment avez-vous vécu cette période de retrait, et comment continuez-vous aujourd’hui à exercer votre sacerdoce et votre paternité spirituelle dans ce nouveau contexte ?

Monseigneur Rey : Dans un train, il y a deux types de sièges : ceux qui sont tournés vers l’arrière, avec le risque de ruminer le passé, et ceux qui sont orientés dans le sens de la marche. Dieu est à la fois en nous et devant nous. Ma mission a donc changé de perspective : je n’ai plus la charge administrative d’un diocèse, mais je reste disponible pour accompagner les initiatives missionnaires, encourager les projets, favoriser les collaborations. En effet, l’un des grands défis actuels est la fragmentation : chacun agit dans son coin dans la société, comme souvent dans l’Église. Il me semble essentiel aujourd’hui de créer des liens entre les chrétiens et de promouvoir une intelligence collective au service de la fécondité missionnaire.

Tribune Chrétienne : Vous vivez désormais à Paris. Quels sont vos projets ou vos engagements actuels depuis la capitale, et de quelle manière souhaitez-vous continuer à servir l’Église de France dans les années à venir ?

Monseigneur Rey : Je réside dans une paroisse parisienne où je rends différents services, ce qui me permet de garder un ancrage pastoral. Par ailleurs, j’accompagne spirituellement des personnes et des groupes chrétiens, je prêche des retraites, j’accompagne des pèlerinages. Je suis également en lien avec divers cercles engagés dans la solidarité et l’évangélisation, à l’échelle nationale comme internationale.

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