Que se passe t il réellement dans le diocèse de Strasbourg ? Après des mois de tension, un calme étrange s’est installé, un silence qui intrigue davantage qu’il ne rassure. Selon plusieurs sources très proches du diocèse, l’arrivée prochaine d’une vice chancelière suscite pour l’instant beaucoup de questions. Les difficultés accumulées ces dernières années demeurent entières, et aucune visite apostolique n’a été engagée malgré les appels réitérés en ce sens.
En octobre dernier, notre rédaction avait publié la lettre de deux abbés dénonçant un climat de peur, une gouvernance verrouillée et une profonde perte de confiance. Ils décrivaient un diocèse miné par des réseaux d’influence anciens et une certaine opacité dans la conduite des affaires. Ces alertes n’ont à ce jour entraîné aucune intervention extérieure, et les attentes exprimées alors restent sans réponse.Les informations que nous recueillons aujourd’hui confirment que la situation n’a guère évolué. La suspension du chancelier, annoncée en 2024, n’a produit aucun effet visible, l’intéressé continue de bénéficier de sa rémunération et de son logement, tandis que l’intérim repose sur un bénévole, position fragile pour une fonction aussi structurante. Aucun éclaircissement officiel n’a été donné sur l’avancement de la procédure canonique, ce qui renforce l’impression d’un dossier laissé en suspens.
À cela s’ajoute un autre élément : l’influence persistante de l’évêque auxiliaire, Monseigneur Kratz. Bien que diminué par un récent accident, il demeure actif en coulisses et n’hésite pas à le faire savoir.Par ailleurs,Monseigneur Delannoy paraît, lui, souvent dépassé par les événements et peine à mesurer pleinement l’ampleur des tensions. Cette combinaison, entre un évêque auxiliaire toujours présent et un évêque parfois hésitant, accentue le sentiment d’une gouvernance fragilisée.L’évêque a pourtant annoncé son intention de procéder à des changements, notamment des nominations au sein de son équipe rapprochée et du conseil épiscopal, et une nouvelle nomination serait également prévue pour janvier prochain. Certains y voient un signe possible d’évolution, mais pour l’heure, ces annonces restent en attente.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la nomination de Diane Laugel comme vice chancelière à partir du 1er décembre. Son parcours est dense et varié, docteure en études du tourisme, passée par Sciences Po Toulouse et l’Université Toulouse Capitole, formée en ingénierie du développement territorial, elle a ensuite obtenu la licence et le master de droit canonique à Strasbourg. Sa licentiae in jure canonico, reconnue en août 2025, lui confère le statut d’avocate ecclésiastique, une trajectoire solide, résumée par la devise :
In necessariis unitas, in dubiis libertas, in omnibus caritas
Dans les choses nécessaires, l’unité, dans les choses douteuses, la liberté, en toutes choses, la charité
Afin de mieux comprendre sa nomination, nous avons joint par téléphone Diane Laugel, 33 ans, franco-camerounaise. Elle confirme son arrivée au 1er décembre et précise : « c’est un diocèse que je connais déjà car je suis alsacienne ».
Elle ajoute : « c’est Monsieur le vicaire général qui m’avait proposé ce poste, le père Jean-Luc Liénard, cet été. » Sur la nature exacte de sa mission, elle reconnaît une zone d’incertitude : « on m’a dit que je serai vice chancelière, sans d’autres informations. Nous sommes en pourparlers sur mon statut définitif ».Elle indique également : « le bureau des cultes a déjà accepté ma nomination et le ministère de l’Intérieur a validé ».
Enfin, elle évoque le contexte diocésain : « je sais que j’arrive dans un contexte très compliqué au palais épiscopal. Je n’ai pas de cahier des charges précis, c’est un peu flou pour le moment ». À propos de l’évêque, elle ajoute : « je l’ai rencontré et je pense qu’il est soucieux de faire au mieux avec ce qu’il y a ».
Sa venue est perçue par plusieurs collaboratrices pastorales comme un signe positif, mais son titre interroge, pourquoi une vice-chancelière alors que la chancellerie elle même n’est pas pourvue ? Le chancelier suspendu conservant matériellement ses avantages, la structure administrative ne paraît pas clarifiée. Beaucoup y voient un geste symbolique plutôt qu’une réforme de fond.On voit donc un diocèse qui peine à se réformer. Le chancelier suspendu demeure en place dans les faits, l’intérim apparaît fragile, la future vice chancelière arrive dans une structure ambiguë et les appels à une clarification globale n’ont pas été suivis d’effet. L’absence persistante de visite apostolique renforce ce sentiment d’immobilisme.
L’arrivée d’une vice chancelière et l’annonce d’une nouvelle nomination pour janvier prochain pourraient constituer des signaux encourageants, mais rien ne permet encore d’affirmer qu’ils marqueront un véritable tournant. Le diocèse de Strasbourg semble évoluer en surface, sans remettre en question son organisation profonde. Le mouvement est perceptible, certes, mais la réforme authentique reste à venir.


