Le diocèse espérait pourtant présenter cette arrivée comme un signe d’évolution. Vendredi dernier, nous révélions en exclusivité que Diane Laugel devait devenir vice-chancelière à compter du 1er décembre. Elle-même, jointe par notre rédaction, confirmait son arrivée prochaine, rappelant qu’elle était alsacienne et qu’elle avait été approchée cet été par le chanoine Jean-Luc Liénard. Elle admettait cependant le flou qui entourait sa mission, déclarant : « On m’a dit que je serai vice-chancelière, sans d’autres informations ».Ces propos reflétaient l’instabilité persistante de la situation diocèse. Depuis plusieurs mois, les tensions internes s’accumulent : lettres d’alerte de prêtres décrivant un climat de peur, opacité persistante, influence non négligeable de certains acteurs anciens, absence d’intervention extérieure malgré les demandes répétées. La suspension du chancelier en 2024, restée sans effet concret, en est un symptôme. L’intéressé continue de bénéficier de son logement et de sa rémunération, tandis que l’intérim repose sur un bénévole, situation peu tenable pour une fonction aussi essentielle.
À cela s’ajoute un constat pourquoi ce recrutement s’était-il fait sans appel d’offres l’été dernier ? .Approchée directement par le vicaire général, elle s’est retrouvée engagée dans un processus dont les contours n’étaient pas fixés. Dans un diocèse où l’administration chancelière est elle-même en suspens, certains estiment qu’elle a simplement « senti le vent de la poudre » et a préféré éviter de tomber dans un « panier de crabes« .De son coté Diane Laugel nous a déclaré :
« En effet j’ai refusé la nomination à cause du statut concordataire trop précaire et un peu incertain. Lorsque j’ai eu la proposition de poste, je n’avais pas eu l’ensemble des éléments. En matière de droit sociaux, il n’y a pas de cotisations chômage et la cotisation retraite n’est acquise qu’après 10 ans de services faits par exemple.
La rémunération prévoyait 1500/1600€ nets, mais la possibilité de monter en échelons était quasiment bloquée : cette situation était donc trop précaire et incertaine. À cela s’ajoute l’absence d’avantages comme la mutuelle par exemple…
J’ai appris un certains nombre de choses sur les postes concordataires grâce à des coopératrices de la pastorale mais aussi des personnes extérieures.
C’est vraiment dommage car les missions me plaisaient énormément mais il est difficile, à 33 ans d’envisager sereinement l’avenir avec un carcan comme l’est le poste concordataire spécifique en Alsace. J’ai proposé l’alternative d’un poste salarié à la mense épiscopale (comme c’est le cas pour certains collaborateurs actuellement) mais ce n’est visiblement pas possible.Les postes concordataires sont pour les prêtres mais peu adaptés à la réalité de la vie des laïcs, surtout quand il y a un enjeu familial et un contexte économique inflationniste comme aujourd’hui!
Pour l’Église on peut bien sûr faire des sacrifices mais pas embrasser la misère pour une décennie incertaine… il y a eu une réelle impossibilité dans ma nomination à concilier l’envie de modernité (une femme à ce poste) et la réalité de la vie d’un laïc.
Et j’avoue qu’avec mon bagage universitaire c’est décourageant : j’ai la licence canonique de droit canonique (Master de droit canonique et l’équivalent du DEUG de théologie catholique), un titre de docteure.
Les compétences se paient et doivent être justement rémunérées. C’est important : quand on fait beaucoup d’études il faut que les employeurs (même l’Église) reconnaissent la valeur que cela a ! »
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Ce soir, le diocèse a donc diffusé un communiqué qui met un terme définitif à cette nomination et annonce que le poste reste ouvert à tout laïc … » courageux » … En voici le texte intégral :
« Aux prêtres, diacres et coopérateurs de la pastorale
Nomination au poste de vice-chancelier
La presse locale a prématurément annoncé l’entrée en fonction de Madame Diane LAUGEL au poste de vice-chancelier.
Pour des raisons légitimes et personnelles, elle n’a pas pu accepter le statut concordataire et le salaire y afférent.
Nous regrettons que cette collaboration n’ait pu se concrétiser et nous exprimons à l’intéressée nos souhaits de réussite dans ses projets.
Dans l’esprit des évolutions de l’Église et de la refonte de la curie diocésaine, ce poste reste ouvert à une personne laïque.
Chanoine Jean-Luc Liénard
Vicaire général »
Cette dernière phrase suscite déjà de nombreuses interrogations. Le poste reste « ouvert à une personne laïque », ce qui revient à exclure explicitement un prêtre.
Pourquoi cette restriction ? Le diocèse ne précise rien, et le flou persiste.Beaucoup restent perplexes : pourquoi nommer une vice-chancelière ou un vice-chancelier quand le chancelier est suspendu mais toujours présent de fait ? Pourquoi créer un poste subalterne dans une chancellerie qui n’est pas fonctionnelle ? Pourquoi s’engager dans un recrutement aussi sensible sans cadre clair ? Une fois encore, le diocèse de Strasbourg semble avancer à l’aveugle. L’abandon précipité de cette nomination en est la preuve la plus éclatante.


