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Le voyage du pape en Algérie : pas vraiment attendu

ruines d'Hippone - capture Street view
ruines d'Hippone - capture Street view
Au temps de saint Augustin, l’Algérie n’existait pas. l’Algérie contemporaine n’a aucun lien religieux avec la région natale de saint Augustin

C’est le correspondant de La Croix qui le constate, presque à contrecœur. L’annonce d’un voyage du pape Léon XIV sur la terre natale de saint Augustin n’a pas déclenché l’enthousiasme espéré. La prudence des autorités algériennes et le silence de la presse ne doivent rien au hasard. Dans un contexte marqué par la fermeture massive de lieux des églises , l’augmentation des condamnations judiciaires et une grande fragilité de la minorité chrétienne, il est difficile de s’attendre à une ferveur publique. La visite promise risque davantage d’être culturelle que spirituelle.Le pape a déclaré qu’il souhaitait venir honorer la mémoire de saint Augustin, visiter les lieux où vécut l’évêque d’Hippone et prolonger le dialogue entre chrétienté et islam. L’objectif est noble, mais la réaction locale reste extrêmement réservée.

La presse n’a guère relayé l’annonce, les responsables politiques n’ont pas réagi, et quelques voix isolées ont simplement murmuré une formule polie de bienvenue. Dans un pays où l’islam occupe tout l’espace public, l’arrivée du pape ne peut pas, aujourd’hui, susciter de vague populaire.

L’explication se trouve dans la réalité vécue par les chrétiens d’Algérie. Leur histoire est ancienne, enracinée dans la terre même, mais leur situation actuelle demeure fragile. Depuis 2017, les autorités ont lancé une répression systématique contre les communautés chrétiennes évangéliques. À ce jour, les quarante-sept églises protestantes du pays sont toutes fermées ou scellées. Des arrestations et condamnations ont frappé des pasteurs et des fidèles. Plusieurs lieux de culte ont été mis sous scellés dans des provinces comme Tizi-Ouzou ou Béjaïa, et des peines de prison ont été prononcées pour de simples réunions de prière ou pour la possession de documents religieux.

Ce climat installe une peur durable. Beaucoup de chrétiens, souvent convertis, se réunissent désormais dans des maisons privées, loin des regards, pour préserver leur famille.

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À côté de cette actualité difficile, il y a l’histoire, immense et lumineuse. Les pierres d’Hippone témoignent d’une époque où ce territoire était un centre de la chrétienté. Saint Augustin est né à Taghast, il a prêché et gouverné son diocèse depuis Hippone, il a accompagné les fidèles, écrit ses œuvres, façonné la pensée occidentale.

Il faut le redire avec clarté : au temps de saint Augustin, l’Algérie n’existait pas. La région appartenait à l’Afrique romaine et c’était une terre chrétienne.

Les villes, les monastères, les lieux de culte étaient nombreux, vivants, et Augustin en fut le plus grand témoin. Ce pays a ensuite changé de mains et de religion. La conquête arabe a profondément transformé le paysage spirituel. L’islam s’est imposé, le christianisme a disparu ou s’est replié. À sa mort, le 28 août 430 dans l’Hippone assiégée, il fut inhumé dans la cathédrale de la cité.Mais, au fil des siècles et des périls liés aux invasions, ses restes furent déplacés : d’abord en Sardaigne, puis ,au début du VIIIᵉ siècle , transférés dans la ville de Pavie, en Italie du nord. Aujourd’hui, c’est dans la basilique San Pietro in Ciel d’Oro, à Pavie, que repose officiellement le tombeau de saint Augustin.

Autrement dit, l’Algérie contemporaine n’a aucun lien institutionnel ni religieux avec la région de saint Augustin. Ce sont les mêmes collines, les mêmes ports sur la Méditerranée, mais pas le même peuple, pas la même foi, pas le même monde. La terre a changé de maîtres et de croyances, l’histoire n’a pas suivi une continuité naturelle mais une rupture totale.Dans ces conditions, il est facile de comprendre pourquoi l’annonce d’une visite pontificale, aussi historique soit-elle, ne suscite pas de ferveur visible. Pour l’Église locale, la visibilité peut signifier le risque. L’État craint que la venue du pape n’encourage des conversions ou ne ranime une conscience chrétienne enfouie. Une simple curiosité peut devenir un mouvement intérieur, et ce mouvement inquiète.

L’enthousiasme personnel du cardinal franco-algérien Jean-Paul Vesco, archevêque d’Alger, ne change rien à cette prudence.Le prélat connu par sa volonté de dialogue inter-religieux « au-delà de certaines limites » se réjouit, certes, et voit cette visite annoncée comme d’un signe d’espérance, mais l’Algérie officielle reste silencieuse et plus que prudente.Chacun demeure sur son terrain. Les autorités observent, mesurent, contrôlent. La société ne réagit pas.Quand le pape Léon XIV viendra ce sera un événement historique, car aucun pape n’a jamais visité l’Algérie. Il ne faut pas s’attendre à des foules immenses ni à des gestes spectaculaires. Ce sera une visite sobre, respectueuse, entourée de protocoles. Et pourtant, malgré cette sobriété, le simple fait que le successeur de Pierre foule la terre d’Augustin aura un poids symbolique immense. Les pierres d’Hippone savent mieux que les hommes que l’Église ne disparaît jamais complètement.

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