Par Phillippe Marie
Depuis plusieurs années, le débat ecclésial est trop souvent enfermé dans une grille de lecture simpliste, presque paresseuse : progressistes contre conservateurs. Cette opposition, empruntée au vocabulaire politique, rassure ceux qui l’emploient. Elle permet de classer, d’étiqueter, d’éviter d’aller au fond des choses. Pourtant, ce n’est pas là que se situe la véritable ligne de fracture dans l’Église.La vraie bataille n’oppose pas des camps, mais deux visions irréconciliables : la Réalité et l’Utopie. La Réalité, celle qui est le Christ, transmis par l’Évangile, la Tradition et le Magistère. L’Utopie, celle des idéologies, même lorsqu’elles se parent de bons sentiments, même lorsqu’elles empruntent le langage de la compassion, de l’inclusion ou du « vivre-ensemble ».
À Tribune Chrétienne, nous ne faisons pas du journalisme en chambre ni du copinage idéologique ou politique. Chaque semaine, parfois chaque jour, notre boîte mail reçoit des dizaines et des dizaines de messages. Des fidèles blessés, déboussolés, parfois scandalisés. Des prêtres en souffrance, souvent isolés, qui n’osent plus parler à visage découvert. Faire comme si ces voix n’existaient pas serait une faute grave. Ce ne serait plus du journalisme, mais de la complaisance rédactionnelle. Et dans cet exercice, certains médias catholiques excellent malheureusement.
Notre devoir est de témoigner. D’alerter. De nommer les réalités lorsqu’elles deviennent trop lourdes pour être tues. Non par goût de la controverse, encore moins par esprit de division, mais parce que la vérité oblige. Une vérité qui dérange souvent, par nature, parce qu’elle met en lumière ce que l’on préférerait laisser dans l’ombre.
Nous avons fait un choix clair : rester fidèles à la doctrine de l’Église. Ne pas nous demander si nos articles vont déranger, car la vérité dérange presque toujours.
À Tribune Chrétienne, une partie de l’Eglise de France juge nos articles trop critiques. Nous l’entendons. Mais une ligne éditoriale ne se construit ni sur le copinage, ni sur le confort, ni sur la peur de déplaire. Elle se construit sur la vérité.
Nous n’inventons jamais rien. Nous constatons, nous vérifions, nous écrivons. Rien de plus. Rien de moins. Lorsque, jusque dans certaines communautés religieuses ou abbayes, nous sommes accusés de relayer de simples rumeurs ou de « ne pas vouloir construire l’Église », nous éprouvons une réelle tristesse. Nous y voyons une injustice. Mais cela n’entame en rien notre détermination à être intraitables sur les faits.
Oui, de nombreux fidèles souffrent aujourd’hui dans les diocèses de France. Oui, de nombreux prêtres souffrent également, parfois à cause du comportement de certains prélats. Entrer dans les détails relèverait de la délation et pourrait, cette fois réellement, nuire à l’Église. Nous ne le faisons pas. Nous relayons les souffrances. Nous pointons certaines dérives idéologiques et doctrinales. Cela fait-il de nous des juges ? Non. Nous sommes des témoins de ce que nous croyons être la vérité telle qu’elle a été transmise par Notre Seigneur.
Rien n’entamera notre détermination ni notre zèle journalistique. Pas même l’insatisfaction de ceux qui nous reprochent un prétendu manque de communion, alors qu’ils sont eux-mêmes profondément marqués par des idéologies qui, elles, menacent réellement l’Église. Le relativisme, présenté comme vertu suprême, justifie tout et finit par ne plus rien croire.
Nous respectons profondément l’ensemble des prêtres et des évêques de France. Mais lorsqu’il y a trahison du message, une question demeure : faut-il taire la vérité ?
Dans l’esprit de ce monde, qui emporte tant de consciences, ou dans l’Esprit reçu et éclairé par la Parole de l’Évangile, qui dérange, qui tranche, et qui entre en contradiction frontale avec un relativisme censé tout excuser ?
Dans notre fidélité au Seigneur Jésus-Christ , et dans notre misère humaine,propre à chaque homme, nous ne prétendons ni à l’infaillibilité ni à la pureté d’intention permanente. Comme tout chrétien, nous tentons de faire notre examen de conscience. Nous entendons certaines critiques, et nous en tenons compte lorsqu’elles nous paraissent fondées et justes. Mais lorsque, dans le même temps, de très nombreuses voix, fidèles et prêtres, se disent en profond accord avec notre ligne éditoriale et la soutiennent, une question demeure : l’examen de conscience passe-t-il par le renoncement à la vérité, ou par une plus grande fidélité encore à ce qui a été reçu ?
Nous redisons enfin notre attachement profond au Saint-Père Léon XIV et à l’Église de France. Fidélité ne signifie pas silence. Communion ne signifie pas renoncement à la vérité. L’Église n’a jamais grandi dans l’utopie, mais dans la fidélité au Christ, qui est la Réalité même.
Philippe Marie
Responsable éditorial
Tribune Chrétienne


