Le 16 décembre dernier, l’Institut d’information scientifique des sciences sociales de l’Académie russe des sciences a accueilli un colloque consacré aux relations entre l’Italie, le Vatican et le catholicisme du XIXe au XXIe siècle. L’événement, organisé par l’Association des italianistes de Russie, a réuni historiens, philosophes et spécialistes des relations internationales autour d’un thème à la fois académique et profondément inscrit dans l’histoire européenne.
Au-delà de la diversité des sujets abordés, ce congrès s’inscrit dans une démarche intellectuelle assumée : rappeler que l’histoire italienne ne peut être comprise sans tenir compte du rôle central du Saint-Siège. L’Italie moderne s’est construite en dialogue, parfois en tension, avec l’autorité pontificale, et cette relation a façonné durablement ses institutions, sa culture et sa diplomatie.
Né au cœur de Rome, le Vatican trouve ses origines dans l’histoire même du christianisme et de l’Empire romain. Dès le Ier siècle, la tradition situe le martyre de l’apôtre Pierre sur la colline du Vatican, faisant de ce lieu un centre spirituel majeur pour les chrétiens. À partir du IVe siècle, avec la reconnaissance du christianisme par l’empereur Constantin, l’évêque de Rome acquiert progressivement une autorité religieuse et morale qui dépasse la seule ville. Au fil du Moyen Âge, cette autorité se double d’un pouvoir temporel avec la constitution des États pontificaux, qui couvrent une large partie de la péninsule italienne et font du pape un souverain à part entière.
L’unification italienne au XIXe siècle met fin à ce pouvoir territorial, Rome étant annexée par le Royaume d’Italie en 1870, ouvrant une longue période de tensions entre l’État italien et le Saint-Siège. Cette « question romaine » ne sera résolue qu’en 1929 par les accords du Latran, qui reconnaissent la Cité du Vatican comme un État souverain indépendant, tout en établissant un cadre stable pour les relations entre l’Italie et le Saint-Siège. Depuis lors, le Vatican demeure étroitement lié à l’Italie par l’histoire, la culture et la géographie, tout en exerçant une influence spirituelle et diplomatique qui dépasse largement les frontières de la péninsule
C’est cette réalité que les intervenants ont cherché à éclairer, à partir de sources et d’approches variées.Quatorze communications ont jalonné la journée, présentées majoritairement par des chercheurs russes, aux côtés de collègues italiens. Une cinquantaine de personnes ont suivi les travaux, en présentiel et en ligne, signe d’un intérêt constant pour ces problématiques, même dans un contexte international peu favorable aux échanges académiques.Les contributions ont couvert un large spectre chronologique et thématique. Des analyses ont porté sur les courants religieux et intellectuels du XIXe siècle, tels que le jansénisme ou le modernisme, perçus comme des facteurs de tensions sociales et ecclésiales. D’autres interventions se sont attachées à des moments clés de l’histoire institutionnelle, comme le conclave de 1878 ou les élections parlementaires italiennes de 1909, observées à travers le regard de publicistes russes de l’époque.
Lire aussi
Le XXe siècle a occupé une place centrale dans les débats, notamment à travers l’étude des relations diplomatiques entre l’Italie et le Vatican durant les deux guerres mondiales, ainsi que de la coopération entre les diplomaties italienne et vaticane pour la défense des catholiques en Union soviétique. Ces recherches, fondées sur des sources souvent peu connues, ont mis en lumière des dynamiques complexes, où la prudence diplomatique se mêlait à des préoccupations pastorales et humanitaires.Plus près de nous, plusieurs communications ont porté sur les évolutions contemporaines du Saint-Siège, qu’il s’agisse de l’intérêt du Vatican pour la politique étrangère italienne après la Seconde Guerre mondiale, des débats historiographiques sur son rôle dans l’Europe d’après-guerre, ou encore des analyses comparées des pontificats de Benoît XVI et du pape François. Ces interventions ont permis de souligner la continuité, mais aussi les inflexions, de la diplomatie vaticane face aux transformations du monde contemporain.
Fondée en 2024, à la suite d’une conférence consacrée au centenaire des relations diplomatiques entre l’Italie et l’Union soviétique, l’Association des italianistes de Russie se présente comme un espace de dialogue académique durable. À l’issue du colloque, les participants ont exprimé leur volonté de poursuivre ces rencontres régulières, estimant que la recherche scientifique ne peut se développer que dans un cadre international ouvert.
La direction de l’Institut d’information scientifique des sciences sociales a d’ailleurs proposé de mettre ses locaux à disposition pour les futurs événements, tandis qu’un réseau d’environ 150 chercheurs et amateurs continue de suivre les activités de l’association. Pour ses responsables, la conviction est claire : la science ne peut être confinée dans des frontières nationales sans perdre de sa substance.Dans un climat géopolitique marqué par les ruptures et les incompréhensions, le colloque de Moscou apparaît ainsi comme un rappel discret mais ferme du rôle du monde universitaire. En explorant deux siècles de relations entre l’Italie et le Saint-Siège, les chercheurs ont montré que l’histoire et la réflexion sur le fait religieux demeurent des lieux privilégiés de compréhension mutuelle, capables de maintenir des passerelles intellectuelles là où le dialogue politique se raréfie.


