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[ VIDEO ] RDC : « Espèce d’incrédule ! » : l’abbé Blaise Kanda, un abbé africain qui interpelle

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Avec ses faux airs de BarackObama , l’abbé Kanda impose une parole qui frappe par sa force, sa radicalité et sa capacité à bousculer les habitudes françaises de la prédication

La parole venue de la République démocratique du Congo s’inscrit aujourd’hui dans un contexte de tensions extrêmes. La reprise récente des affrontements dans l’est du pays, notamment dans la région du Sud-Kivu, a ravivé les craintes d’un embrasement régional, au mépris des processus de paix engagés. Face à cette dégradation sécuritaire, Léon XIV a publiquement exprimé sa vive préoccupation, rappelant son attachement au dialogue et à la paix, ainsi que sa proximité avec les populations civiles, premières victimes de la violence. Pour l’Église congolaise, profondément enracinée dans un pays meurtri par l’insécurité et les déplacements forcés, cette situation donne à toute parole pastorale une gravité particulière.

C’est dans ce climat de violence, d’inquiétude et de fragilité ecclésiale que certaines voix de l’Église du Congo, portées au-delà de leurs frontières, prennent une résonance particulière et donnent à la prédication une tonalité plus grave, plus engagée, plus directe.

À la paroisse universitaire Notre-Dame de l’Espérance, située à Mbuji-Mayi, grande ville du centre de la République démocratique du Congo, dans la province du Kasaï-Oriental, les homélies de Blaise Kanda ne laissent personne indifférent. Elles frappent par une parole qui assume la rudesse, une parole qui heurte l’oreille pour mieux atteindre le cœur, une parole devenue rare dans le paysage ecclésial français contemporain.Cette rudesse s’exprime parfois dans des formules volontairement provocantes, destinées à secouer plus qu’à flatter. Ainsi, exhortant les fidèles à se réjouir de la naissance du Christ, l’abbé lance sans détour :

« Tu te réjouis quand ton enfant, le bandit que tu as à la maison était né … tu te réjouis ! et nous n’allons pas nous réjouir quand le Sauveur de l’humanité vient au monde ? Espèce d’incrédule ! Si je t’attrape, tu vas voir. »

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La formule choque, elle fait sursauter, elle dérange. Elle s’inscrit aussi dans le contexte d’un pays et d’une Église durement éprouvés, marqués par la violence, l’insécurité et des attaques répétées contre les communautés chrétiennes, leurs lieux de culte et leurs pasteurs. Cette provocation rhétorique assumée ne vise pas indistinctement, mais s’adresse à certaines attitudes qui, dans un tel climat, nuisent directement à l’Église et à sa mission.

Elle pointe ceux qui, par leurs arrangements, leur violence leur tiédeur ou leur silence, contribuent à affaiblir la parole chrétienne alors même que l’Église est attaquée de l’extérieur comme fragilisée de l’intérieur.

Derrière la violence apparente des mots s’exprime ainsi un refus clair de voir la joie chrétienne étouffée, confinée ou rendue honteuse dans un pays où la foi demeure pourtant un repère vital pour de nombreuses populations.Le message est sans ambiguïté. Si l’on sait se réjouir pour des réalités imparfaites, fragiles, parfois même dévoyées, comment ne pas se réjouir lorsque naît le Sauveur de l’humanité. Cette interpellation vise aussi ceux qui, au nom d’un consensus culturel ou d’une paix sociale mal comprise, chercheraient à faire taire l’Église ou à la réduire à une parole inoffensive.La prédication de l’abbé Kanda repose sur une conviction ferme, la vérité de l’Évangile n’est pas négociable. Elle n’est pas d’abord destinée à apaiser, mais à convertir. Le fond est direct, exigeant, sans contournement. La foi y est présentée comme un engagement total, appelant cohérence, fidélité et parfois rupture.La forme épouse cette exigence. Les mots sont forts, parfois durs, volontairement tranchants. Ils peuvent déstabiliser un auditoire peu habitué à une telle intensité. En France, et plus largement en Occident, la prédication tend souvent à éviter le choc par crainte de heurter. Ici, le choix est inverse. La parole accepte le risque de déranger, convaincue que le cœur humain est parfois touché là où il est d’abord ébranlé.

Beaucoup souriront sans doute de ce ton inhabituel, de l’accent africain, de la forme et de cette manière de dire qui tranche avec les usages installés. Certains y verront une exagération. Mais beaucoup aussi devraient y discerner une liberté de parole et une audace dont la prédication en France gagnerait à s’inspirer.

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