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[ RAPPORT ] Une violence antichrétienne chiffrée : un phénomène massif désormais impossible à ignorer

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Le rapport 2025 du Centre européen pour le droit et la justice met en lumière une haine religieuse anti-chrétienne, largement sous-estimée par les institutions

Le rapport sur la christianophobie et la haine antichrétienne en Europe a été publié par le Centre européen pour le droit et la justice. Il analyse les données relatives à l’année 2024 et s’appuie sur les travaux de plusieurs organismes spécialisés, dont l’Observatoire de l’Intolérance et de la Discrimination contre les Chrétiens en Europe, ainsi que sur des statistiques policières nationales et des enquêtes issues de la société civile. Dès son introduction, le document souligne que les chiffres présentés, déjà élevés, ne reflètent qu’une partie de la réalité, en raison d’une sous-déclaration massive des faits et de méthodes de comptabilisation très variables selon les pays européens.

Pour l’année 2024, 2 211 actes de haine visant des chrétiens en raison de leur foi ont été recensés dans 35 pays d’Europe. Parmi ces actes, 274 sont des agressions physiques. Ce chiffre retient particulièrement l’attention, car il est en hausse par rapport à l’année précédente. En 2023, 2 444 actes avaient été enregistrés, dont 232 agressions physiques. Ainsi, si le total global des faits semble légèrement diminuer, la violence directe contre les personnes progresse nettement. Le rapport insiste sur le caractère trompeur de cette apparente stabilisation, largement imputable à des changements méthodologiques, notamment au Royaume-Uni, et à des accalmies ponctuelles dans certains pays, comme la France, déjà démenties par les données du premier semestre 2025, qui signalent une reprise marquée des attaques.

Source CENTRE EUROPEEN POUR LE DROIT ET LA JUSTICE

L’analyse des crimes de haine documentés permet de mieux saisir la nature de ces violences. Parmi les 516 crimes antichrétiens recensés de manière détaillée en 2024, environ la moitié relèvent du vandalisme. Églises dégradées, statues mutilées, croix renversées ou inscriptions blasphématoires constituent autant d’atteintes répétées à la visibilité du christianisme dans l’espace public.

Les incendies criminels représentent environ 15 % des crimes recensés et connaissent une augmentation particulièrement préoccupante, de l’ordre de 30 % par rapport à l’année précédente. Les profanations, qui comptent pour environ 13 % des faits, touchent directement le cœur du culte chrétien, par des atteintes délibérées aux autels, aux tabernacles ou aux hosties consacrées.

Les violences physiques représentent entre 7,5 et 8 % des crimes documentés et concernent des prêtres, des religieux ou des fidèles agressés en raison explicite de leur foi. Les menaces et faits de harcèlement représentent environ 4 %, tandis que les homicides et tentatives d’homicide atteignent environ 3 % des cas recensés. À ces chiffres s’ajoutent les vols d’objets religieux, évalués entre 5 et 5,5 % des crimes, mais dont l’ampleur réelle est bien plus importante, près de 900 vols supplémentaires n’étant pas intégrés au total principal.

Des pays inégalement exposés et des statistiques imparfaites

La répartition géographique des actes confirme que le phénomène concerne l’ensemble du continent. En France, 770 actes antichrétiens ont été recensés par les forces de l’ordre en 2024, auxquels s’ajoutent 139 faits signalés par la société civile. Entre janvier et juin 2025, 401 actes ont déjà été enregistrés, contre 354 sur la même période en 2024, soit une hausse de 13 %. En Allemagne, la police a recensé 337 actes en 2024, en augmentation de 22 % par rapport à 2023, après une hausse déjà spectaculaire de 105 % l’année précédente. À ces chiffres officiels s’ajoutent 134 actes recensés par la société civile, sachant que les statistiques policières allemandes ne prennent en compte que les crimes à motivation politique, excluant de nombreux faits antichrétiens.

Au Royaume-Uni, 502 incidents ont été enregistrés par la police en Angleterre et au Pays de Galles, auxquels s’ajoutent 47 faits recensés par des associations. En Espagne, 91 actes ont été signalés par la société civile, l’État ne disposant pas de statistiques officielles spécifiques. En Italie, 86 actes ont été recensés par des sources non gouvernementales. En Pologne, 78 faits ont été documentés par la société civile, dans un contexte de sous-déclaration particulièrement marqué.

Le rapport précise que ces chiffres ne sont pas cumulables en raison de méthodologies différentes, mais qu’ils convergent tous vers un même constat de violence diffuse et persistante. Cette absence d’harmonisation européenne contribue à la sous-évaluation du phénomène et limite la capacité des institutions à y répondre de manière cohérente.

Marginalisation sociale et fragilisation de la liberté religieuse

La question de la sous-déclaration constitue l’un des points les plus alarmants du rapport. En Pologne, une enquête menée en 2025 auprès de 996 prêtres catholiques révèle que 49,7 % d’entre eux déclarent avoir subi une agression en 2024, principalement sous forme de moqueries, d’insultes ou de menaces, qui concernent 41,6 % des répondants. Pourtant, plus de 80 % de ces faits n’ont pas été signalés aux autorités. Les raisons invoquées sont la minimisation des incidents dans 46,2 % des cas, la lourdeur administrative pour 22,6 % et le manque de confiance dans les institutions pour 14,6 %. Par ailleurs, 85,9 % des prêtres interrogés estiment que la violence à leur encontre a augmenté depuis 2014, qu’ils attribuent majoritairement à une image négative du clergé dans les médias, citée par 96,4 % d’entre eux, et à un climat politique et social tendu, mentionné par 91,1 %.

Au-delà des violences visibles, le rapport met en évidence une marginalisation croissante des chrétiens dans la vie sociale et professionnelle. Au Royaume-Uni, 56 % des chrétiens interrogés déclarent avoir déjà été moqués ou rejetés pour avoir exprimé leurs convictions religieuses, un chiffre qui atteint 61 % chez les moins de 35 ans. Environ 18 % affirment avoir subi une discrimination directe en raison de leur foi, notamment sur leur lieu de travail. Seuls 35 % des jeunes chrétiens estiment pouvoir exprimer librement leurs convictions religieuses dans un contexte professionnel. Cette pression sociale constante favorise l’autocensure et contribue à reléguer progressivement la foi chrétienne à la sphère privée.

Le rapport souligne également la multiplication des restrictions juridiques affectant l’exercice concret de la liberté religieuse. Plusieurs personnes ont été poursuivies ou condamnées ces dernières années pour avoir prié en silence dans l’espace public, notamment à proximité de centres pratiquant l’avortement.

Dans certains pays, les lois dites de zones tampons interdisent toute présence jugée influente autour de ces établissements, y compris la prière intérieure, sans pancarte ni discours. D’autres évolutions législatives fragilisent l’objection de conscience des soignants et remettent en cause les droits parentaux, notamment en matière d’éducation et de transmission des convictions morales.

Rappelons que ce rapport du Centre européen pour le droit et la justice s’inscrit dans le prolongement direct des travaux publiés par l’Observatoire de l’Intolérance et de la Discrimination contre les Chrétiens en Europe. Les chiffres centraux qu’il mobilise, notamment les 2 211 actes antichrétiens recensés en 2024, dont 274 agressions physiques, proviennent du rapport annuel de l’OIDAC, qui constitue aujourd’hui la principale source de données de terrain à l’échelle européenne. Là où l’OIDAC établit une cartographie factuelle et met en évidence, entre autres, la situation particulièrement préoccupante de la France, l’ECLJ en propose une lecture d’ensemble, en analysant les causes profondes du phénomène, les mécanismes de sous-déclaration et les conséquences juridiques et politiques de cette violence. Les deux approches ne se concurrencent pas mais se complètent, l’une mesurant l’ampleur des faits, l’autre révélant leur portée structurelle pour la liberté religieuse en Europe.

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La conclusion qui s’impose à la lecture de ces données est sans équivoque. Avec plus de deux mille actes de haine recensés en une seule année, dont plusieurs centaines d’agressions physiques, la violence antichrétienne ne peut plus être considérée comme marginale ou accidentelle. Elle constitue désormais un phénomène européen durable, nourri par la banalisation des atteintes symboliques, la progression des violences physiques, la marginalisation sociale des croyants et une protection institutionnelle insuffisante. Dans une perspective catholique, ce constat appelle moins à l’indignation qu’à la lucidité. Défendre la liberté religieuse des chrétiens ne relève pas d’une revendication identitaire, mais d’une exigence fondamentale de justice et de dignité humaine. Une société qui tolère que la foi soit attaquée, ridiculisée ou progressivement criminalisée fragilise en réalité l’ensemble de ses libertés. Face à cette réalité désormais documentée, la question n’est plus de savoir si le problème existe, mais si l’Europe entend encore garantir, concrètement, le droit de croire, de pratiquer et de témoigner librement.

Intégralité du Rapport du Centre Européen pour le droit et la Justice

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