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Coups de feu contre une église à Palerme : la spirale de l’intimidation s’installe dans un quartier sensible

Oratoire San Filippo Neri - DR
Oratoire San Filippo Neri - DR
Au-delà de l’acte en lui-même, l’événement révèle la fragilité persistante de certains territoires urbains et l’exposition croissante des prêtres engagés dans l’accompagnement social et éducatif

Dans la nuit du 29 au 30 décembre 2025, l’entrée secondaire de la paroisse San Filippo Neri, située dans un quartier sensible de Palerme, a été la cible de coups de feu et de l’explosion d’un pétard. La déflagration a endommagé la porte du théâtre paroissial, tandis que des impacts de balles, attribués à des tirs de fusil de calibre 32, ont été relevés par les forces de l’ordre, avec des douilles encore présentes sur place. Les éléments constatés témoignent d’un acte délibéré et d’une violence dépassant le cadre de simples dégradations.

« Ici, nous risquons de perdre une partie de l’Italie, avec 30 000 à 35 000 habitants. Si cela devient un ghetto, ce sera un problème pour toute la ville. » père Giovanni Giannalia

L’église San Filippo Neri joue depuis de nombreuses années un rôle structurant dans la vie locale. Elle accueille des activités pastorales, éducatives et culturelles, et s’est imposée comme un espace de référence pour les habitants du quartier. Récemment encore, ses locaux avaient servi de cadre à des rencontres institutionnelles d’envergure régionale, notamment autour de la lutte contre la criminalité et des politiques en faveur de la jeunesse. Cette visibilité accrue confère à l’attaque une portée symbolique qui dépasse le seul fait matériel.

L’acte d’intimidation intervient dans un contexte marqué par une insécurité persistante et par la difficulté à maintenir un contrôle effectif du territoire. Viser une église engagée dans la formation, l’éducation et le soutien aux familles revient à frapper l’un des rares points d’ancrage encore stables dans un environnement fragilisé.

La paroisse apparaît ainsi non seulement comme un lieu de culte, mais aussi comme un espace de cohésion sociale, ce qui en fait une cible potentielle pour ceux qui cherchent à imposer la peur ou le silence.

« En tant que prêtre, je prie et j’espère la conversion de ces jeunes, mais je ressens le devoir de lancer un appel au quartier et aux institutions. Ici, il y a beaucoup de personnes honnêtes qui travaillent et beaucoup de jeunes. Quelques-uns tiennent une communauté entière en otage. » – père Giovanni Giannalia

Malgré la gravité des faits, la communauté paroissiale a fait le choix de la continuité. Les activités ont été maintenues, les enfants ont continué à fréquenter les locaux, et les temps de prière ont été assurés. Cette attitude traduit une volonté claire de ne pas laisser l’intimidation conditionner la vie communautaire ni affaiblir la mission pastorale. Elle s’inscrit dans une tradition ecclésiale de présence fidèle, même lorsque les conditions deviennent plus difficiles.Cette volonté ferme ne s’accompagne toutefois d’aucune minimisation du danger. Les responsables paroissiaux ont pleinement conscience des risques que représentaient de tels actes. Une explosion survenue lors d’une représentation ou d’un rassemblement aurait pu provoquer un mouvement de panique aux conséquences graves. Dans ce contexte, le signalement aux autorités compétentes répond à une exigence de responsabilité à l’égard des fidèles et des habitants du quartier.

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Dans de nombreux territoires urbains fragilisés de Sicile, l’Église demeure l’un des rares acteurs présents de manière constante. Elle assure une continuité éducative, sociale et spirituelle là où l’action publique apparaît souvent intermittente ou insuffisante. Cette présence quotidienne, enracinée dans le réel, confère aux paroisses une fonction qui dépasse largement le cadre strictement religieux, tout en les exposant davantage aux tensions locales.L’épisode survenu à San Filippo Neri soulève ainsi une question plus large, celle de l’abandon progressif de certains quartiers et des conséquences humaines, sociales et culturelles qui en découlent. La majorité des habitants aspire à la stabilité, au travail et à un avenir pour les jeunes générations. Pourtant, une minorité suffit à maintenir un climat de pression et d’insécurité durable.

Né d’une accumulation d’erreurs sociales et politiques, ce quartier de Palerme ne peut être laissé à lui-même. Sans illusion, mais sans renoncement, la paroisse poursuit sa mission, convaincue que la fidélité au service quotidien demeure une réponse concrète à la violence et un signe d’espérance pour l’avenir.

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