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ABUS DANS L’EGLISE : « il sera bien jugé pour viol », deux plaintes reconnues non prescrites par la justice

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Patrick Martin pourrait mettre en cause « des personnes encore en vie, dont des prêtres », soupçonnées d’avoir couvert les faits dénoncés

Alors que la remise en liberté de Patrick Martin est attendue pour aujourd’hui, la décision rendue le mardi 16 décembre 2025 marque un tournant judiciaire dans l’affaire de Bétharram. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Pau a estimé que deux plaintes pour viols visant un ancien surveillant de l’institution Notre-Dame de Bétharram n’étaient pas prescrites, ouvrant ainsi la voie à un futur procès devant une cour d’assises.Patrick Martin est à ce jour le seul des 31 adultes mis en cause à avoir été mis en examen. Les faits reprochés remontent aux années 1990 et 2000. Pour fonder leur décision, les magistrats ont notamment pris en compte une garde à vue intervenue en 2005, à la suite d’une plainte pour viol déposée par un élève, un élément qui a pesé dans l’analyse juridique de la prescription.

À l’époque, l’ancien surveillant n’avait pas été poursuivi et avait pu continuer à exercer au sein de l’établissement. Il n’a été suspendu qu’en février 2024, près de vingt ans plus tard.Pour le collectif des victimes, cette reconnaissance judiciaire constitue un basculement. « Il sera bien jugé pour viol, c’est une immense victoire », a réagi Alain Esquerre, son porte-parole, convaincu que « il y aura un procès aux assises ».Selon lui, la portée de la décision dépasse le seul cas des deux plaignants concernés. « Cet homme a travaillé auprès des enfants jusqu’à l’année dernière, il va y avoir beaucoup d’autres victimes, plus récentes, qui ne se sont pas encore déclarées », estime-t-il.

Patrick Martin, surveillant à Bétharram entre 1983 et février 2024, est aujourd’hui visé par 33 plaintes pour violences, dont une dizaine à caractère sexuel. « C’est un hyperviolent, il passait les enfants à tabac, il cognait. Il est arrivé en 1983 à Bétharram comme surveillant, il avait 18 ans. Et il s’est rapidement occupé des camps scouts. Il invitait un enfant différent chaque soir dans sa tente », affirme Alain Esquerre.Le collectif des victimes considère que l’ancien surveillant ne peut être envisagé comme un acteur isolé. « Patrick Martin n’est qu’une partie du puzzle, il ne voudra certainement pas tomber seul et être accusé au nom de tous », estime son porte-parole. « Il peut lâcher des bombes car il sait beaucoup de choses. »

Selon lui, Patrick Martin pourrait mettre en cause « des personnes encore en vie, dont des prêtres », soupçonnées d’avoir couvert les faits dénoncés. « Il aura intérêt à démontrer qu’il était tombé dans un système pédocriminel organisé, autour des prêtres directeurs, et qu’il en a lui-même subi les conséquences alors qu’il n’avait que 18 ans », poursuit Alain Esquerre.Ces éléments, révélés notamment par France 3 Nouvelle-Aquitaine dans une enquête récente, s’inscrivent dans un dossier judiciaire d’une ampleur inédite.

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Sur le plan judiciaire, Patrick Martin demeure placé en détention provisoire depuis sa mise en examen en février 2025. Il a demandé sa remise en liberté. Les juges, après avoir ordonné une expertise médicale, rendront leur décision ce mardi 23 décembre.« L’expertise médico-légale indique très clairement que le maintien en détention de M. Martin est parfaitement compatible avec une détention », assure Me Thierry Sagardoytho, avocat de l’une des deux victimes dont les faits ont été reconnus non prescrits. Il rappelle un précédent qui continue de hanter les parties civiles. « Rappelez-vous en 1998, le père Carricart avait été remis en liberté. Dix-huit mois plus tard il se suicidait et l’enquête s’arrêtait là. Si l’affaire avait pu être menée à son terme, d’autres victimes auraient pu être épargnées. »Même en cas de maintien en détention, la loi impose un nouvel examen de la situation en février 2026, puis tous les six mois. « À un moment, la libération conditionnelle va s’imposer sur le plan du droit. Mais la justice prendra en effet le risque du suicide, et de priver les victimes de la vérité », avertit Alain Esquerre.

Le collectif appelle désormais à une confrontation entre l’accusé et les parties civiles. « Il ne pourra pas nier les faits face à ses victimes, il se rendra compte de ce qu’il a fait. Et c’est important aussi que le juge entende », insiste-t-il.Depuis janvier 2024, 230 plaintes ont été déposées dans le cadre de l’affaire de Bétharram. Trente-et-un adultes sont aujourd’hui mis en cause, dont quinze prêtres, trois surveillants et un professeur de gymnastique, pour des faits de viols et d’agressions sexuelles sur mineurs. Pour les victimes, la décision du 16 décembre constitue une première reconnaissance judiciaire, en attendant que l’instruction permette d’établir l’ensemble des responsabilités.

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