Depuis vingt ans, l’Église catholique est l’objet d’un déluge médiatique autour des abus sexuels commis par certains prêtres. Les faits sont graves et chaque victime mérite justice. Mais une évidence s’impose l’on est au delà de l’opération vérité et du mea culpa salutaire.Rappelons que le rapport Sauvé (CIASE), publié en octobre 2021, a servi de catalyseur. Le chiffre de 216 000 victimes, repris en boucle, a été présenté comme un constat irréfutable. Or ce chiffre n’est pas le résultat d’un recensement exhaustif mais d’une enquête statistique menée par sondage auprès de 28 000 personnes, extrapolée à l’ensemble de la population, avec une marge d’erreur de cinquante mille. En y ajoutant les laïcs liés à l’Église – catéchistes, animateurs scouts, bénévoles – le total a gonflé à 330 000 victimes. L’opinion publique a alors retenu que l’Église, dans son ensemble, serait coupable d’un crime massif, quand bien même nombre des abuseurs n’étaient pas des prêtres.
Le même rapport indique pourtant que seuls 2,5 à 2,8 % des prêtres français depuis 1950 ont été abuseurs. C’est trop, bien sûr, mais c’est moins que dans la population masculine générale, où les études estiment à 4 à 5 % la proportion d’hommes auteurs d’agressions sexuelles. Statistiquement, un enfant court donc moins de risque auprès d’un prêtre qu’auprès d’un homme ordinaire…et c’est normal me direz-vous, mais cette donnée, trop dérangeante, a été reléguée dans les notes de bas de page, tandis que les chiffres spectaculaires étaient mis en avant.
Le rapport précise aussi que 56 % des abus recensés se situent entre 1940 et 1969. Autrement dit, la majorité des crimes appartient à une époque révolue, avant que l’Église n’instaure des mesures de vigilance et de protection dans les années 1990. Mais cela aussi est soigneusement occulté dans les commentaires médiatiques. À ce compte-là, pourquoi ne pas pousser la logique jusqu’au bout et tenter de recenser les abus depuis l’Église primitive ? Cela satisferait sans doute la morbidité intellectuelle et le goût du saccage de certains qui, sous couvert d’histoire, ne cherchent qu’à salir.
Demander justice et dénoncer un crime est une chose. En faire un argument systématique pour déconstruire l’Église et amalgamer les milliers de prêtres qui se conduisent comme des saints en est une autre
Car les abus ne concernent pas que l’Église catholique. Dans l’islam, l’imam Mohamed Khattabi, à Montpellier, a été accusé en 2019 de viols et d’agressions sexuelles sur sa belle-fille mineure lors de séances de roqya. En Espagne, à Figueres, un imam a été arrêté en juillet 2025 pour agressions répétées sur des enfants entre octobre 2024 et mai 2025. En Inde, l’imam Chhangur Baba a été inculpé pour viol collectif et conversions forcées. Ces affaires ne sont que les plus visibles ; le reste demeure couvert par une loi du silence, par peur du scandale ou d’alimenter l’islamophobie.Dans le judaïsme aussi, le drame est bien réel. En décembre 2021, le rabbin ultra-orthodoxe Chaïm Walder, écrivain populaire en Israël, s’est suicidé après avoir été accusé de dizaines d’abus sexuels sur enfants et adolescentes. En 2022, en France, un rabbin de Marseille a été condamné pour agression sexuelle à deux ans de prison avec sursis et dix ans d’interdiction professionnelle, mais il continue pourtant d’exercer, toléré par ses instances communautaires. Là encore, ce ne sont que quelques affaires connues ; la plupart des victimes, réduites au silence par la pression sociale et religieuse, se heurtent à une véritable chape de plomb.
Or, malgré cette réalité universelle, seuls les prêtres catholiques font l’objet d’une campagne médiatique systématique. Chaque affaire devient une affaire nationale, chaque scandale un prétexte pour peindre l’Église entière comme un corps corrompu.Pendant ce temps, les abus chez les imams et les rabbins sont traités comme des faits divers isolés, sans jamais déboucher sur une mise en accusation globale des communautés concernées.
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En revanche, le vandalisme et les profanations quotidiennes des églises de France sont des choses qui ne choquent plus, devant lesquelles l’émotion collective s’est tue. Ces mêmes médias et intellectuels, qui publient au quart de tour la moindre affaire défavorable à l’Église, ne relaient que très rarement les profanations et dégradations contre les églises de France. Bref, l’émotion et l’indignation sont à géométrie variable.
Il est donc clair que nous sommes face à un deux poids, deux mesures. Certains journalistes et intellectuels, parfois même en se disant catholiques, se drapent dans les habits de la justice et de la vérité. Mais leur but n’est pas seulement de compatir avec les victimes : ils relaient, amplifient, extrapolent tout ce qui permet d’hurler contre l’Église et de cracher leur haine anticatholique. Le plus grave est que certains prélats eux-mêmes, par faiblesse ou par calcul, alimentent ce discours destructeur au lieu de défendre leur propre maison.
Ce procès permanent occulte une autre réalité : celle des milliers de prêtres qui vivent dans la fidélité, le don et le silence. Dans les paroisses rurales, auprès des malades, des prisonniers, ces prêtres sont les témoins d’une sainteté humble et réelle. Mais eux n’intéressent pas les caméras, car leur vie contredit la caricature que l’on veut imposer.
Les abus sexuels sont une tragédie humaine universelle. Ils existent dans toutes les religions, toutes les institutions, toutes les professions. Mais seule l’Église catholique est clouée au pilori, car elle incarne encore une voix morale qui gêne et une vérité qui dérange. Oui, elle doit purifier sa maison et réparer les victimes. Mais non, elle ne doit pas accepter d’être réduite à une caricature forgée par ses adversaires. Derrière le scandale, c’est un combat spirituel et idéologique qui se joue : détruire l’Église en exploitant ses blessures.