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Affaire Michel Santier : un appel à la justice ignoré ? Le silence embarrassant de certains prêtres du Val-de-Marne

Monseigneur Santier - DR
Monseigneur Santier - DR
De Créteil à Vincennes et de Maisons-Alfort à Saint Maur des fossés, ceux qui savent et n’ont rien dit devront un jour aussi en répondre, devant l’histoire et surtout devant Dieu

L’association nationale Mouv’Enfants, qui rassemble des victimes d’inceste et de violences sexuelles, relance l’affaire Michel Santier, ancien évêque de Créteil, en exigeant justice civile et reconnaissance des victimes. Cette affaire, déjà connue depuis 2019, suscite une profonde incompréhension quant au traitement réservé à cet homme par l’Église et les autorités judiciaires. Mais un autre scandale semble couver en arrière-plan : celui d’un silence complice ou, au mieux, d’une indifférence de plusieurs clercs toujours en fonction dans le diocèse du Val-de-Marne.

Michel Santier, ancien directeur de l’École de la Foi à Coutances dans les années 1990, a reconnu en 2019 avoir imposé à de jeunes hommes, dans le cadre de confessions, de se dévêtir, des pratiques qualifiées par lui-même de « strip confessions ». Il a démissionné de sa charge d’évêque et s’est vu imposer une mesure disciplinaire interne : retrait discret à l’abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte, sans ministère public. Ni procès civil, ni peine judiciaire n’ont suivi.La réaction d’Arnaud Gallais, cofondateur de Mouv’Enfants, est sans appel : « On lui offre une retraite dorée. Il n’a jamais été jugé. Une fois de plus, c’est un crachat au visage des victimes. »

Mais ce qui choque davantage aujourd’hui, c’est que plusieurs prêtres du diocèse de Créteil , diocèse dont Michel Santier a été l’évêque jusqu’en 2021 , étaient informés de ces agissements depuis des années, au moins en partie, et n’ont rien dit. Pire encore : certains nient aujourd’hui avoir su quoi que ce soit, alors même que les témoignages recueillis par la presse catholique, comme par des associations, tendent à démontrer le contraire. Cette dissonance entre ce que ces prêtres savaient et leur déni public actuel jette un trouble grave sur la culture de vérité pourtant prônée par l’Église.Comment comprendre que dans un diocèse où l’on prône la transparence et l’écoute des victimes, on puisse côtoyer sans scrupule un évêque ayant reconnu de tels actes ? Quelle crédibilité reste-t-il au discours ecclésial quand certains prêtres préfèrent pratiquer l’omerta par confort personnel..?

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Dans Lettre au peuple de Dieu (2018), le pape François écrivait : « Le cri des victimes nous oblige, et regarde vers Dieu. » Cette obligation morale et spirituelle n’est pas négociable. La communion ecclésiale ne peut exister dans la dissimulation. Le silence, lorsqu’il est complice, devient péché.La colère des victimes est justifiée, et leur appel à la justice mérite d’être entendu. Le cardinal Robert Sarah rappelait dans Le soir approche et déjà le jour baisse : « Ce n’est pas la médiatisation des péchés qui détruit l’Église, mais leur dissimulation. »

Un homme d’Église coupable de voyeurisme dans un contexte sacramentel ne peut être simplement mis à l’écart ; il doit rendre des comptes, devant Dieu et devant les hommes.Si l’Église veut être crédible dans sa mission prophétique, elle doit se montrer exemplaire dans l’application de la justice, et non plus dans le traitement discret des affaires. La mise à l’écart silencieuse d’un évêque reconnu coupable ne saurait suffire.Un procès canonique est annoncé, mais un procès civil est également nécessaire. Il s’agit non seulement de faire justice, mais d’envoyer un message clair : aucun rang, aucun titre, aucune soutane ne protège de la vérité.

Que la lumière soit faite, non pour scandaliser davantage, mais pour purifier. L’Église ne peut être fidèle au Christ si elle ne commence pas par être fidèle à la vérité.Et de Créteil à Vincennes et de Maisons-Alfort à Saint Maur des fossés, ceux qui savent et n’ont rien dit devront un jour aussi en répondre, devant l’histoire et surtout devant Dieu.

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