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Affaire Rupnik : le pape Léon XIV appelle à la patience, mais les fidèles n’y croient plus

Père Rupnik - DR
Père Rupnik - DR
Alors que le pape Léon XIV plaide pour le respect des délais d’un procès « juste » dans l’affaire du père Marko Rupnik, la colère monte dans l’Église

Après trente ans d’attente, de lenteurs, d’enquêtes suspendues et de protections silencieuses, de nombreux catholiques redoutent que la justice ecclésiale se transforme une fois encore en silence institutionnel…Le père Marko Rupnik, jésuite slovène et artiste de renommée mondiale, est accusé d’abus spirituels, psychologiques et sexuels sur une vingtaine de religieuses entre les années 1990 et 2010. Ses mosaïques, visibles à Lourdes, Fatima ou au Vatican, ont longtemps été célébrées comme des chefs-d’œuvre de l’art sacré contemporain. Mais pour plusieurs victimes, certaines de ces œuvres auraient été réalisées pendant les abus eux-mêmes, donnant à l’affaire une dimension tragique et presque sacrilège.

Le 4 novembre, en réponse à une question d’une journaliste d’EWTN, le pape Léon XIV a rappelé l’importance d’un procès équitable : « Un nouveau procès vient de commencer, les juges ont été nommés. Et les procédures judiciaires demandent du temps. Je sais qu’il est très difficile de demander de la patience aux victimes, mais l’Église doit respecter les droits de toutes les personnes. » Il a aussi souligné que « le principe selon lequel une personne est innocente jusqu’à preuve du contraire vaut également dans l’Église », exprimant l’espoir que ce procès « apporte clarté et justice à toutes les personnes concernées ».

Des propos mesurés, mais qui passent mal. Pour de nombreuses victimes et observateurs, cette patience demandée ressemble à une énième promesse sans lendemain. Car depuis plus de trente ans, le dossier Rupnik traîne de rebondissement en rebondissement, au gré de décisions contradictoires et d’interventions discrètes.

Les premières plaintes remontent aux années 1990, mais elles ne sont prises au sérieux qu’en 2021, quand une enquête interne de la Compagnie de Jésus reconnaît la crédibilité des accusations. En 2020, une excommunication avait déjà été prononcée contre Rupnik pour « absolution du complice dans un péché contre le sixième commandement », avant d’être levée deux semaines plus tard sans explication claire, une décision que seul le pape pouvait autoriser. En 2022, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi déclare les faits prescrits, mettant fin à toute procédure.Ce n’est qu’en octobre 2023, face à la pression médiatique et à l’intervention de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, que le pape François décide de lever la prescription pour permettre un procès. Mais celui-ci ne débute jamais. Il faut attendre octobre 2025 pour que le Vatican annonce un nouveau procès, avec la nomination de cinq juges « indépendants » dont les noms et les qualifications n’ont toujours pas été révélés.

Entre-temps, Rupnik, exclu de la Compagnie de Jésus pour désobéissance, a été accueilli dans le diocèse slovène de Koper, où il a été incardiné par un évêque ami. Malgré les restrictions prononcées contre lui, il continue à se déplacer librement à Rome et à prêcher, notamment au Centre Aletti, qu’il a dirigé pendant des années.

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Cette situation nourrit un profond malaise. Le cardinal Angelo De Donatis, ancien vicaire du diocèse de Rome, est régulièrement cité comme l’un de ses principaux protecteurs, tandis que son successeur, le cardinal Baldassarre Reina, reste étrangement silencieux. Quant au cardinal Víctor Manuel Fernández, préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, il est accusé d’avoir attendu deux ans avant d’annoncer l’ouverture du procès, justifiant son retard par l’existence de cas « peut-être plus graves mais moins médiatisés ».

« Demander encore de la patience aux victimes, après trente ans de silence et de procédures opaques, c’est presque ironique », estime le média La Bussola. Pour lui, « le réseau de complicité autour de Rupnik continue d’agir dans l’ombre, retardant délibérément toute issue ».

Le pape Léon XIV, qui hérite de cette affaire de son prédécesseur, fait désormais face à un test moral majeur. En appelant à la patience, il se trouve dans une position délicate : celle d’un pasteur qui veut garantir un procès équitable, mais aussi d’un chef d’Église sommé de prouver que la tolérance zéro face aux abus n’est pas un simple slogan.

La mission de l’Église, rappelait récemment le pape le Saint Père , ne peut se réduire à la gestion des scandales. Mais c’est justement en résolvant avec transparence et fermeté les affaires héritées du passé que le pontificat de Léon XIV pourra retrouver sa crédibilité, tourner la page et restaurer la confiance des fidèles.il est peut-être temps que le pape décide que la patience a assez duré. Au-delà du cas Rupnik, c’est l’honneur même de la justice de l’Église qui est en jeu.

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